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Antoine Rivera – Solidarités International

21 Avril 2022

Nous avons eu la chance de rencontrer l’équipe de Solidarités Internationales aux rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique (RAE) et en particulier Antoine avec qui nous avons particulièrement échangé. Le premier contact passé, ni une ni deux, nous programmons une visite à Nantes.

Solidarités Internationales est, comme son nom l’indique, une association d’aide humanitaire internationale. Elle s’est spécialisée sur les questions d’accès à l’eau et aux sanitaires en situation d’urgence. En apportant un accès à une eau de bonne qualité, elle permet d’éviter notamment la propagation de nombreuses maladies comme le Choléra, la dysenterie ou la diarrhée qui tuent encore trop de personnes dans le monde. Cette association intervient principalement en Afrique, Asie et Amérique du sud.

Comme bon nombre d’organisation internationale, les missions et interventions à l’étranger ont été extrêmement ralenties durant le confinement. Cette situation a permis à cette association française de développer de nouveaux terrains d’intervention. En effet, en France, de nombreuses personnes n’ont pas accès à des conditions sanitaires décentes. Les populations les plus concernées sont : les Roms, les gens du voyage, les migrants et les Sans Domicile Fixe (SDF). En 2017, l’association Toilette du Monde avait réalisé un premier recensement des personnes concernées. A l’époque, on comptait :

  • 205 000 logements sans confort sanitaire, dont 173 000 sans toilettes intérieures et dont 117 000 sans baignoire ni douche. Il s’agit ici de problématiques de rénovation / réhabilitation souvent trop coûteuses pour les propriétaires.
  • 141 000 personnes vivent sans domicile fixe (gens du voyage et SDF). Pour les SDF, il s’agit principalement d’un manque d’accès à des installations publiques dans les villes. Pour les gens du voyage, l’absence d’aire de gens du voyage décentes et confortables en est la principale cause.
  • Environ 20 000 personnes vivent dans plus de 460 campements de fortune ou bidonvilles (Roms et migrants). Ces campements sont régulièrement démantelés et déplacés, ce qui empêche la mise en place de systèmes d’assainissement durables.

Vous l’aurez compris, il y a du travail. Et ce sont les villes qui peuvent actionner les plus gros leviers. Bien souvent démunies face à ces situations, les  collectivités ont besoin d’être accompagnées par des associations spécialistes.

Anciens feuillées utilisés par le bidonville
Ces nouvelles toilettes permettent de maintenir une meilleur hygiène du camp

Solidarités Internationales s’est aujourd’hui positionnée comme l’un des acteurs principal en France. L’association intervient aujourd’hui à Nantes, Toulouse, Lyon, Paris et Lille. A Nantes, la ville compte environ 53 bidonvilles. L’association en accompagne pour le moment 25.

Après avoir travaillé à Médecins du monde sur des terrains d’extrême urgence, Antoine a fais le choix de revenir en métropole. Entre ces deux expériences humanitaires, il a fais un bref passage par la métropole de Nantes, ce qui lui permet aujourd’hui de tisser des liens plus facilement avec sa structure.

Antoine nous a ainsi fait visiter un bidonville à La Chapelle-sur-Erdre, au nord de Nantes. Celui-ci compte une centaine d’habitant.e.s. Il est situé sur un terrain où, à terme, un zone artisanale devrait être construite. Aujourd’hui, les archéologues intervenant avant le chantier y ont trouvé des vestiges. Le démantèlement du bidonville n’est, pour le moment, pas à l’ordre du jour. Situé en bord d’autoroute, celui-ci est toutefois séparé de cet axe routier par une barrière végétale (arbre, arbuste, etc.) qui protège un peu du bruit. De l’autre côté, on tombe sur l’Erdre et ses espaces naturels.

Il fait beau. Le bidonville n’est pas jonché de déchets comme à Toulouse car ici, la benne mise en place par la métropole est régulièrement vidée. Solidarités Internationales a tiré des tuyaux depuis le réseau à quelques centaines de mètres de là. Les habitant.e.s ont ainsi accès à l’eau potable.

Les eaux ménagères (machine à laver, douches, etc.) s’écoulent aujourd’hui directement dans un fossé en contrebas du terrain. Elles ne sont donc pas traitées. A terme, l’association souhaite mettre en place un filtre à broyat de bois tel que proposé dans l’arrêté France Expérimentation en question (voir article sur l’Ecocentre Pierre et Terre).

Pour les toilettes, les habitant.e.s du bidonville faisaient initialement leurs besoins dans une latrine de fortune construite dans la forêt à l’abri des regards. C’était un peu dangereux pour les enfants et finalement peu hygiénique pour l’ensemble des habitant.e.s. Solidarités Internationales a donc fait appel à l’entreprise Toilettes & co (voir article sur Toilettes&co). En première approche, le système mis en place était une installation de toilette sèche à sciure traditionnelle. Après quelques mois d’utilisation, le système ne fonctionnait pas très bien. Les habitant.e.s n’étaient pas à l’aise. La quantité de sciure ajoutée était soit trop grande, soit trop faible. De plus, les volumes à gérer était trop importants et obligeaient Toilettes & co à venir faire la vidange toutes les semaines.

Aujourd’hui, 4 modules de 3 toilettes sont installés. Il s’agit de toilette à séparation. Tout tombe dans un unique réceptacle avec pour fond un caillebotis laissant s’évacuer les urines et lixiviats. Ces substances liquides sont ainsi envoyées par une petite pompe de relevage dans une cuve. Les matières fécales restent, quant à elles, dans le bac. Dès qu’il y a séparation, le système demande moins d’intervention. Toilette & co devrait normalement intervenir tous les 2 à 3 semaines désormais. Pour la ventilation et l’éclairage de nuit, des panneaux solaires sont présents sur le toit des installations. Lors de notre visite, les installations étaient neuves (3 semaines). Nous sommes curieux de voir comment tout cela évoluera à long terme. Les matériaux utilisés semblent durer dans le temps. Aujourd’hui, les habitant.e.s sont très heureux avec ces toilettes. Ils préfèrent clairement ce nouveau système.

Les toilettes sèches ont été fabriquées par Toilettes&Co

Comme à Bordeaux, un des accompagnateurs de Solidarités Internationales parle roumains. Cela facilite grandement le dialogue avec les habitants. Cela a notamment permis d’attribuer une cabine à chaque famille. L’entretien et le nettoyage des cabines se fait aujourd’hui par les habitant.e.s eux-mêmes en autonomie.

En travaillant en France, sur des camps semi-permanents, Solidarités Internationales a dû modifier bon nombre de ses habitudes. L’association doit ici mettre en place des installations facilement démontables (tuyaux non enterrés) mais qui sont susceptibles de durer dans le temps. Comme sur nos autres visites de bidonvilles, il s’agit avant tout de pouvoir améliorer les conditions sanitaires des habitant.e.s. Le choix des toilettes sèches n’est pas motivé par des raisons écologiques mais par leur facilité de mise en place dans ce contexte.

Un grand merci à Antoine d’avoir pu prendre une partie de son après-midi ainsi qu’aux habitant.e.s du bidonville d’avoir accepté que nous visitions.

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