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Trouver son chemin

Pour celles et ceux qui ne le savent pas, nous faisons tous les deux partis de l’association le Réseau d’Assainissement Ecologique (RAE). Notre idée de voyage a émergé avec l’envie de faire un tour à vélo des adhérent.e.s de cette association. C’est comme ça que nous avons esquissé notre parcours.

Mais une fois que nous avions des points de passage positionnés sur la carte , comment faisions-nous pour tracer notre itinéraire exact ? Quel chemin devions-nous emprunter ?

Heureusement pour ça, il existe de supers outils informatiques. Pour le vélo, nous en connaissons trois : Géovélo, BRouter et Komoot. Il doit en exister d’autres mais nous ne parlerons ici que de ce que l’on connaît. Alors commençons tout d’abord par vous en décrire le principe. Ces applications fonctionnent toutes les trois à partir des données d’open street map. Elles sont de super calculateurs qui vont pouvoir vous proposer un itinéraire précis pour aller d’un point A à un point B en fonction des paramètres que vous lui donnez. Il est possible de choisir quel type de sport vous faites : vélo de route, VTT, gravel ou vélo de voyage, etc. Certaines applications sont également utilisables à pied pour de la randonnée ou du trail. En effet, selon le sport que vous indiquez, les applications ne vous feront pas passer par les mêmes chemins et ne prendront pas en compte la même vitesse de déplacement.

Choisir le bon sport sur BRouter

Prenons donc le cas qui nous intéresse, celui du vélo de voyage. En général, ces applications se basent sur une moyenne de 15 à 17km/h sur du plat. Elles prennent en compte le fait que vous avez un vélo chargé. En revanche, elles ne sont pas en relation avec les prévisions météo du lendemain ou des jours à venir et ne prennent en compte ni la puissance, ni l’orientation du vent. Une fois le sport indiqué, vous pouvez demander à ce que l’application privilégie :

  • les pistes cyclables ;
  • de suivre les lignes de niveau ;
  • d’éviter les villes ou centre-bourg ;
  • etc.
Contourner un lieu avec BRouter

Si certains endroits vous paraissent dangereux (centrale nucléaire, grandes raffineries, autoroutes, terrain militaire, etc.), il est possible d’indiquer à l’application que c’est une zone que l’on veut contourner/éviter.

Une fois les points de départ et d’arrivée indiqués, l’application vous calcule un itinéraire conseillé et vous indique a minima : la distance globale, le dénivelé positif, le dénivelé négatif, les zones de fortes pentes ainsi que la durée estimée pour parcourir l’itinéraire. Cela permet de voir directement si c’est réalisable en 1 jour ou s’il va vous falloir plusieurs jours pour atteindre votre objectif. Nous utilisions principalement l’outil BRouter durant notre voyage. Après expérience,  nous rajoutions généralement 1/5ème du temps estimé pour arriver à notre durée globale de trajet. En effet, nous mettions systématiquement plus de temps que l’estimation faite par BRouter. Trois raisons à cela, soit nous sommes hyper lents (ce qui est en partie vrai vu que c’était notre premier vrai voyage à vélo et que nous étions hyper chargés), soit nous avions souvent le vent de face (ce qui est arrivé un peu trop souvent à notre goût, même en descendant la vallée du Rhône!) ou soit l’outil surestimait un peu nos capacités physiques. Attention également à ne pas vous faire avoir sur les horaires. Dans les durées de trajet estimées, ces outils ne prennent pas en compte les quelques arrêts (pour acheter du pain par exemple ou remplir son bidon d’eau) ni les pauses du midi pour manger. Ces moments sont à ajouter à la durée totale estimée.

Vue globale de son étape avec le dénivelé positif en couleur sur BRouter

D’ailleurs, ce n’est pas le cas de BRouter mais certains outils de ce type vous propose d’indiquer ta corpulence, ta taille, ton poids, ton alimentation, etc. pour affiner leurs propositions d’itinéraires. Toutefois, par souci de protection de nos données personnelles, nous nous refusons à renseigner ce type d’informations.

Pour vous donner quelques ordres de grandeurs, une grosse journée pour nous correspondait à une durée estimée par l’outil BRouter de 5 à 6h passées sur nos selles. Au-delà, nous privilégions de faire les étapes en deux ou trois jours. Les plus petites journées que nous faisions étaient de l’ordre de 2 à 3h (durée estimée par BRouter). Il s’agissait parfois de demi-journée seulement. Bien évidemment, cela pouvait varier en fonction du dénivelé positif ou du nombre de kilomètres ainsi que de notre niveau de fatigue au réveil. Ces deux facteurs se ressentent aussi vite dans les jambes !

Vue globale d’une étape et des différents itinéraires proposés par Géovélo

Une fois que vous avez votre tracé, deux options s’offrent à vous suivant l’outil que vous utilisez et ses fonctionnalités :

– télécharger la trace GPS et l’intégrer à votre outil de navigation (sur GPS ou téléphone : google map pour les plus fréquents et OsmAnd pour ceux qui se soucient de leurs données personnelles).

– télécharger l’application sur votre smartphone et suivre la trace proposée directement par l’application avec l’outil de navigation. Si vous n’avez pas envie d’utiliser vos données mobiles, il est possible de télécharger les cartes en avance sur votre application et d’utiliser la navigation hors connexion 3G, 4G ou 5G.

En guise de synthèse, voici un rapide comparatif des 3 applications citées :

Komoot (https://www.komoot.com/fr-fr) : créée en 2010, c’est l’outil le plus répandu chez les cyclistes actuellement (6 millions d’utilisateurs revendiqués). Il dispose d’une application mobile avec navigation vous permettant de suivre votre itinéraire en direct. Il calcule également vos performances physiques durant votre parcours (durée, vitesse, etc.) et vous permet de les partager à votre communauté en ligne (possibilité de poster un texte et des photos également). L’application est développée par l’entreprise Komoot et est par conséquent privée. Pour l’utiliser, il faut se créer un compte. L’application est payante mais son coût est raisonnable. Il s’agit d’un paiement en 1 fois allant de 4€ à 30€ de la plus petite à la meilleure offre. Une fois le paiement effectué, vous avez l’application à vie ! Il existe également une offre premium à 5€/mois mais nous n’avons pas trop compris de quoi elle était composée. Nous ne l’avons pas du tout utilisé dans notre voyage donc on ne peut pas vous en dire plus.

– Géovélo (https://geovelo.app/fr/) : créée en 2013, c’est outil franco-français. En effet, il est initié par une entreprise nantaise. L’application est développée en open source. Elle est gratuite. Elle possède par ailleurs des partenariats avec de nombreuses villes et métropoles françaises pour les aider dans leurs aménagements cyclables (avec les retours de leurs utilisateurs notamment) ainsi que leur mise à jour sur les cartes open street map. Elle possède également une application mobile avec une fonctionnalité de navigation permettant de suivre son itinéraire en direct de sa bicyclette. Un compte doit également être créé pour utiliser l’application. Nous l’avons un peu testée durant le voyage. Nous l’avons trouvé facile d’utilisation et performante sur le calcul d’itinéraire. En revanche, la partie navigation faisait pas mal buguer nos téléphones. Nous l’avons donc très peu utilisée.

– BRouter (https://brouter.damsy.net/latest/#map=6/48.122/10.920/cyclosm) : C’est un outil libre et gratuit. Il est hébergé sur GitHub en Allemagne mais les développeurs sont multiples et répartis dans le monde entier. Il ne nécessite pas de création de compte. Il possède une application mobile et peut être intégré à l’outil GPS libre « OsmAnd » mais nous n’avons pas testé cette option là. Nous avons le plus souvent utilisé BRouter en ligne via un navigateur. Les itinéraires renvoyés sont de super qualité ! Nous avons eu seulement deux petits couacs avec durant tout le voyage : nous nous sommes retrouvés une première fois sur un chemin de VTT et la deuxième fois, nous devions traverser une rivière sur un pont qui n’existait que l’été seulement (Loire à vélo). Pour le deuxième coup, ce n’est vraiment pas de la faute de BRouter.

Exporter une trace PGS sur BRouter

Voulant au maximum employer des outils issues de la communauté du Libre, nous avons principalement utilisé BRouter. En revanche, nous l’avons utilisé via un navigateur web et téléchargions les traces GPS sur notre smartphone. Avec les traces GPS, deux choix s’offraient à nous :

– rentrer la trace gpx dans notre application GPS et installer notre téléphone sur notre guidon à l’aide d’un support ;

– transférer la trace gpx sur un GPS de vélo

Nous n’avions aucune envie de passer notre voyage les yeux rivés sur notre smartphone pour savoir s’il faut tourner à gauche ou à droite. De plus, ce mode de fonctionnement allait consommer une grande partie de la batterie de nos téléphones. Par chance, le père de Nathan est cycliste. Il utilise un petit GPS vélo qu’il nous a gentiment prêté pour le voyage. Il s’agit d’un GPS qui joue également le rôle de compteur vélo. On envoyait donc la trace gpx dessus et le GPS nous la faisait suivre. Grosso modo, le GPS indique simplement des flèches (droite, gauche, tout droit) pour donner la direction. Dans les nouvelles versions, une petite carte peut être visualisée mais ne permet pas d’avoir une vision de l’ensemble du trajet. Un mode « basse consommation » existe sur ces appareils. Ils se mettent en veille. L’écran est donc noir et se rallume uniquement lorsque l’on doit prendre un embranchement. Il reste en veille si l’on doit aller tout droit. On peut également le faire « biper » si l’on dévie de notre itinéraire. Le GPS peut alors calculer un nouvel itinéraire pour nous faire retrouver la trace gpx initiale.

Exemple de GPS vélo

Ces appareils ont en général une très grande autonomie. Ils résistent à deux-trois gouttes mais pour la plupart, il vaut mieux les rentrer dans la sacoche lorsqu’il pleut de trop. Comme ils font compteurs, il est possible de récupérer les données techniques de votre parcours. On peut les brancher à un ordinateur très facilement pour y téléverser les traces gpx ou bien télécharger une application mobile spécifique qui vous permet de les téléverser via le wifi ou le Bluetooth.

Ils constituent un petit budget au départ d’un voyage. Pour du cyclotourisme, pas besoin du GPS dernier cri avec toutes les fonctionnalités. Les anciens modèles en vente sur Leboncoin vous suffiront largement. Vous trouverez votre bonheur entre 60 et 100€ suivant l’utilisation que vous voulez en avoir. Étant en itinérance pendant un bon bout de temps, il était plus pratique pour nous d’avoir une fonctionnalité Bluetooth pour pouvoir téléverser les traces gpx directement à partir de notre smartphone sans avoir à ouvrir l’ordinateur. Sinon cela demande une petite logistique de bien penser à rentrer dans le GPS la veille au soir les traces du lendemain.

Bref, si nous avions quelque chose à recommander si vous ne voulez pas avoir les yeux rivés sur votre téléphone, prenez un GPS/compteur de cyclistes ! ou restez aux cartes IGN, ça marche très bien aussi.

Principales pistes et réseaux cyclables d’Europe

Encore une fois, tout dépend de votre philosophie de voyage. Dans notre aventure, nous avions des points de rendez-vous précis avec des interviews programmés 1 à 2 semaines à l’avance avec certaines personnes. Nous avions donc des distances précises à parcourir dans la journée et ne pouvions pas trop nous permettre de nous perdre. Dans un voyage où vous souhaitez prendre le temps, vivre au rythme de la nature et ne surtout pas vous presser, les cartes IGN sont le meilleur moyen de garder l’esprit poétique du voyage. Elles vous apportent également une meilleure lectuPre du territoire, des paysages et en même temps laisse la possibilité de se laisser porter par le hasard des rencontres.

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Caisse à out’s, entretien et réparation !

Après l’achat du vélo, il a fallu s’atteler aux différents accessoires de voyage à vélo. Dans l’article précédent, nous avons déjà mentionné la sonnette, les sacoches, la béquille, les pédales avec cales-pied, l’antivol et les lumières. Cette fois-ci, nous nous attarderons sur d’autres accessoires tout aussi importants que sont les outils de réparation du vélo.

Comme vous le savez, notre voyage s’est déroulé en France et en Suisse, deux pays où l’on trouve facilement des habitations, des magasins ou des ateliers pour réparer son vélo. Nous n’avions donc pas besoin de partir avec une armada d’outils. Nous avons fait le choix de n’emmener que le « strict nécessaire » permettant de faire les réparations les plus bénignes et l’entretien quotidien de nos montures. Les outils qui sont présentés dans cet article ne conviendront que partiellement pour un tour du monde à vélo. La préparation n’est pas la même si l’on se trouve dans un pays complètement désertique que si l’on traverse nos belles campagnes françaises.

Entretien du vélo

Pour l’entretien de base, il s’agit principalement de prendre soin de la chaîne de son vélo. Rappelez-vous, dans le dernier article, nous indiquions que la chaîne fait partie des « éléments consommables » d’un vélo. Elle s’use relativement vite. D’ailleurs, pour mesurer son usure, les réparateurs de vélo utilise un « mesure-chaîne » ou « contrôleur d’usure« . Il s’agit d’une simple clé que l’on positionne sur sa chaîne afin d’en mesurer la tension. Si la chaîne est complètement détendue, il faut la changer.

Contrôleur d’usure
Maillon rapide de chaîne

Pour la petite anecdote, Victor a fais son voyage avec une chaîne complètement détendue car nous avons fait la découverte de cet outil en fin de parcours seulement. Sa chaîne fonctionnait encore très bien. Il ne l’a donc toujours pas changé. Toutefois, il y a plus de risque qu’elle pète. Cette dimension est donc à la libre appréciation de chacun.e. Notre expérience nous amène quand même à affirmer que si les vitesses et plateaux passent toujours correctement et que la chaîne ne fait pas trop de bruit, ça ne rien se sert à rien de la changer. En revanche, prenez avec vous une chaîne neuve si toutefois l’autre pète. C’est d’ailleurs arrivé à un ami qui nous a rejoint sur les bords de Loire. Heureusement, il avait pris avec lui un maillon rapide de secours qui lui a tenu jusqu’à Nantes ! Si vous n’avez pas envie de trimballer une chaîne entière, prenez toutefois un petit maillon rapide un dans votre boite à outils. ça peut toujours vous éviter de devoir marcher à côté du vélo jusqu’au prochain village.

Pour entretenir votre chaîne, rien de plus simple : prenez avec vous une « brosse ferraille » ou quelque chose qui y ressemble pour pouvoir la nettoyer régulièrement (profitez en pour nettoyer vos dérailleurs aussi). Si vous avez roulé sur le sable, pensez à passer un coup de jet d’eau sur votre chaîne direct après (voire même sur le vélo tout entier) car les chaînes et les dérailleurs n’aiment pas du tout ça !

Brosse à chaîne
Lubrifiant

Pour finir, il est bien de lubrifier sa chaîne de temps en temps durant le voyage. Certains donnent pour indication tous les 100km, d’autres tous les  200km. Cela dépend un peu de chacun. On a entendu tous les discours là-dessus. Avec notre expérience, on vous dira que c’est surtout en fonction de là où vous avez roulé (terre mouillée, sable, cailloux, etc). En gros, dès que vous voyez que votre chaîne est trop sèche, n’hésitez pas à la badigeonner de lubrifiant. C’est pas top pour l’environnement mais c’est impératif pour prendre soin de sa chaîne.

Une autre partie que vous devez penser entretenir de temps en temps c’est vos roues. En effet, au bout d’un certain temps, les rayons d’une roue de vélo peuvent se détendre. Il est donc important de vérifier leur tension. En plein voyage, il est possible de retendre ceux qui sont complètement hors tension avec une petite clé spécifique (voir photo).

Toutefois, la tension de chaque rayon est normalement réglée pour que le travail de la roue se fasse de façon uniforme et réparti. C’est d’ailleurs en jouant sur cette tension que l’on peut dévoiler une roue. Son réglage n’est pas évident à faire à l’œil nu et demande pas mal d’expérience. Il est donc préférable de faire ça dans un atelier vélo en utilisant un « banc de dévoilage« .

Clé à rayon
banc de dévoilage de roue

Réparations quotidiennes

Les principales réparations que l’on peut avoir à faire lors d’un voyage à vélo concernent les chambres à air. En effet, personne n’est à l’abri d’une crevaison, même celles et ceux qui possèdent des pneus de super qualité ! Dans la majorité des crevaisons, la fuite est facile à identifier. Si vous n’arrivez pas à la trouver en gonflant la chambre à air crevée, une solution efficace consiste à la plonger dans une bassine d’eau ou dans une rivière. Vous verrez des bulles remonter à la surface là où l’air s’échappe. Pensez derrière à bien sécher votre chambre à air avant d’entamer la réparation.

Avant de définitivement jeter l’éponge et de prendre une chambre à air neuve, pensez à prendre un kit de réparation composée de : 3 démonte-pneus, une colle ultra-forte, plusieurs rustines et d’un morceau de papier ponce. Cela réduit votre consommation de chambre à air et donc votre impact sur l’environnement. Moins l’on consomme, mieux c’est pour la planète ! Durant le voyage, Victor a battu des records en allant jusqu’à 6 rustines sur une seule chambre à air. Nous avons un peu testé les bombes anti-crevaison mais on n’est pas hyper fans. C’est peut être parce qu’on ne sait pas trop les utiliser mais c’est aussi pour leur principe car c’est du temporaire. Bien sûr, n’oubliez d’emporter avec vous une mini-pompe. Elle ne vous permettra pas de régler la pression exacte dont ont besoin vos pneus mais vous permettra de le regonfler rapidement si vous en avez besoin de façon urgente.

kit de réparation de crevaison
micro-pince

Pour démonter son pneu et atteindre sa chambre à air, on oublie parfois qu’il faut d’abord démonter sa roue. Sur certains vélos, on ne retrouve pas de « papillons » permettant de démonter rapidement les roues. Il est donc parfois nécessaire d’utiliser une clé ou une pince. Ce sont des petits outils que l’on avait toujours avec nous.

Pour continuer sur la réparation, nous avions souvent quelques boulons, écrous ou vis qui disparaissaient ou qui se desserraient. C’est notamment fréquent au niveau des portes-bagages. Ils subissent pas mal de chocs. De temps en temps, il était donc pertinent de faire le tour de nos vélos avec une petite clé de 4/5, des clés allen et un petit tournevis pour vérifier que tout était bien serré. De plus, on emportait toujours avec nous quelques vis et écrous en plus au cas où il y en avait un qui s’était fait la malle sur le chemin. Sur ce point, pensez à emmener avec vous quelques serflex. Ça sert toujours !

parties plastiques de la fixation des sacoches
clé BTR ou clé allen

Pour finir, sur la majorité des sacoches de vélo, il y a des petites partie en plastiques au niveau des fixations qui peuvent s’enlever. Ces parties permettent de régler la fixation pour qu’elle soit compatible avec votre porte-bagage et que votre sacoche ne soit pas brinquebalante. Ces petits morceaux de plastiques tombent très souvent. Pour plus de confort (vis à vis du bruit), n’hésitez pas à en emporter quelques uns de rechange dans votre boite à outils.

Synthèse

Lorsque l’on est plusieurs à voyager, il est facile de mettre en commun tous ces outils et de se répartir le poids. Nous avions fait le choix de les rassembler dans une petite sacoche de cadre afin de pouvoir y avoir accès rapidement sans avoir à vider tout une sacoche.

Sacoche de cadre pour les outils

Pour résumer, avec notre petite expérience de voyage, nous pouvons vous conseiller d’emporter avec vous, à minima, ces quelques outils pouvant t’être indispensables :

  • une pompe à main
  • une petite bouteille de lubrifiant ;
  • une brosse d’entretien de chaîne + chiffon usager ;
    • un kit de réparation des crevaisons : 3 démonte-pneus, une tube de colle ultra-forte, plusieurs rustines et d’un morceau de papier ponce ;
  • une chambre à air de rechange ;
  • un jeu de clé allen ou clé BTR ;
  • une petite pince ;
  • une clé à rayon ;
  • un petit tournevis ;
  • quelques vis, boulons et écrous de rechanges ;
  • en option : un maillon rapide de rechange, un dérive-chaîne, un démonte cassette, un patin de frein de rechange (si vous avez des freins à patins bien sûr).
Boite à out’s de base

Certains de ces accessoires peuvent s’acheter dans les ateliers vélos associatifs. C’est toujours mieux de faire marcher l’économie sociale et solidaire. Vous pourrez même en profiter pour demander des conseils aux adhérent.e.s !

Autre possibilité, trouver ces outils sur Leboncoin. Certains revendent directement leur caisse entière. Vous pouvez vous en tirer pour une bouchée de pain ! Sinon, n’importe quel magasin vélo ou grande surface spécialisée dans les équipements sportifs vous vendra ce type de matériel.

Et puis, on ne le dira jamais assez mais si vous avez de grosses réparations à faire, en France, vous pouvez vous arrêter dans n’importe quel atelier du réseau l’Heureux cyclage et bénéficier d’aide de la part des bénévoles ou des salarié.e.s. Prenez votre adhésion avant de partir, ça vaut le coup !

En dehors des outils, voici quelques accessoires supplémentaires qui peuvent vous servir :

  • des bidons pour stocker votre eau : les anti-plastiques vous rétorqueraient que les bidons relarguent, à la longue, plein de micro-plastiques dans l’eau. Il n’ont pas tord. L’idéal serait d’en trouver en inox même si cela rajoute du poids. Éviter l’aluminium car cela augmente vos chances d’avoir Alzheimer plus tard. A l’inverse, les gourdes ne tiennent pas très bien sur les portes-bidons et sont moins facile à attraper pour boire en roulant. A vous de peser les pours et les contres. Dans tous les cas, préférez installer DEUX bidons sur votre vélo. Vous serez bien content d’avoir autant de réserve en période de canicule !
  • un tendeur pour votre porte-bagage arrière. Prenez-en même plusieurs, cela sert toujours. Par exemple, dès que l’on a acheté son pain pour le pique nique, c’est pratique de pouvoir l’accrocher facilement sur le porte-bagage arrière sans avoir à vider entièrement une sacoche pour lui trouver de la place.
Bidon et porte-bidon

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Acheter son vélo, un vrai défi

Avant de partir, Nathan était le seul à avoir déjà fait un voyage à vélo. C’était au printemps dernier. Il était parti 3 semaines dans le Jura avec des copains. Pour ce voyage, il avait pris son vieux VTT. Cette fois-ci, pour le tour de France, il a envie d’investir dans un meilleur vélo.

Nathan est le seul de nous deux à savoir que le cyclotourisme lui plaît. A terme, il se voit bien partir pour de longs voyages à vélo à l’autre bout du monde. Bref, il est prêt à investir dans une belle bécane !

A la différence de Nathan, Victor a seulement pratiqué le vélo en ville durant ses études. Quelques sorties vélos de route avec son père étant jeune mais rien ne justifiant d’une expertise en la matière. Autant vous dire qu’il n’y connaissait pas grand chose avant de s’y intéresser. Sa démarche ? Demander plein de conseils autour de lui. Il a notamment passé du temps au téléphone avec Nathan bien sûr, mais aussi avec Niels, son père, Antoine, Ulysse, Lydia et Paul. Toutes ces discussions lui ont permis d’avoir quelques notions et surtout de comprendre comment chercher un vélo d’occasion.

Nous sommes en septembre 2021. Les ruptures d’approvisionnement se font sentir. Il est quasi impossible de trouver du neuf. On se tourne alors vers le marché de l’occasion. Pour nous, c’est aussi une manière d’être en phase avec nos valeurs : réutiliser et réemployer plutôt qu’acheter neuf. Mais là aussi, ce n’est pas facile. Le marché de l’occasion est tendu et les prix s’envolent.

Assez vite, la conjoncture du moment fait renoncer Nathan à l’achat de la Rolls-Royce du vélo de voyage. Sa fourchette de prix est revue à la baisse. Nous sommes tous les deux prêts à dépenser 500 euros maximum. Une fois la question du prix tranchée, nous nous sommes attardés sur de nombreux autres facteurs que nous vous exposons ici.

Comme pour tout achat, la première question à se poser est celle de l’usage. Nous étions ici sur un défi sportif et une aventure. Le vélo électrique a donc directement été mis de côté. Ensuite, comme expliqué précédemment, il a fallu se poser la question de ce qu’on comptait faire avec ce vélo. Est-ce simplement pour voyager en France et dans des pays occidentaux ? Ou bien veut-on faire le tour du monde avec et pouvoir rouler au milieu de nul part ? Combien de kilomètres comptons-nous faire avec ? Veut-on garder ce vélo toute notre vie et faire plus de 15 000 km ou bien est-ce simplement pour faire quelques séjours ponctuels de 1 à 2 semaines lors de nos vacances ?

Pour cela, il faut arriver à se projeter dans le temps long. Ce n’est pas facile. Finalement, étant limité par le budget, nous retournons la situation à notre avantage. Nous voulons prouver qu’il est facile de voyager en vélo en France avec peu d’argent. Pas besoin d’un vélo tip top. Le bas de gamme est largement suffisant pour ce que l’on a prévu de faire. Dans le pire des cas, la France est peuplée de magasins et d’ateliers de réparation vélo. Ils se sont même mis en réseau (« l’Heureux Cyclage ») ! En voyage, cela permet de pouvoir être dépanné/aidé/accueilli dans n’importe quel atelier du réseau si tu es adhérent.e à un autre atelier membre – « Les voyageureuse » (Cliquez ici pour en savoir plus).

Comme pour tout achat d’occasion, avant d’aller voir l’objet en lui-même, il est important de poser un certain nombre de questions au propriétaire : Combien de kilomètres a-t-il parcouru ? Quel type de chemin empruntiez-vous avec ? Comment le chargiez-vous ? Avez-vous déjà dû changer la transmission ? Avez-vous dû changer d’autres pièces ?

D’après notre petite expérience, nous avons essayé de faire un résumé des quelques éléments à regarder lorsque l’on souhaite acheter un vélo de voyage d’occasion :

– le cadre ;

– la transmission ;

– les roues ;

– les freins ;

– la fourche et le guidon ;

– la selle ;

– les accessoires divers et variés ;

Si l’on devait décrire le vélo de voyage type, cela serait : un cadre acier ou alu, des roues en 26 ou 28 pouces, au minimum 3×8 vitesses, des freins V-Brake, des pneus 30-35mm, un porte-bagage arrière, un guidon plat ou papillon, une selle confortable et des lumières adaptées.

Nos vélos sur les champs élysées

Mais nous vous proposons de rentrer plus dans le détail.

Le cadre :

Vous avez sûrement entendu parler des marques spécialisées dans le vélo de voyage : Fahrradmanufaltur, Surly, Kona, Trek, etc. En général, c’est la première chose que l’on regarde au début. Elles font du super travail effectivement et sont un gage de qualité mais en neuf, vous trouverez difficilement des vélos en dessous de 1000€. Après, vous avez un grand nombre de marques de cadre local. En effet, dans le temps, il existait de nombreux « cadreurs » un peu partout en France. Là, seuls les connaisseurs les reconnaîtront à force d’aiguiser leur œil. Récemment, il y a un léger retour des cadreurs et des manufactures locales. Il faut en général compter 1000€ à 2000€ pour le cadre nu fait sur mesure. Mais sincèrement, on peut se faire un vélo de voyage avec n’importe quel cadre. Pensez au bon vieux cadre Peugeot que l’on appelait à l’époque « la randonneuse ».

Petite astuce également, faites attention aux mots clés que vous utilisez lors de vos recherches sur Leboncoin ou 2èmemain. Généralement, si vous ajoutez le mot « voyage » à votre rechercher, les annonces sur lesquelles vous tomberez seront généralement plus chères. Les vendeurs réguliers s’en donnent à cœur joie d’augmenter les prix sur ce type de produit.

Il existe aujourd’hui plusieurs matériaux pour les cadres de vélos. Les principaux sont l’acier, l’aluminium et le carbone. Les cadres en carbone sont plus fréquents sur les vélos de route. Pour du vélo de voyage, on partira majoritairement sur des cadres acier ou aluminium.

Quand vous discutez avec des passionnés de cyclotourisme, beaucoup vous diront de prendre un cadre en acier. L’idée derrière est de pouvoir rapidement le réparer si jamais celui-ci se casse. C’est à dire pouvoir trouver un poste à souder dans n’importe quelle ferme du coin et ressouder votre cadre. Et oui, car l’acier se soude facilement alors que l’aluminium non. Il n’empêche, pour tout ça : 1- il faut savoir souder à l’arc et 2- vous ne vivrez cette situation que si vous faites un long voyage du type tour du monde et que vous vous retrouvez dans un coin paumé. De plus, les cadres en aluminium d’aujourd’hui sont nettement plus solides que les anciens et il est très rare qu’ils cassent. L’avantage de l’aluminium c’est aussi qu’il est plus léger que l’acier. Bref, pour notre aventure française et suisse, le choix du matériau importe peu finalement.

Pour le cadre, le plus important c’est de choisir la bonne taille. Pour ça, le mieux est de l’essayer. Au début, vous pouvez aussi aller chez un réparateur de vélo et lui demander quelle est la taille qui vous correspond. Il faut aussi que les dimensions du cadre vous conviennent. Il faut que vous soyez bien dessus, à l’aise pour changer les vitesses et rester des heures dessus sans avoir mal au dos.

L’autre facteur, c’est aussi le poids. Si vous voulez faire beaucoup de montagne, c’est important. Sinon, ce n’est pas primordial. Autant être un peu plus lourd et avoir un cadre solide qui va durer dans le temps.

Vous choisirez également la forme du cadre. Certaines marques vendent encore des vélos de voyage avec une gamme dite féminine (« cadre en V ») et une gamme dite masculine (cadre droit). Les cadres en V sont définis comme des cadres pour les femmes car historiquement ils permettaient de pouvoir porter une jupe ou une robe à vélo. Soit dit en passant, il existait le même type de cadre pour les curés et leurs soutanes. Aujourd’hui, ces cadres peuvent être utiles en ville lorsque vous faites des arrêts fréquents car ils permettent de passer plus facilement la jambe et de pouvoir descendre rapidement de son vélo. Toutefois, pour un vélo de voyage, que vous soyez un homme, une femme ou autre, nous vous déconseillons de choisir ce type de cadre. Préférez plutôt le cadre droit sur lequel vous allez pouvoir accrocher une sacoche ou des bidons.

Cadre en V ou « cadre femme »
Cadre droit

Victor est finalement parti sur un cadre de la marque allemande Ortler. C’est un vélo spécifique au vélo de voyage. Nathan a pris une gamme au-dessus. Il s’agit d’un VTC de la marque Giant.

La transmission :

La définition d’une transmission n’est pas vraiment la même pour tout le monde. La majorité des gens appelle transmission l’assemblage : plateaux, chaîne, cassette et les dérailleurs qui vont avec. Certains y ajouteront les manettes voire même les freins. Ici, nous resterons sur le sous-entendu général.

Les marques principales de transmission se comptent sur les doigts d’une main :

  • Shimano : marque japonaise réalisant tout type de modèle ;
  • Stram : marque américaine réalisant tout type de modèle ;
  • Campagnolo : marque italienne spécialisée en vélo de route.

La plus répandue reste tout de même la marque « shimano ». A première vue, sur une annonce, ça semble être un gage de qualité sauf que tous les shimano ne se valent pas. Plus vous monterez en gamme, plus votre transmission sera chère et donc votre vélo avec. Néanmoins, c’est une partie du vélo sur laquelle il ne faut pas faire trop d’économie. Plus tu montes en gamme, plus tu gagneras en fluidité. L’usure ne sera également pas la même. Pour te renseigner sur les différentes gammes, de nombreux blogs en parlent très bien. Pour un voyage comme le notre, la gamme moyenne « shimano Alivio » est suffisante. Du « shimano deore » sera toujours mieux mais le prix sera plus élevé.

Dérailleur arrière Shimano Alivio
Dérailleur avant Shimano Tourney

Après bien sûr, il y a le nombre de plateaux et de vitesses. Pour se laisser la possibilité de grimper quelques cols, nous préconisons d’avoir 3 plateaux et un minimum 7 vitesses. Tout est une question d’usage bien entendu. Nos vélos sont dotés de 3 plateaux et 8 vitesses. Avec tout le poids que l’on avait sur nos vélos, dans les pentes supérieure à 10%, nous sentions qu’il nous manquait 1 à 2 vitesses ou des pignons avec plus de dents. Au lieu d’augmenter le nombre de vitesse, il est aussi possible d’avoir une cassette agencée d’une manière différente : les 7 premières vitesses s’enchaînent de manière régulière et la dernière vitesse (la plus grande) avec un nombre de dents bien plus important (minimum 32). Ainsi, vous pourrez utiliser l’ensemble des vitesses au quotidien et passer sur la dernière les rares fois où vous vous retrouverez dans des pentes fortes.

Cassette 9 vitesses

Bien sûr, quand vous achetez un vélo d’occasion, c’est bien de tester le vélo et de vérifier que les vitesses passent bien. L’usure des plateaux et des vitesses est aussi un bon indicateur pour savoir si le vélo a déjà fait beaucoup de kilomètres. Cela se remarque à la forme des dents. Si elle ressemble plus au Puy de Dôme qu’à l’Aiguille du midi, c’est que la transmission est un peu usée. Généralement, le deuxième plateau est le plus utilisé. C’est lui qu’il faut regarder en premier. Différentes tests existent également pour vérifier l’état de la chaîne. N’hésitez pas à vous renseigner sur internet. Toutefois, la chaîne est une pièce d’usure que vous allez devoir changer après quelques milliers de kilomètres si celle-ci a été correctement entretenue.

Dans le détail, vous pouvez aussi regarder la marque et le type de « manettes » ainsi que le pédalier. C’est ce qui permet de passer les vitesses. Mais notre expertise s’arrête au fait de savoir régler ses manettes.

Pour le pédalier comme la cassette, les anciens vélos possèdent souvent des pédaliers qui sont soudés aux plateaux et des cassettes qui sont liées à la roue libre. Ainsi, le jour où vous voudrez changer de cassette, vous serez obligés de changer de roue en intégralité. Idem pour les plateaux et leur pédalier. La meilleure manière de savoir si c’est votre cas, c’est de démonter ces différentes parties pour vérifier qu’elles soient libres.

Les roues (jantes + pneus) :

Sur les roues, il y a grosso modo 2 tailles différentes : les roues en 28 ou en 26 pouces. Les unités de mesure sont différentes entre les pays. Toutefois, depuis 20 ans désormais une norme européenne (norme « ETRTO ») oblige les constructeurs à indiquer les dimensions de la manière suivante :

  • le diamètre extérieur de la roue en mm ;
  • la largeur de la roue en mm ;
  • la gamme de pneu pouvant être utilisée sur la roue en mm.

Pour du cyclotourisme,un diamètre de roue de 622m est généralement préconisé. Il correspond à des roues de 28 pouces en ancienne appellation anglo-saxonne soit des roues de 700mm en ancienne appellation française. Cela vous permettra d’aller plus vite qu’avec du 26. Concernant la largeur de la jante, cela dépendra du type de chemin sur lesquels vous comptez aller avec votre vélo. Une jante de 20mm est très large mais vous permettra de vous rapprocher du VTT et d’aller dans les chemins en terre avec du poids sans aucun problème. Généralement, les largeurs de jante utilisées pour des vélos de voyage sont plus petites. Et enfin, les pneus conseillés en cyclotourisme ont une largeur entre 30 et 40mm. Si vous souhaitez avoir un peu plus de vitesse, privilégiez une gamme entre 30 et 35mm.

Un autre paramètre important est également le nombre de rayons que possède votre roue. Plus vous aurez de rayons, plus celle-ci sera solide et pourra supporter du poids. Au-delà des 30 rayons, vous pouvez considérer cela comme du solide.

Quand vous choisissez un vélo d’occasion, c’est très important de vérifier que les roues ne soient pas voilées. Une roue voilée ne tournera pas droit. Un petit voile est facilement rattrapable avec les bons outils. Toutefois, certains voiles sont irrécupérables. L’autre paramètre à vérifier c’est aussi l’état de la jante. Lorsque le vélo a mal été utilisé, la bande de freinage peut être abîmée, voire creusée notamment si le vélo possède des freins à patins qui n’ont pas été renouvelés et qui ont pu frotter acier contre acier. Ce type de situation induit une usure nettement plus rapide des patins. Cela peut représenter un coûts important si vous devez les renouveler tous les 500km.

Pneus Swhalbe Marathon
Moyeu Dynamo Shimano

Si la roue possède un moyeu dynamo, c’est un plus sans être toutefois indispensable. Vous pourrez simplement avoir une lumière qui s’allume avec le mouvement de votre roue ou avoir un moyeu spécifique pour produire de l’énergie et recharger votre téléphone en roulant. Certains moyeux dynamo peuvent entraîner un frottement important lorsque la roue tourne, ce qui peut vous ralentir légèrement. Par ailleurs, il existe d’autres systèmes d’éclairage tout simple composés d’une bobine et d’aimants fixés sur les rayons (par exemple la marque Reelight).

Pour le pneu, Victor a pu en faire les frais. Il a crevé plus de 11 fois durant le voyage. Il ne faut donc pas hésitez à prendre de la marque pour s’enlever une épine du pied. L’idéal en cyclotourisme c’est la marque : Schwalbe marathon. C’est un peu cher à l’investissement mais au moins vous n’aurez aucun souci de crevaison. La marque Schwalbe produit également des chambres à air rembourrées. Avec cela, vous mettez toutes les chances de votre côté pour éviter les crevaisons récurrentes.

Sur un vélo d’occasion, vous pouvez regarder l’état d’usure du pneu. C’est à dire, regarder à quel point il est lisse. Plus le pneu est lisse, plus il est vieux et plus vous glisserez sous la pluie et plus il aura une tendance à la crevaison. Faites également attention à l’état de la gomme, si celle-ci est craquelée, fissurée ou sèche.. Après, le pneu est une partie que vous pouvez facilement changer avant votre départ en voyage ou racheter en cours de route. ça peut toutefois être un argument pour négocier le prix avec le vendeur.

Pour finir, comme dit précédemment, vous devez choisir la largeur du pneu. Un pneu plus large te permettra de mieux passer dans des chemins en terre Un pneu plus fin te permettra d’aller plus vite sur la route. Pour ce que nous avons pu faire en France, c’est à dire majoritairement de la route, le pneu plus fin (entre 30 et 35mm) est plus approprié. Le curseur est à placer entre la vitesse attendue et la protection de la roue que le pneu procure.

A titre d’exemple, ce qu’on appelle les vélos « gravel », ce sont des vélos de route adaptés en vélo de voyage. C’est la grande mode actuellement. Les pneus sont très fins. Pour les fans de vélo, ça leur permet d’utiliser le même vélo pour leurs sorties route du week-end et pour partir en vacances pendant quelques temps.

Les freins :

Cette partie du vélo est très importante car c’est l’un des principaux garants de votre sécurité. Des freins qui freinent bien (qui pilent!) par tous les temps, c’est indispensable et surtout lorsque l’on a des sacoches bien chargées.

Il existe trois familles de freins : les freins sur jante (à patins), les freins à disque et les freins à tambour. En cyclotourisme, on privilégiera les freins sur jante ou les freins à disque, selon les performances et les conditions de routes attendues. Les freins à tambour sont à écarter car difficile à entretenir en cas de pépins. Ils sont en général dédiés à un usage citadin et ne posent quasiment jamais de problèmes, mais imposent de gros travaux ou de se rendre dans un atelier compétent pour les réparer.

Freins à disque

Les freins à disque sont les plus performants par tous les temps lorsque ceux-ci sont bien réglés. Ils nécessitent peu d’entretien et sont assez faciles à régler. Cependant ils sont généralement plus coûteux, nécessitent des roues spécifiques et ne sont pas compatibles avec tous les cadres !

Les freins sur jante sont les plus communs et se déclinent en trois familles : les freins à étrier ou à mâchoires, les cantilevers et les V-brakes (ou freins à tirage linéaire – linear pull). Les freins à étrier équipent la majorité des vélos de route et vieux vélos de ville. Les cantilevers se retrouvent sur les VTT des années 90-2000 et les V-brake sur les vélos plus récents. Tous feront l’affaire sur un vélo de voyage, mais les plus efficaces sont les V-Brakes. Ils peuvent être un peu compliqués à régler au premier abord, c’est une question d’habitude et d’expérience, mais une fois correctement ajustés peuvent rivaliser de puissance avec les freins à disque. Il se réparent facilement et les pièces détachées sont très faciles à trouver.

Tous types de freins peuvent être montés avec des câbles en acier ou bien des gaines hydrauliques. On les appelle alors les freins hydrauliques car la gaine est remplie d’un liquide. C’est la mode sur les vélos neufs mais c’est aussi plus compliqué à régler et changer. N’étant pas nous mêmes réparateurs de vélos, nous vous conseillerons les bons vieux câbles en acier.

La potence et le guidon :

La question du guidon de la potence est intimement liée à la posture que l’on a sur son vélo. Il est important que vous vous y sentiez bien et que vous puissiez changer de position. En effet, vous aurez vite marre de rester tout le temps dans la même position quelque soit le temps. En effet, on se couche généralement lorsqu’on prend le vent de face et on cherche à bien tenir le guidon lorsque l’on souhaite tirer sur les bras en pleine côte. La potence et le guidon seront des parties du vélo que vous améliorerez avec le temps, une fois que vous aurez passé plusieurs heures sur votre vélo.

Potence réglable

Pour la potence, c’est un plus qu’elle soit réglable. Cela vous permettra de régler votre position sur le vélo plus finement. Ce n’est toutefois pas indispensable. Victor a un guidon plutôt haut alors que celui de Nathan est plus bas et se rapproche plus d’un vélo de route. En cyclotourisme, vous retrouverez rarement de suspensions. Cela concernera plutôt du VTT et ses différentes déclinaisons comme le vélo de descente.

Pour le guidon, les guidons dits « papillons » sont souvent vus sur les vélos de voyage, et permettent un grand nombre de postures. Nous n’avons pas eu l’occasion de tester mais cela semble plutôt agréable. L’important de notre point de vue est d’avoir la possibilité de positionner ses mains à 3 endroits différents. Pour cela, vous pouvez très bien acheter un guidon droit et y ajouter des prolongateurs ou des bar-ends. Vous aurez ainsi facilement 3 positions différentes.

Guidon papillon avec prolongateurs
Guidon droit avec bar ends

La selle :

Une des marques les plus connue est la marque « Brooks ». Il s’agit d’une selle en cuir qui est très dure neuve et se détend petit à petit pour prendre la forme de ton fessier. Il est donc contre-productif voir risqué d’acheter ce type de selle d’occasion. La selle aura alors la forme du fessier de l’ancien propriétaire. Les selles Brooks coûtent chères. Il faut compter dans la centaine d’euros. Certains estiment qu’il faut plusieurs centaines de kilomètres avant qu’une selle se fasse au fessier de son utilisateur. Les débuts peuvent donc parfois être douloureux. L’avantage d’une selle brooks, c’est qu’elle est increvable. Vous la garderez toute votre vie !

Selle Brooks Imperial

N’ayant pas les moyens pour ce type de selle, nous avons avons fait le choix de garder nos selles d’origine. Aujourd’hui, il faut savoir que les nouvelles selles sont globalement bien faites. Elles dureront peut-être longtemps mais ne vous feront pas plus mal aux fessiers que les brooks. Durant le voyage, nous n’avons jamais eu mal aux fesses. Les cyclotouristes vous diront qu’il faut tester sa selle sur plusieurs jours (au moins 4) pour voir si elle vous convient.

En discutant avec d’autres hommes du sujet, certains nous ont témoigné le fait que leur selle les insensibilisait au niveau du pénis (en réalité il s’agit plutôt du périné en général). Cela peut provoquer des douleurs intenses. Bref, on n’est pas tous pareil face à la selle de vélo. C’est comme les chaussures, il faut trouver celle qui est à son pied. Et puis, cela dépend beaucoup de ce que l’on porte comme vêtement pour faire du vélo. Nous préconisons de mettre un cuissard assez rembourré sans caleçon. Vous serez bien protégé et n’aurez pas de frottement.

Accessoires :

Comme en ville, la sonnette est indispensable sur un vélo. Nous avons des copains qui ont même installé un klaxon à air-comprimé. C’est très puissant ! Ce n’est pas adapté à la ville mais ça permet de « gueuler » sur les voitures quand elles font n’importe quoi.

Pour le porte-bagage arrière, si vous partez longtemps, nous vous conseillons d’en prendre un qui accueille des charges maximales de 25kg. Sur un long voyage, on est souvent amené à mettre beaucoup de poids à l’arrière. C’est normal, la partie arrière est plus solide que l’avant. Les fixations du porte-bagage sont aussi importantes. Il tiendra mieux s’il est fixé sous la selle et au niveau de la roue. Nathan a cassé le sien en fin de voyage avec le poids de ses sacoches. Heureusement, il a pu en retrouver facilement grâce aux copains.

Sonnette pour alerter les badauds
Porte-bagage arrière de 30kg max

Sur le porte-bagage avant, nous n’avons pas de préconisation. Cela dépend beaucoup de la manière dont tu souhaites organiser tes sacoches. Sur un voyage court (quelques semaines max), c’est possible de partir léger. Dans ce cas, le porte-bagage avant peut ne pas être nécessaire. Une simple plateforme fixée à la potence ou un sac étanche pour la tente et le duvet fixé sur le guidon peut suffire. Pour un voyage long, on a vite besoin de 4-5 sacoches. Le porte-bagage avant devient alors nécessaire.

Pour les sacoches,si vous voulez être tranquille en matière d’étanchéité et ne pas avoir à vous poser trop de questions dès qu’il pleut, orientez-vous vers les marques Vaude ou Ortlieb. Décathlon s’améliore également de plus en plus. Les dernières gammes sorties semblent intéressantes mais nous n’avons pas eu l’occasion de les tester. Certains modèles de sacoche possèdent des filets à l’extérieur. Victor en avait. C’est assez pratique pour y mettre les choses qui puent (fromages) ou qui doivent être faciles d’accès (pantalon de pluie). Avoir une sacoche de cadre est également très pratique pour mettre les outils. Pour finir, c’est aussi très agréable d’avoir une sacoche ou un petit sac accroché à son guidon pour y mettre un peu tout son « bordel » et ce qui a de la valeur (clés, porte-feuille, etc.). Nous avions tous les deux des sacoches de guidon qui sont rapidement détachables. Cela nous permettait d’emmener les objets les plus importants avec nous lorsque nous faisions des pauses telles que s’arrêter pour acheter à manger. Lors du chargement du vélo, il faut faire attention à ce que le poids soit bien réparti. Vous gagnerez en maniabilité et en équilibre.

Une chose sur laquelle il ne faut pas passer à côté ce sont les lumières. Même si le but n’est pas de rouler de nuit, en voyage, vous pouvez rapidement vous retrouver en galère à faire 15km de plus à la tombée de la nuit. Sans être à Las Vegas, c’est important que la personne tout comme le vélo soit visible de loin. C’est la meilleure manière d’être en sécurité. L’idéal c’est d’avoir 1 lumière blanche située à l’avant et 2 lumières rouges à l’arrière (une sur le porte-bagage arrière et l’autre derrière le casque). La lumière avant ne servira qu’à prévenir les véhicules qui peuvent arriver en face. Si vous voulez voir la route qui est devant vous, rien de tel que la bonne vieille frontale. A la différence d’un spot fixe au niveau de la fourche, elle vous permettra de voir aussi à votre gauche et à votre droite en tournant la tête. Les lumières arrières seront comme les feux de positions d’une voiture. Ils délimiteront le vélo et le cycliste. En plus de ça, vous pouvez ajouter des clips réfléchissants sur les rayons de vos roues ainsi que des stickers réfléchissants sur votre cadre. Le gilet réfléchissant viendra compléter votre attirail.

Sur les lumières, les recommandations officielles sont les suivantes : Catadioptre blanc et feu blanc à l’avant, catadioptre rouge et feu rouge à l’arrière, catadioptres oranges sur les roues, catadioptres oranges sur les pédales et gilet réfléchissant hors agglo la nuit par visibilité réduite.

Après plusieurs mois sur la route, un autre élément ajoute du confort : la béquille. Nous avons fait le choix de prendre une béquille centrale chez décathlon. Elle est lourde mais c’est tellement agréable de pouvoir poser son vélo n’importe où sans avoir à chercher un mur ou un arbre à proximité.

Béquille centrale Décathlon
Pédale avec cale-pieds

En cyclotourisme, les gardes-boues ne sont pas indispensables. Ils ajoutent du poids et peuvent être amenés à frotter contre les roues en cas de passage boueux. En voyage, il faut accepter d’être un peu sale. Et puis, lorsqu’il pleut, on sort généralement le pantalon de pluie et les sur-chaussures. Ce n’est donc pas grave si l’on reçoit les projections des roues.

Concernant l’antivol, nous avons fait le choix de ne pas prendre de U mais de partir avec de petits antivols tout simple. La majorité des endroits où nous passions ne craignaient rien. En campagne, vous pouvez facilement laisser votre vélo dans la rue sans l’attacher le temps de faire quelques courses. ET puis, avec les sacoches, peu de gens oseront vous voler votre vélo. Il est bien trop lourd et lent à manipuler. Les seuls points de vigilance sont lorsque nous traversions des villes. L’avantage pour nous c’est que nous étions deux. Toutefois, en contexte urbain, nous trouvions systématiquement un lieu sécurisé où les laisser (une cave, un local vélo ou une cour).

Pour résumer notre expérience dans ce voyage de plus de 3 500km, voici une synthèse des dépenses que nous avons chacun eu sur nos vélos :

Victor : 730€ = 250€ (achat vélo) +300€ (6 sacoches) + 50€ (porte-bagage avant) + 10€ (bidons) + 20€ (outils) + 100€ (réparations et améliorations en cours de voyage)

Nathan : 305€ = 220€ (achat vélo) + cadeau (5 sacoches) + cadeau (bidons) + cadeau (outils) + 85€ (réparations et améliorations en cours de voyage)

Vélo de Nathan
Vélo de Victor

Au-delà de tout ce qui vient d’être dit, le principal conseil que l’on peut vous donner c’est de vous appuyer sur votre entourage. Vous avez forcément un copain ou une copine très impliqué(e) dans un atelier vélo et qui passe une grande partie de son temps à regarder les annonces. N’hésitez pas à lui envoyer les caractéristiques du vélo pour lui demander son avis voire même d’aller découvrir le vélo avec elle/lui.

Finalement, comme dans tous domaines, la question est de savoir où l’on souhaite placer le curseur. Etes-vous prêt à réparer régulièrement votre vélo et à passer du temps dessus pour y apporter les améliorations nécessaires ? Souhaitez-vous construire votre vélo pièce par pièce en fonction des attentes que vous avez ? Ou bien, prendrez-vous un vélo tout prêt et tout fait au risque qu’il vous corresponde moins ?

Ce qu’il faut retenir tout même c’est qu’un vélo comme tous les véhicules, ça s’entretient ! Dès qu’un coup de pédale est donné, il y a forcément une petite partie qui se dévisse, un petit réglage qui se défait. Il faut donc régulièrement nettoyer sa chaîne et son dérailleur, y ajouter du gras et éventuellement resserrer les câbles. Pour les freins à patins c’est la même chose. Les pneus se regonflent régulièrement. La pression maximale est indiquée dessus.

En voyage, votre vélo c’est votre maison. Il ne fait donc aucun doute que vous en prendrez soin !

En espérant que notre petite expérience permette à d’autres de passer le cap et d’entrer dans l’incroyable univers du cyclotourisme ! Bonne route.

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Céline Basset – Blue Soil

Nous avons tous les deux posé nos vélos chez nos parents. Nathan dans les Bouches-du-Rhône et Victor en Ardèche. Mais les deux compagnons de voyage que nous sommes ont décidés de se retrouver pendant 1 semaine au moulinage de Chirols afin de découvrir ce tiers-lieux incroyable mais aussi de prendre le temps de décanter notre voyage et d’imaginer la suite.

Pendant cette petite semaine, nous avons profité d’une journée pour faire une petite excursion dans la Drôme et aller voir une actrice de la transition : Céline Basset et son association La Ferme Blue Soil.

« Partir du microbiote intestinal pour en arriver au microbiote du sol. » Voilà comment Céline résume son parcours. En 2014, elle est atteinte d’une grave infection au Candida Albicans (champignons qui peut provoquer des infections du microbiote intestinal) et perd plus de 20kg. Elle prend alors conscience de son microbiote intestinal et que sa bonne santé est conditionnée à ce qu’elle mange. Elle en déduit assez vite que notre survie, en tant qu’humanité, dépend de la bonne santé de notre planète et de ses écosystèmes.

Céline a démarré son activité de chercheuse paysanne agricole et ses recherches en créant plusieurs fermes expérimentales à l’étranger où elle a passé plusieurs années entre la France, le Vietnam, la Birmanie, le Niger, les Etats-Unis et le Canada. Diplômée initialement d’un master recherche en sciences humaines et sociales, elle se forme en aquaponie aux Etats-Unis et dans les pays asiatiques où cette pratique est industrialisée. C’est aux Etats-Unis qu’elle fait la rencontre du Docteur Elaine Ingham et se forme à son approche de la microbiologie du sol. Elle intègre alors le réseau soil food web.

Depuis, elle a développé une nouvelle manière de faire de la culture en eau qu’elle nomme la microbioponie. C’est la culture de micro-organismes en solution dans le but de réensemencer les sols et de les régénérer.

Nous retrouvons Céline dans la ferme de Sabine à Labégude de Mazenc. Elle souhaite d’abord nous faire constater sur le terrain l’état actuel des sols français. La ferme sur laquelle nous arrivons a vécu près de 40 ans en agriculture conventionnelle. Il s’agissait alors de cultures céréalières. En 2012, Sabine a racheté la ferme et cultive depuis en agriculture biologique et en agroécologie. Cette information est importante à retenir. Vous le découvrirez par la suite.

L’entrée de la ferme de Sabine
Nathan devant la maison de Sabine située en plein coeur de son exploitation

Au total, la ferme s’étend sur 8 hectares sur lesquels on retrouve de la vigne à destination de vin de table et des fleurs. La vigne était la production initiale de la ferme. Mais celle-ci n’étant pas rentable, la roseraie a pris petit à petit plus de place. La ferme n’est pas l’activité principale de Sabine. Elle fait en parallèle des diagnostics de biodiversité dans d’autres exploitations.

Sabine a fais appel à l’accompagnement de Céline car ses vignes ont de gros problèmes de productivité depuis le début. Malgré de nombreuses solutions agronomiques testées (magnésium, cuivre, etc.), rien n’y fait, elles ne lui rapportent même pas 3000€/an en moyenne.

Le constat ? Les sols de la ferme de Sabine sont très pauvres et très tassés. En effet, le travail du sol effectué à l’époque a créé des semelles de laboures profondes par le tassement causé par le passage de gros tracteurs mais aussi des semelles plus superficielles (2cm à 5cm) causée par la battance de la pluie sur des sols nus. Résultat : le sol s’érode. A certains endroits, on observe une perte de 20 à 30cm de terre malgré l’enherbement que l’agricultrice laisse entre les pieds de vigne depuis 12 ans. Normalement, le sol a une fonction d’éponge et de rein : d’éponge car son rôle est d’absorber l’eau qui tombe et de la retenir, et de rein car la microbiologie du sol rend à celui-ci sa structure. C’est à dire que le sol redevient poreux, aéré et contient des passages qui permettent l’infiltration des eaux et leur filtration. Les tests d’infiltration réalisés sur la parcelle de Sabine ne sont pas très concluant. L’eau ne s’infiltre pas du tout.

Céline mène donc ici une expérimentation sur une petite parcelle sur laquelle elle analyse la vie du sol et développe des itinéraires techniques permettant de la régénérer. Elle garde à côté une parcelle témoin sur laquelle elle n’effectuera aucun changement afin de pouvoir comparer ses résultats.

Pour Céline, il existe 2 grandes catégories d’organisme dans le sol :

– les décomposeurs : bactéries et champignons : leur rôle est de produire des enzymes et de décrocher les nutriments de la roche mère. Ils permettent également de décomposer la matière organique.

– les prédateurs : les protozoaires, la nématofaunes et les micro-arthropodes. Les protozoaires vont manger les bactéries. Les nématodes peuvent également être des prédateurs des bactéries mais ils vont aussi manger des champignons et des autres nématodes. Certains nématodes peuvent être sources de bonne santé, tandis que d’autres, en milieu anaérobie vont grandement impacter tout cet équilibre.

Le rôle des prédateurs est de rendre les nutriments biodisponibles pour les plantes. En mangeant les décomposeurs, ils vont transformer les nutriments pour les rendre biodisponible et les rejeter dans leurs excréments. Le docteur Elaine Ingham appelle cela le « poop loop », ou « cycle de la merde » . C’est comme cela que se font une grande partie des cycles biogéochimiques. Les systèmes forestiers ne nous ont pas attendus pour le faire.

Quand on parle de la vie du sol, la plupart des gens pense tout de suite au vers de terre. Ils ont raison car c’est ce que l’on voit à l’œil nu. Céline intervient, elle, à une échelle beaucoup plus petite, invisible. Toutefois, le ver de terre reste très important car, dans son microbiote, il a toutes les catégories d’organisme mentionnés précédemment. C’est pour cela que le ver de terre doit de préférence rester local. Plusieurs études montrent que certains vers de terre européens ont été introduit aux Etats-Unis et on détruit certaines forêts. Tout simplement car la microfaune qu’ils contenaient dans leur microbiote n’était pas adaptée à l’environnement local.

Ce que nous commençons à comprendre ici avec Céline c’est que le sol est comme une empreinte digitale. Il n’existe pas UN sol mais une multitude de sol. Chaque sol a ses propres caractéristiques physico-chimiques (pH, etc.) et biologiques (composition en micro-organismes, etc.).

Le camion qu’utilise Céline pour se déplacer de ferme en ferme
La roulotte transformée en laboratoire microbiologique par Céline

Pour l’expérimentation qu’elle mène ici, Céline a tout d’abord du caractériser la microfaune des sols présents sur la ferme de Sabine. Pour cela, elle a réalisé une cinquantaine d’échantillon en différents lieux de la parcelle. Il faut un minimum de 30 échantillons pour que cela soit statistiquement recevable.

Ici, sur cette parcelle test, Céline n’observe qu’une seule catégorie de micro-organismes, celle des bactéries. Les autres grandes familles sont complètement absentes (champignons, nématodes, etc.). Même en bordure de la forêt longeant la parcelle, Céline ne retrouve pas toutes les catégories. Elle est obligé de s’enfoncer au cœur de celle-ci pour bien visualiser les 5 familles de micro-organismes.

Une fois que l’empreinte digitale du sol étudié est connue, Céline va chercher à cultiver les micro-organismes manquant avec ce qu’elle appelle du « compost microbiologique » pour fabriquer les inoculums qu’elle va ensuite réintroduire dans la parcelle. A chaque fois, les inoculums sont cultivés sur place directement dans les fermes. Elle élabore, avec les ressources locales (matière organique à disposition), différentes « recettes »  dans l’objectif de trouver celle qui correspondra à la situation actuelle de la parcelle. En effet, Céline nous explique que la matière organique peut être apparenté au menu que l’on cuisine au restaurant des micro-organismes. Si tu es une bactérie, tu préféreras la matière azotée. Si tu es un champignon, tu vas préférer la matière carbonée, ligneuse, etc. En fonction du menu que l’on va servir au sol, la microfaune ne va pas évoluer de la même manière. Par exemple, sur un sol à dominante bactérienne, on va observer des matières ligneuses qui vont rester plusieurs années car il manque le champignon qui va permettre de les dégrader.

Le compost, tel qu’il est majoritairement réalisé aujourd’hui, est une digestion anaérobie des micro-organismes. D’après Céline, c’est contre-productif car les organismes qui nous intéressent vivent en condition aérobie (avec oxygène). On note toutefois que la lacto-fermentation peut être bonne pour les brassicacées et les moutardes car ces solutions sont à dominante bactérienne et non fongique.

Pour trouver la bonne recette, Céline va donc réaliser différents compost microbiologique contenant par exemples différentes teneurs azotées (fiente de poule, crottin d’âne, herbe fauchée, etc.) et donc différents ratios C/N (carbone/azote). Certaines teneurs vont permettre de plutôt cultiver les bactéries, d’autres les champignons, etc. On fait ensuite monter en température et humidifie les matières comme on peut le faire habituellement avec du compost. La particularité ici c’est que les compost sont fais à sec pour éviter l’anaérobie. Chaque compost est analysé au microscope afin de déterminer les ratios de micro-organismes (% de nématodes, % de champignons, etc.).

Avant d’épandre l’inoculum correspondant à la parcelle, il faut décompacter le sol. Si le micro-organisme évolue dans un sol compact, il va se mettre en dormance car il va manquer d’oxygène alors que l’organisme anaérobie qui n’est préférentiellement favorable que pour des cultures restreintes (brocoloi, kale, etc.) Les pathogènes préfèrent généralement les sols hydromorphes, tassés et peu oxygénés (<4ppm). Ainsi, au tout début, la première chose à faire avant de réensemencer le sol, c’est de le labourer une dernière fois pour casser la première semelle de tassement. Tout de suite après, on va venir épandre la « soupe microbiologique ». Il faut donc en produire en grande quantité.

A terme, l’agriculteur devra apprendre cette recette lui-même et devra être capable de l’appliquer pendant plusieurs années jusqu’à temps que la « mayonnaise prenne ». Pour cela, Céline utilise des sceau comme unité de mesure facile à reproduire pour les agriculteurs. Une fois que la microbiologie est réintroduite, l’agriculteur n’a plus besoin d’appliquer cette recette. Toutefois, il ne peut pas reprendre ces méthodes habituelles. Il doit adapter son système de manière à favoriser les méthodes d’agroécologie. Selon les résultats obtenus par le Dr Ingham depuis 1996, la régénération d’un sol avec cette technique d’ensemencement peut prendre 2 à 4 ans. Cela varie principalement en fonction de la qualité des élevages microbiens et des capacités de reconstruction de l’habitat.

Avec l’association Blue Soil qu’elle a créée, Céline possède un camion-laboratoire qui lui permet d’aller de lieux en lieux pour réaliser des campagnes d’échantillonnages. Sur tous les échantillons qu’ils ont pu récolter aux quatre coins de la France ces 3 dernières années, les membres de l’association observent systématiquement la sur-présence de populations bactériennes avec parfois des organismes anaérobies tels que des protozoaires ciliés. La problématique du tassement du sol est observé également partout. C’est la première cause de l’asphyxie des sols.

Grâce au Plan Alimentaire Territorial des collectivités territoriales, Céline accompagne aujourd’hui 7 fermes comme celle de Sabine dans le département de la Drôme. Ici, il s’agit de vignes mais dans d’autres fermes c’est plutôt de l’horticulture, du maraîchage, des plantes médicinales et de la céréales. Au total cela représente environ 300 hectares de cultures. Selon elle, chaque ferme représente différentes étapes de la succession écologique du sol. Si demain quelqu’un achète une parcelle où le sol est de très mauvaise qualité, il va devoir passer par différents types de cultures avant de pouvoir obtenir un sol riche et diversifié en micro-organismes.

Ce que l’on observe en écologie des écosystèmes, c’est que la nature va toujours chercher à tendre vers la forêt, un écosystème très résilient et qui possède beaucoup de biodiversité. Pour cela, elle va devoir passer par des étapes intermédiaires. Ces différentes successions visibles à l’œil nu par l’être humain du point de vue végétal ne sont finalement qu’une suite de successions microbiologiques. C’est le docteur Ingham qui théorise cela. Au départ, quand on commence au « stade du cailloux », on retrouve pratiquement aucun micro-organisme ou seulement quelques bactéries. Tant que l’on reste sur un niveau inférieur à la prairie, la dominante du sol est bactérienne. Quand on veut faire son potager, du maraîchage ou de l’horticulture, on cherche à être dans l’étape d’après et à se retrouver avec autant de bactéries que de champignons dans son sol. Dès que l’on est sur de la vigne ou de la roseraie, on cherche  à avoir un sol avec une dominante fongique. Dans cette vision du sol, on travaille donc sur des indicateurs composés de ratios des différentes familles de micro-organisme que l’on retrouve dans un sol.

Céline en train d’expliquer à Nathan son protocole expérimental
Céline en train d’analyser un échantillon sous nos yeux

Lors de notre visite, nous avons la chance de pouvoir rentrer dans le laboratoire installé sur les parcelles expérimentales que s’est créé ici Céline dans une roulotte présente sur le terrain de Sabine. Avec elle, nous avons pu observer les micro-organismes présents dans le sol de la parcelle test. Céline utilise une méthode microscopique qui permet d’observer les micro-organismes vivants en action dans leurs milieux. Dans la microbiologie usuelle exercée dans le monde, on observe des échantillons morts (brûlés, colorés au bleu de trépan, etc.) au microscope électronique, ce qui revient à prendre une photo de micro-organismes morts donc peu représentatif du fonctionnement en milieu naturel. C’est pour cela que les méthodologies sont complémentaires, l’une plus taxonomique et l’autre fonctionnelle. 

Avec le Soil Food Web, elle utilise un logiciel en open data qui permet de collecter les données internationales des sols de différents climat et pays. C’est une grande communauté mondiale qui échange ses data. La méthode qu’elle utilise est calibrée et standardisée afin que toutes les données soient rentrées de la même manière et puissent être comparées entre elles. Dans cette méthodologie, Céline n’a pas besoin d’identifier l’espèce exacte de chaque micro-organisme qu’elle observe. Elle ne va pas dans ce niveau de détail et se cantonne à la famille. Ensuite, dans son échantillon, avec un protocole de dilution, elle compte le nombre d’organisme dans chaque famille : nématodes, amibes, champignons, etc. Elle peut également utiliser certaines colorations pour faire ressortir le caractère pathogénique de certains champignons.

A l’issue de son parcours, Céline a construit un point de vue originale sur la vie du sol et en particulier sur l’utilisation des engrais. Pour elle, les plantes sont des « dealeuses de sucre ». Une fois qu’elles peuvent réaliser la photosynthèse, elle vont libérer des exsudats au niveau racinaire et foliaire. Ces exsudats sont « la cam » des micro-organismes. C’est leurs sucres. Elles concluent alors « un deal » avec les micro-organismes : « tu vas me chercher mon fer qui est là-bas et je te donne mon sucre. » De son point de vue, lorsque l’on utilise des engrais, on casse cet échange qui a lieu entre les micro-organismes et les plantes. Elles peuvent alors faire le choix de se passer complètement des micro-organismes. Ceux-ci décident donc de se mettre en dormance, de s’en aller ou de mourir s’il y a un travail du sol répété. L’utilisation d’engrais serait donc contre productif pour la microbiologie du sol. L’objectif final de Céline est d’arriver à suffisamment régénérer le microbiote du sol de manière à ce que les agriculteurs n’est plus besoins d’engrais, un subtil équilibre entre rendement, rentabilité et régénération. Elle cherche donc à trouver le moyen d’éviter que la vigne de Sabine puisse se comporter comme dans la nature et éviter qu’elle soit perfusée aux engrais.

De la même manière, pour elle, penser qu’il existe une solution générale qui s’appliquerait à tous les sols c’est penser les sols comme une surface inerte, ne pas comprendre que chaque sol à son empreinte digitale, ses caractéristiques. Les Efficient Micro-organisms (EM = microorganismes que l’on va cultiver en laboratoire) sont pour elle pas adapté au microbiote local. C’est une bonne chose dans le sans où il s’agit d’un premier pas vers la microbiologie mais c’est encore une vision en silo du sol qui dans certains cas peut être dangereuse. Par exemple, lorsque l’on va aujourd’hui cultiver du Trichoderma en laboratoire (champignons qui va attaquer les organismes pathogènes) et que les agriculteurs l’applique sur leur sol, celui-ci va au final détruire non seulement les pathogènes mais aussi toutes les autres micoryses présentes dans le sol. Il va prendre toute la place. C’est le même phénomène que l’on observe avec un peu près tous les « Efficient Micro-organism ». Céline a donc une approche différente de la vision développée par l’entreprise Toopi Organics que nous avons pu rencontrer au début du voyage.

L’association Blue Soil est une petite association. Elle n’a aucun salarié pour le moment. Céline Basset possède en parallèle son entreprise « laboratoire santé du sol » avec lequel elle fait des diagnostics et accompagnement d’agriculteurs sur leurs itinéraires techniques. Elle met donc ses compétences scientifiques et agricoles au service de l’association pour toutes les missions de sensibilisation. L’association est aujourd’hui très peu subventionnée et souhaiterait lever plus de fonds pour pouvoir développer son activité et diffuser ses méthodes à un monde plus large que celui de l’agriculture. Les membres de l’association sont principalement des militants et des geeks agronomes, statisticiens ou graphistes.

Après un repas succulent avec Sabine, nous nous rendons chez Céline. Depuis désormais 3 ans, elle s’est installée dans une maison sur la commune de Dieulefit où elle y a installée sa ferme. Avant de commencer la visite, Céline nous montre sa méthode pour cultiver très facilement des micro-organismes chez soi avec du lombricompostage. Comme précédemment, elle cherche à maintenir des conditions aérobiques perpétuelles. Pour cela, elle a fais de nombreux trous dans son bac pour laisser passer l’air. Les robinets permettant de récolter les lixiviats sont continuellement ouverts afin de ne pas les laisser stagner au fond du bac. La seule difficulté consiste à essayer de maintenir 60 à 70% d’humidité dans son lombricompost tout en l’aérant car sinon, les vers de terre vont migrer ou mourir. Dans le lixiviat, on retrouve très peu de micro-organismes car il faut une pression importante pour les décrocher de la matière. Pour cela, elle utilise donc du matériel spécifique composé d’un filtre à 400 microns sur lequel elle exerce une pression de 5 bars de recueillir les micro-organismes. Le matériel qu’elle utilise est très simple. N’importe qui pourrait l’utiliser pour faire un élevage domestique de micro-organismes.

En parallèle de sa démarche de régénération des sols, Céline a développé un système qu’elle appelle « la microbioponie » (contraction des termes microbiologie et hydroponie signifiant culture dans l’eau).  C’est ce système que l’on va découvrir en visitant sa splendide serre semi-enterrée bioclimatique construite grâce à un chantier participatif. En entrant dedans, on découvre que tout est fait à partir de matériau de récup.

Pas de chance, le système est en maintenance. On ne pourra pas le voir fonctionner. Toutefois, cela va nous permettre de comprendre réellement son fonctionnement.

Tout le système fonctionne en circuit fermé. Au départ, un bassin (ancienne fosse sceptique) est remplit initialement avec de l’eau de pluie collectés sur le toit de sa maison. En effet, l’eau de ville est chlorée et ne sera donc pas un bon substrat pour cultiver des bactéries et des protozoaires. Ensuite, un petit dégrilleur est installé en sortie de cuve afin d’éviter que certaines feuilles ou racines ne s’introduisent dans la deuxième partie du système. La pompe utilisée pour envoyer l’eau dans la suite du système est de 5 bars. Légèrement en-dessous des 8 bars afin de maintenir les micro-organismes présents en suspension dans le système. Ici, il n’y a pas de poisson. Céline utilise son urine pour remplacer le fertilisant naturel apporté généralement par les poissons en aquaponie classique.

Les tubes de PVC dans lesquels poussent les plantes de Céline en microbioponie
La cuve en début de système dans laquelle elle apporte ses quelques intrants (urines, etc.)

L’eau passe ensuite dans un filtre tourbillon permettant de séparer les matières solides des liquides. Puis, les liquides passent dans une enceinte cylindrique (tonneaux  recyclés) comprenant des paquets de billes d’argiles et de pouzzolane entourés de moustiquaire qui constituent ainsi les « nids » des bactéries. Ce sont des substrats poreux qui vont pouvoir accueillir les bactéries. Au fond de cette enceinte, plusieurs bulleurs sont installés afin d’apporter de l’oxygène et de garantir des conditions aérobies. L’étape finale est le passage de l’eau chargée en bactéries dans de longs tubes en PVC montés en parallèle dans lesquels des plantes pourront être plongées. Les trous fait dans ces tubes de PVC sont en quinconce afin que les plantes ne se touchent pas les unes des autres.

Céline a réalisé son expérimentation pendant plusieurs années au cours desquelles elle a alimenté son système avec sa propre urine. Son expérimentation est rigoureuse. Céline contrôle méticuleusement combien de litres d’urine elle met dans son système. Elle mesure ensuite le pH, la température et fais des tests NO4, NO3 et NO2. Elle peut parfois aussi mesures des paramètres tels que le CO2 et l’oxygène dissous dans l’eau. La manière de stabiliser son système est la suivante : elle recueille ses urines chaque matin puis les déverse dans la cuve de départ et dès que le système une certaine valeur d’électroconductivité, elle arrête. A partir de ce moment là, elle peut partir en vacances et tout est à l’équilibre.

Lorsqu’elle ajoute son urine, elle remarque systématiquement une baisse de son pH. Pour elle, c’est le signe que les bactéries sont vivantes et qu’elles font bien leur travail. Elle ajoute alors un petit peu de bicarbonate de soude pour rééquilibrer son pH et parfois un peu de fer lorsque ses urines en manquent.

Avec ce système, la phrase « je suis ce que je mange » prend tout son sens. Pendant son expérimentation, Céline faisait donc très attention à ce qu’elle consommait afin d’avoir des urines « parfaites » : pas d’alcool, pas d’antibiotiques, pas d’anti-inflammatoires, pas de traitement hormonal, pas de cigarettes, etc. Elle faisait même attention au nombre de litres d’eau qu’elle buvait en journée afin de gérer la dilution de ses propres urines. Elle n’a pas expérimenté avec les selles car elles contiennent de nombreux pathogènes et qu’elle ne sait pas les gérer pour le moment. Cela viendra peut être par la suite dans d’autres expérimentations.

Ce que critique Céline dans l’aquaponie classique, c’est que l’on cherche aujourd’hui à faire du poisson une ressource financière. Pour elle, cela complique les choses car le poisson apporte la microbiologie du système via son intestin. Lorsque l’on change de cheptel régulièrement, on créé alors un déséquilibre microbiologique qu’il est difficile de retrouver par la suite. De plus, si l’on élève des poissons, pour être cohérent, il faut bien les nourrir. Cela veut donc dire non à la farine animale et aux granulés. Quand elle avait une ferme au Vietnam, elle élevait des grillons et autres insectes pour nourrir ses poissons. Cela prend également beaucoup de temps. Ici, elle préfère utiliser ses urines. Les limites actuelles de son système sont liées à la réglementation de l’utilisation des urines au niveau européen et national.

Pourtant, son système est très productif. Avec 15m², Céline arrive à produire 1,5 repas végétal par jour. Elle avait fait le calcul lors du congrès mondial de la nature à Marseille en 202. Elle avait imaginé pouvoir installé son système sur un parking de 5000m². D’après elle, il aura pu produire environ 240 000 assiettes végétales par an. Tout cela, pour un dispositif low tech qui lui a coûté environ 3000 €. De plus, sa maintenance prend environ 1h maximum par jour. Une fois par an, il reste toutefois nécessaire de le vider et de le nettoyer entièrement afin d’éviter que le biofilm qui se dépose sur les parois des tuyaux en PVC n’attaquent l’acier galvanisé. Globalement, elle nettoie tout le système avec du vinaigre et le soleil (des UV) afin de pouvoir le redémarrer en toute tranquillité. 

La sortie du « nid à bactéries », une répartition de l’eau chargée entre les différents tubes de PVC
Nathan qui interroge Céline sur ses cuves de récupération des eaux pluies

Initialement, l’idée de Céline est d’utiliser la ferme microbioponique comme un outil de transition. En cas d’effondrement du système alimentaire, les sols ne sont pas encore fonctionnels et opérationnels pour produire suffisament de nourriture sur le territoire sans les perfusions externes (engrais). L’enjeu est justement de sortir le système nourricier des dépendances externes et financières à moyen et long termes.La ferme microbioponique et ses hauts-rendements pourrait alors être utilisée le temps de retrouver des sols riches et diversifiés en micro-organismes. L’avantage c’est qu’il peut très bien être installé n’importe où en contexte urbain (cité, parking, usine désaffectée, etc.) afin de produire de la nourriture pour la ville. Seul contrainte, il faudrait élire un urineur ou une urineuse professionnel qui se sacrifie pour la communauté.

Sur ces jolis mots, nous souhaitons remercier Céline d’avoir prie une journée entière de son temps pour nous montrer et expliquer toute la démarche qu’elle mène avec l’association la Ferme Blue Soil. Nous espérons la revoir très bientôt.

Cliquez ici pour accéder au site de l’association la Ferme Blue Soil

Cliquez ici pour accéder à la chaîne youtube de Céline Basset

Cliquez ici pour accéder au site du Soil Food Web 

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Sanisphère

15 Juin 2022

Depuis Orange, il faut pédaler 2h sous un soleil de plomb, mais avec une vue remarquable sur le Ventoux et les dentelles de Montmirail au-dessus des vignobles, pour arriver à Vaison-la-Romaine. Cette fois-ci c’est juste Nathan qui y est accueilli, par Armel Segretain et sa famille. Nous connaissons déjà Armel en partie car il est sorti de la même école d’ingénieur que nous, Polytech Montpellier, quelques années avant. En arrivant, Armel me présente assez rapidement son système fait maison pour récupérer les eaux grises de la journée, les traiter et les réutiliser pour arroser le jardin, environ 120L/jr d’eau économisés (qui plus est, riche en nutriment!). En effet, le bon sens et le low-tech animent autant Armel dans sa vie professionnelle que personnelle, surtout lorsqu’on parle de toilettes ! Parce qu’en effet, dans cet article, nous allons parler de toilettes (ça devient une habitude !).

Vu sur le mont Ventoux et les Dentelles de Montmirail
La ville de Nyons, célèbre pour ses olives

Si Armel est arrivé ici il y a environ 1 an, c’est parce que Pierre Colombo, fondateur et président de Sanisphère, cherchait une énergie nouvelle pour diriger la SCOP. Sanisphère est une entreprise créée en 1991 qui a fortement contribué à donner une nouvelle image aux « toilettes sèches » (qui avaient encore très mauvaise presse à cette époque). La société commercialise des sanitaires publics fonctionnant sans eau ni électricité, principalement à destination des collectivités, mais également pour les aires d’autoroute ou encore pour les refuges de montagne. Sanisphère s’est donné cette mission d’être « au service du soulagement public » et bien que cela puisse faire sourire, la mission est on ne peut plus sérieuse. Avec une technologie basée sur la séparation des urines et matières fécales, Sanisphère a su développer avec sa longue expérience, des toilettes demandant une maintenance très limitée, tout en offrant aux usagés confort (pas d’odeurs,…), modernité et élégance. C’est pourquoi le terme de « toilettes sèches », est que très peu utilisé ici. Car les préjugés qui collent à la peau de cette dénomination (comme la toilette au fond du jardin) ne correspondent pas à l’image de qualité que l’entreprise s’emploie à donner à ses trônes.

Après une bonne nuit de repos, je partage les quelques coups de pédale qui nous séparent de Nyons avec Armel. En effet, c’est dans la ville de l’olive que sont situés les locaux de l’entreprise (bureaux, ateliers et entrepôt). Sur le vélo, Armel me raconte des anecdotes de sa vie à Madagascar. En effet, avant d’arriver à Sanisphère, Armel s’était déjà construit une forte expérience dans le monde de l’assainissement écologique. En 2012, il part à Madagascar suite à son stage de fin d’étude à l’Université de Cranfield lors duquel il intégra la start up Loowatt. Dans ce cadre, il lèvera plus d’1 millon d’euros, en majeur partie grâce au programme pour les toilettes du futur, de la fondation Gates, afin d’installer des toilettes sans eau et sans raccordement à un réseau électrique, dans des bidonvilles de Madagascar. Les matières étaient récupérées, assainies et valorisées (notamment en fumain – fumier humain- ). En parallèle, il s’investit dans de nombreux autres projets (création de la marque de vélo Mbike, ou encore de l’entreprise ASMAD pour l’insertion de jeunes diplômés malgaches), et monte l’entreprise ARAFA (Angovo-Rano-Fandrosoana), un bureau d’étude mettant en place des solutions pour contribuer au développement des secteurs de l’eau, de l’assainissement, des énergies renouvelables et du milieu agricole.

Armel Segretain, l’actuel directeur de Sanisphère
Plusieurs centaines de référence de pièces sont nécessaire pour les différents modèles de toilette

Armel prend le temps de me faire visiter les locaux. Beaucoup de changements sont en train d’être opérés depuis qu’il a repris la direction de la SCOP. De plus, leur activité croissante a permis d’accueillir de nouvelles recrues pour faire grossir les rangs. Dans l’atelier, nous voyons le puzzle de pièces qui permet d’aboutir à la toilette finale. La séparation entre urines et matières fécales est assurée par des tapis roulants mécaniques, activés par une pédale située au pied du siège. Cette technologie fait intervenir un ingénieux système de rouages, ressorts, plaques d’inox associées à un tapis souple en circuit fermé et une assise épurée. Ce système a fait ses preuves chez Sanisphère, en passant haut la main le test de la longévité dans l’espace public. Il n’y a bien que lorsque les toilettes sont incendiées que ces tapis roulants doivent être changés (et encore, une remise à neuf pourrait suffire). Aujourd’hui, face à la demande grandissante de sanitaires, l’entreprise est en train de réaliser un stock de sanitaires, couplé à certains modules adaptables, pour répondre plus rapidement aux demandes des clients.

La séparation des matières fécales et des urines, permet un traitement in-situ simplifié. Les urines sont infiltrées dans le sols et traitées par pédo-épuration. Les matières fécales sont quant à elle envoyées à l’arrière de la cabine, dans un local de compostage clos et ventilé, couplé à une culture de lombrics. Ces lombrics permettent de digérer les matières, et ainsi assurer un compostage aérobie et une réduction très significative du volume du tas. Théoriquement, une chambre de compostage bien dimensionnée permettrait même de réaliser des toilettes éternelles (à ne jamais vider). Pour les matheux, la solution de cette équation réside dans la diminution du volume du tas, d’une année sur l’autre, de 20 %.

Ces toilettes à séparation sont confortables et inodorantes
Derrière la cabine, l’espace de compostage (l’usage massif de papier invisibilise les matières ici)

Je passe le restant de la journée avec Pierre Colombo, en profitant de sa présence pour comprendre sa vision du monde de l’assainissement écologique, à travers sa longue histoire en faveur du développement pour les toilettes du futur. Pierre est ingénieur centralien, il a d’abord travaillé à la caisse des dépôts et consignations avant d’enseigner pendant près de 20 ans à l’université de Paris 8. En parallèle de ses travaux en psychologie sociale, il créé le FEDER, une association regroupant des ingénieurs, pour la plupart objecteurs de conscience, à travailler notamment sur la question de l’assainissement. C’est grâce aux financements de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse que pendant presque 10 ans, ingénieurs et techniciens ont travaillé sur des prototypes de toilettes sèches. Il créé en 1992 l’actuel Sanisphère, et passe de nombreuses années à mettre des modèles de sanitaires au point pour venir convaincre une clientèle encore inexistante dans les années 90. Il faut comprendre qu’à cette époque, la littérature scientifique sur le sujet est encore assez faible. En Belgique, le professeur Joseph Orszagh travaille sur des toilettes sèches type TLB (toilettes à litière biomaitrisée), ou autrement dit, les toilettes à sciure, mais la séparation à la source était encore peut réalisée.

Pierre Colombo, président de Sanisphère, continue de se charger de l’entretien de certaines toilettes
Cette cabine a été installée il y a plus de 20 ans et n’a jamais eu besoin d’être vidée !

Petit à petit, Pierre étant resté extrêmement motivé et convaincu de l’intérêt des sanitaires qu’il a développés, les installations se sont succédées et aujourd’hui près de 1000 toilettes Sanisphère sont recensées en France. Pierre m’emmène visiter quelques cabines situées non loin de leurs locaux. L’une d’entre elle a été installée il y a 20 ans, et n’a jamais eu besoin d’être vidée ! Pierre m’explique que le grand défi de ces toilettes est la ventilation : comment assurer une bonne oxygénation du tas de compost, sans provoquer de remontées d’odeur dans la cabine … Son énergie et sa passion pour la recherche le poussent aujourd’hui à tester des systèmes qui pourraient diffuser des huiles essentielles en continu dans les cabines ou encore à imaginer des systèmes de toilettes sans eau sur plusieurs étages.

Aujourd’hui, Sanisphère est en accroissement d’activité, donc si vous êtes intéressé.e, n’hésitez pas à suivre leurs actualités !

Je reprends mon vélo en fin de journée direction Saint-Féréole-Trente-Pas à une dizaine de kilomètres de Nyons. J’y suis invité par Pierre pour une soirée en l’honneur de l’arrivée d’une famille ukrainienne réfugiée.

Merci à l’équipe Sanisphère pour leur accueil et en particulier à Armel et Pierre pour ces bons moments d’échange lors de cette parenthèse Drômoise.

Cliquez ici pour accéder au site de Sanisphère.

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INRAE REVERSAAL Lyon

3 Juin 2022

Lors de notre virée Lyonnaise, nous avions prévu de rencontrer Catherine Boutin afin qu’elle nous parle d’assainissement non-collectif (ANC). Elle vient de partir à la retraite mais a quand même accepté de nous recevoir. C’est donc chez elle à Mionnay, en périphérie de Lyon, que nous avons pu la rencontrer. Nous faisons d’une pierre trois coups durant cette visite, car Vivien Dubois et Rémi Lombard-Latune de l’INRAE Lyon- Villeurbanne nous ont également rejoint pour discuter avec nous.

Discussion avec Catherine Boutin

Nous sommes sûres d’être à la bonne adresse lorsque Catherine nous lance un « Bonjour les cyclistes ! » avec un grand sourire depuis une des fenêtres de la maison. Elle nous reçoit dans son havre de paix, un ancien corps de ferme réaménagé avec goût. Nous prenons un café et discutons un certain moment, avant de sortir les micros. Victor rencontre Catherine pour la première fois tandis que Nathan avait pu travailler à ses côtés lors d’un stage sur l’assainissement d’un refuge Pyrénéen en 2018.

Quand on parle d’assainissement non collectif (ANC), on parle des personnes qui ne sont pas raccordés au tout à l’égout et doivent donc faire installer un système de traitement des eaux usées sur leur parcelle. En France, on compte 5,8 millions d’abonnés en assainissement non collectif (environ 12,4 millions d’habitants desservis). Cependant, en commençant l’interview, Catherine nous avertie « Aujourd’hui, personne ne connaît la situation de l’ANC en France ». Elle en a une vision assez éclairée car à partir de 2010, elle a participé à un programme de recherche sur les filières françaises.

Catherine Boutin a travaillé au CEMAGREF, devenu IRSTEA et enfin INRAE en tant que chef de mission traitement des eaux usées dans le cadre de l’équipe épuration de Lyon (unité de recherche REVERSALL pour REduire Réutiliser Valoriser les Ressources des Eaux Résiduaires). Elle a travaillé principalement pour les systèmes à destination des petites collectivités et sur les dispositifs d’assainissement dits extensifs (avec une maintenance simple et fonctionnant parfois sans électricité).

En première partie de notre échange, elle nous a parlé de histoire de l’ANC, comment cela a été encadré par la réglementation depuis les années 1980 ainsi que la différence fondamentale entre la normalisation de filières (marquage CE) et la réglementation fixant les règles d’abattement des pollutions. La différence étant que la normalisation de filière a permis l’arrivée sur le marché de systèmes de traitement homologués mais non performants.

Dans une seconde partie de notre rencontre, nous avons échangé sur le travail de suivi in situ de filières de traitement d’assainissement non collectif (ANC) par l’IRSTEA. Cette étude, financée par le conseil général du Rhône puis par l’agence de l’eau Loire Bretagne et l’Office Français de la Biodiversité (OFB) a permis de suivre les capacités épuratoires de 246 installations sur 22 départements entre 2011 et 2016 sur 18 dispositifs différents. Les résultats de cette étude ont fait beaucoup de bruits à leur sortie étant donné qu’ils mettaient en avant que seulement 3 dispositifs (sable, végétaux et fibres de coco) répondaient aux seuils d’acceptabilité de l’étude (en matière de qualité des eaux usées traitées et de facilité d’entretien). Autrement dit, cela a mis en avant l’inefficacité de traitement de la majorité des systèmes de traitement en assainissement non collectif en France. Catherine nous a raconté le climat tendu lors de la présentation de ces résultats ainsi que des pressions qu’elle a pu subir.

Dans un dernier temps, Catherine nous a partagé sa vision des voies d’amélioration de l’ANC. Par exemple, la mutualisation de l’ANC à l’échelle de quartiers avec des filières de traitement robustes et extensives prenant en compte une évacuation correcte des eaux usées traitées.

Vivien Dubois nous a rejoint chez Catherine Boutin au cours de la matinée. Ils se connaissent bien étant donné qu’ils ont été collègues à l’INRAE pendant plus de quinze ans. Vivien a travaillé durant 8 ans sur la thématique ANC (assainissement non collectif). Cependant, les financements concernant la recherche en ANC ont été récemment suspendus. Et oui, aujourd’hui, il n’y a plus aucune recherche publique sur l’assainissement on collectif, sous le tapis !

Discussion avec Vivien Dubois

Vivien travaille désormais sur les sols et leur capacité épuratoire. Il nous a parlé de comment caractériser, ou encore estimer les capacités d’infiltration d’un sol, et quels sont les paramètres qui jouent sur les capacités épuratoires d’un sol. Car si aujourd’hui, l’agriculture s’est fortement intéressé à ces outils là, notamment pour optimiser l’irrigation, le monde de l’assainissement se les ait peu accaparés.

Le sol est un milieu vivant. Ce sont d’ailleurs les mêmes phénomènes bactériens que l’on retrouve dans les station d’épuration qui opèrent dans les sols. Le carbone est consommé par les bactéries, l’azote est nitrifié puis dénitrifié. Ce sont principalement des phénomènes chimiques qui permettent d’absorber le phosphore, mais également tout le spectre des micro-polluants : produits pharmaceutiques, hormones, pesticides. C’est sur ces dernières molécules qu’une partie des recherches se concentrent actuellement. Car si on veut utiliser la capacité épuratoire des sols pour améliorer les traitements en sortie de STEP (station d’épuration), il est important de savoir comment va réagir le sol, comment il dégrade ou non ses molécules et quelles quantités peut-il accepter sans que cela devienne une source de pollution.

Nous avons également discuté de l’infiltration des eaux au travers des tranchés remplies de broyat de bois (FBB : Filtre à Broyat de Bois). Dans la littérature scientifique, cette méthode est connue en agriculture pour traiter d’éventuelles eaux chargées qui s’écouleraient des champs et risqueraient de polluer le milieu. Cette méthode semble prometteuse pour traiter des eaux peu chargées en polluants organiques, et les recherches actuelles de INRAE mettent en avant la capacité de ces systèmes à améliorer la perméabilité d’un sol (via l’activité des vers de terre qui forment des galeries entre le sol et le FBB). Un effet qui pourrait être recherché dans le cas de sol avec de faibles capacités d’infiltration, mais peu intéressant pour des sols reliés directement à des nappes souterraines.

Concernant les sols, un autre domaine de recherche mené par l’unité REVERSALL se concentre sur la réutilisation des eaux usées traitées (REUT ou encore REUSE en anglais). Nous avons abordé cette thématique avec Rémi Lombard-Latune, lui aussi chercheur à l’INRAE de Villeurbanne. Il est arrivé dans cette unité de recherche pour travailler dans un premier temps sur l’adaptation des filtres plantés aux zones tropicales avant d’accéder à un poste sur la thématique de la REUSE.

Discussion avec Rémi Lombard-Latune

Rémi nous a expliqué que la pratique de réutilisation des eaux de vidanges en agriculture est une pratique ancestrale. Aujourd’hui, on estime que dans le monde, les eaux usées réutilisées en agriculture sont traitées dans seulement 15 % des cas. Autrement, les eaux brutes sont directement épandues dans les champs.

En France, certains projets de REUSE on vu le jour dans les années 80-90, avec des projets emblématiques comme à Clermont-Ferrand, Noirmoutier ou l’île de Ré. Aujourd’hui, cette méthode est de plus en plus étudiée dans certains contextes comme une possibilité pour lutter contre les effets du changement climatique (diminution des ressources accessibles en eau douce).

Si la REUSE semble à première vue une excellente solution, sa mise en place est assez complexe et doit être étudiée au cas par cas. En effet réutiliser les eaux usées d’une station d’épuration directement en agriculture n’est aujourd’hui pas possible au vu de la réglementation. Voici plusieurs points qu’il faut prendre en considération dans un tel projet :

  • Rajouter des procédés de traitement : l’assainissement conventionnel se concentre principalement sur le traitement de paramètres physico-chimique (azote, phosphore, matière organique,…). Alors que pour la REUSE, un ou plusieurs traitements supplémentaires sont nécessaire pour également détruire les micro-organismes pathogènes.
  • L’amortissement des coûts d’installation de nouveaux procédés de traitement est compliqué : les besoins étant discontinus (4,1 mois/an en moyenne d’après les retours de terrain), le retour sur investissement est long …
  • La REUSE ne doit pas se faire au détriment de l’environnement. D’une part, les volumes d’eau sortant des station d’épuration viennent en soutien aux débits des cours d’eau et au bon fonctionnement écologique des rivières : les prélèvements pour la reuse se font malheureusement au moment ou les rivières ont le plus besoin de ces eaux. D’autre part, on estime qu’aujourd’hui au niveau mondial la part des émissions de GES pour le traitement de l’eau (6%) est le double de celle de l’aviation. Les étapes de traitement supplémentaires à mettre en œuvres sont très gourmandes en énergies et viennent alourdir une note déjà salée …
  • Une solution serait de repenser notre mode de gestion du risque associés aux pathogènes, en optant pour une gestion intégrée (« multi-barrières »), qui, en considérant le type de culture, les modes d’irrigation, les traitements post-récoltes, permet d’abaisser le niveau de traitement nécessaire et ainsi le bilan économique et environnemental de la REUSE.
  • Le caractère fertilisant de la REUSE (dans le cas où ces eaux seraient chargées en nutriments) n’est souvent pas recherché car il soulève de nombreux autres problèmes techniques (le traitement poussé à mettre en œuvre pour éliminer les pathogènes élimine par ricochet les nutriments, il y a également une problématique de colmatage de l’irrigation en aval ).

Rémi nous a cependant expliqué que la REUSE pourrait se développer, en articulation avec les eaux de pluies, pour de nouveaux usages de l’eau, liés au changement climatique. Cela pourrait être le cas  pour de l’irrigation d’Îlots de fraîcheur en ville ou encore l’irrigation des vignes.

Nous repartons de chez Catherine en début d’après-midi, cette fois-ci avec Rémi qui nous accompagne à vélo. Merci encore à elle pour son accueil et ses temps d’échange de qualité. Merci aussi à Vivien et Rémi pour leur temps et leur bienveillance.

Cliquez ici pour accéder à l’étude de Catherine sur les dispositifs de traitement en assainissement non collectif.

Cliquez ici pour accéder au site de l’unité REVERSAAL.

Cliquez ici pour accéder aux travaux sur le Filtre à Broyat de Bois.

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Solagro – Antoine Couturier (2/2)

(Suite de l’article : Thomas Filiatre – Solagro (1/2).

Après Thomas, c’est au tour d’Antoine de passer devant le micro de Victor. Nous avons 1h devant nous avant qu’Antoine enchaîne avec une réunion en visioconférence. Empressons-nous de démarrer l’interview.

Pour commencer, Antoine, peux-tu nous décrire ton parcours et l’association Solagro ?

J’ai fait une école d’ingénieur en agriculture et horticulture à Angers puis je me suis spécialisé en agronomie tropicale pour travailler sur des projets de développement dans les pays du sud. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pendant 3 ans en Nouvelle-Calédonie. En revenant en métropole, j’ai ensuite travaillé pendant 9 ans dans le développement de l’agriculture biologique au sein de la fédération régionale Rhône-Alpes des paysans bio. Depuis 4 ans, je travaille désormais au sein de Solagro au sein de l’activité « territoires ». Dans cette activité, l’association accompagne des collectivités territoriales dans leurs projets de transition : énergie, climat, alimentation, agricole, etc. Cela va des communautés de communes rurales aux départements en passant par les régions et les projets alimentaires de territoires.

Solagro est une association qui existe depuis 40 ans. Elle a été créée en 1981 par des ingénieurs de l’école d’agronomie de Toulouse qui souhaitaient à la base développer l’énergie solaire en agriculture. Ils étaient à l’époque très marqués par le choc pétrolier des années 70 et les questions énergétiques, d’où le nom : Sol-Agro.
Depuis, les effectifs n’ont fait qu’augmenter mais les objectifs restent les mêmes :

d’une part l’agronomie : techniques agroécologiques, prise en compte de la biodiversité dans les systèmes agricoles, etc.

d’autre part l’énergie : le développement des énergies renouvelables via la valorisation de la biomasse (bois-énergie) et la méthanisation (économie circulaire de la gestion des matières organiques), l’agriphotovoltaïsme (un parc avec des élevages ou des cultures).

Aujourd’hui, l’association compte 35 salariés à Toulouse et 5 à Lyon.

Si je comprends bien, tu as une vision plus globale du système alimentaire français. Pourrais-tu me dire à quoi il ressemble aujourd’hui ?

D’un point de vue production agricole, le système alimentaire français est très productif en termes de volume produit, d’intensification des pratiques, de mécanisation, etc. En revanche, il génère un certain nombre d’externalités négatives qui sont bien connues et bien documentées aujourd’hui : impacts sur la qualité de l’eau, impacts sur la biodiversité et impacts sur la santé humaine à commencer par celles des agriculteurs eux-mêmes.
Quand on continue la chaîne, il y a les entreprises de transformation alimentaire qui vont créer des produits ultra-transformés. A ce niveau, on arrive sur des enjeux de nutrition et de santé publique avec une augmentation de l’occurrence de maladies qui sont corrélés en partie à la question alimentaire : diabète de type 2, obésité, cancers liés au système digestif, etc.
Et ensuite, il y a le cadre macro du dérèglement climatique qui vient impacter la résilience du système alimentaire. Un paysan comme mon grand-père dirait qu’aucune année ne se ressemble en agriculture. La différence toutefois c’est que l’occurrence des mauvaise années est beaucoup plus élevée aujourd’hui. Solagro a travaillé via le projet AgriAdapt sur la manière d’adapter l’agriculture européenne aux effets du changement climatique. En premier lieu, il fallait d’abord comprendre les impacts de ce dérèglement sur le modèle agricole. La capacité de notre modèle agricole à produire des denrées alimentaires est aujourd’hui questionnée.

Pour finir, à cela vient s’ajouter des données sociales et économiques tel qu’un accroissement des difficultés à accéder à une alimentation de qualité pour tous avec par exemple une augmentation du nombre de français qui ont recours à l’aide alimentaire ou qui se déclare en situation de précarité alimentaire.  En France, des géographes et des sociologues ont documentés cette question au travers de la notion des « déserts alimentaires ». C’est la distance qui sépare une personne de produits de qualité. Ici, nous sommes dans le centre de Lyon, j’ai des boutiques et des magasins bio à proximité. En revanche, il y a des quartiers de France où l’on ne trouve que des hard-discount et où la distance à parcourir pour trouver des produits frais est grande.

extrait de l’outil CRATER permettant d’estimer la résilience alimentaire d’un territoire (développé par l’association Les Greniers d’Abondance)

Dans ce que tu viens de dire, je retiens une phrase : « la capacité de notre modèle agricole à produire des denrées alimentaires est aujourd’hui questionnée. » Faut-il s’attendre à avoir faim en France dans les années à venir ?

Comme je le disais précédemment, c’est malheureusement déjà le cas de nombreuses personnes aujourd’hui. Il y a ce phénomène de fond de précarisation auquel vient s’ajouter le phénomène conjoncturel de la guerre en Ukraine qui vient générer des inquiétudes sur les marchés financiers des céréales, ce qui induit une inflation de l’ensemble des denrées alimentaires. On peut aussi ajouter la montée en flèche du prix des énergies fossiles qui augmente les coûts de la tonne d’engrais azotés et du prix de l’essence. Cela se répercute directement sur les charges des agriculteurs et donc sur les prix des denrées.

La France est un grand pays exportateur de produits agricoles. Notre balance commerciale agricole est positive. En revanche, quand on regarde un peu plus dans le détail, ce que l’on exporte le plus en termes de valeur économique reste le vin, le champagne voire le fromage. Par contre, il y a des choses qui sortent de la rationalité. Par exemple, on va exporter des veaux à 1 ou 3 semaines en Italie où ils vont être transformés pour ensuite être réimportés en France pour la restauration collective ou pour les entreprises de l’agro-alimentaire qui font de la transformation. Tout cela pour acheter une viande moins chère que le viande française. De fait, on a un élevage français qui fait cet export de très faible valeur ajoutée. Cela va impacter tous les autres éleveurs autour qui font par exemple de la charolaise en plein air qui vont alors se retrouver en concurrence avec la viande d’Italie.

On produit en France des céréales à très faible valeur ajoutée que l’on exporte ensuite dans les pays de l’Europe de l’est pour nourrir leurs cheptels alors que ces pays ont la capacité de produire eux-mêmes leurs céréales. Et de manière générale, on exporte de la viande et on importe de la viande en France. Cela est un non-sens et paraît un peu fou !

J’aimerai évoquer aussi les travaux de l’association Les Greniers d’Abondance qui ont très bien documentés la question de la résilience du système alimentaire. Une grande partie de leur analyse indique que notre système alimentaire actuel dépend principalement d’une énergie fossile bon marché et accessible. Tout simplement car celle-ci est nécessaire dans les fermes pour faire tourner les machines agricoles mais aussi pour la production des engrais (ex : tonnes d’azote multipliée par 3) et puis ensuite pour tous les flux de la chaînes alimentaires (exemple frappant du yaourt qui fait entre 8000 et 15 000 kilomètres). C’est une réalité. Aujourd’hui, avec un pétrole bon marché, on se permet d’acheter des produits cultivés dans le nord de la France que l’on va transformer dans le sud-ouest, emballer dans une autre région et qu’ensuite on distribue dans tous les coins de France. Les Greniers d’Abondance estiment qu’il y a en France plus de 30 000 poids-lourd qui roulent chaque nuit pour alimenter nos supermarchés. Le système agricole consomme également beaucoup d’énergie dans les étapes de transformation. On pense à la chaleur pour cuire ou chauffer certains aliments mais aussi et surtout à toute la chaîne du froid qui doit être maintenue pour conserver et gérer les stocks (hangars réfrigérés, camions réfrigérés, rayons réfrigérés).

Toute la dépendance que tu décris là semble être en contradiction totale avec les objectifs fixées par la COP 21 de réduire nos consommations en énergies d’origine fossile. Cela semble impossible dans le système alimentaire actuel.

Effectivement, pour atteindre la neutralité carbone et imaginer un monde viable pour nos enfants à la fin du siècle, il faut sortir des énergies fossiles avec le risque que cela impact notre système alimentaire. Le défi est alors double ! Pour sortir des énergies fossiles dans le monde agricole actuel, on a pour le moment peu de solutions. Il y a quelques expérimentations de tracteurs électriques mais on reste sur des puissances très faibles et pour des petites échelles de maraîchage. On a aussi quelques marques de tracteurs qui commencent à commercialiser des tracteurs qui fonctionnent au biogaz. Aujourd’hui en France, on a seulement quelques unités de méthanisation qui ont leur propre station de distribution de biogaz pour leur tracteur, les véhicules de La Poste ou encore les bus scolaires.

Sur tous ces constats-là, à Solagro, on a ressenti le besoin de dessiner de nouvelles trajectoires possibles. On a donc imaginé un scénario qui puisse répondre à cette équation de la soutenabilité du système alimentaire.

D’accord. Je comprends mieux ce besoin de réaliser un scénario prospectif. Peux-tu nous présenter votre réflexion globale et nous expliquer la manière avec laquelle vous l’avez construit ?

Le scénario Afterres 2050 est robuste. On y a mis toute l’expertise de Solagro. Il est basé sur des flux physiques et est itératifs. C’est à dire que si un jour on discute avec des chercheurs nutritionnistes, agronomes ou autre et qu’ils nous disent que l’hypothèse que l’on a prise à tel ou tel endroit est fausse ou exagérée, on modifie notre scénario et on l’ajuste.

Son objectif est d’arriver à nourrir une France plus nombreuse en 2050 (72 millions d’habitants selon l’INSEE) avec un dérèglement climatique qui vient baisser les rendements agricoles tout en essayant de sortir des énergies fossiles, de produire des énergies renouvelables et tout cela en produisant une alimentation de meilleure qualité. On propose donc une trajectoire envisageable et on montre que effectivement, c’est possible de mettre en place un nouveau modèle agricole d’ici à 2050.

On ne prétend pas avoir raison mais par contre, on veut nourrir le débat en présentant ce scénario au plus grand nombre. Il a été présenté une première fois à l’échelon national en 2010. Ensuite, nos équipes l’ont décliné à l’échelle régionale afin de tester ses limites et d’en améliorer la robustesse. On a également invité plusieurs scientifiques aux spécialités différentes afin qu’ils puissent nous apporter leur expertise et leur regard sur notre production. Pour sa régionalisation, nous avons travaillé avec les partenaires locaux : chambres d’agriculture, les DRAAF, l’ADEME, etc. L’approche était de considérer chaque région comme indépendante.

Pour construire ce modèle, nous nous sommes basés sur plusieurs hypothèses.

Source : INRAE – 2019

La première réflexion a été de partir des besoins. En gros, de quoi avons-nous besoin pour nourrir une population française en bonne santé en 2050 ? On a alors le delta entre la consommation actuelle des français et les recommandations de nutrition-santé à l’échelle internationale (OMS) et nationale (Plan National Nutrition-Santé). Aujourd’hui, l’alimentation d’un français moyen est largement au-delà des recommandations nutritionnelles. De plus, en France, on observe une augmentation du nombre de personnes en surpoids. Ainsi, on a fait le choix, en 2050, de ramener l’indice de masse corporel des français au niveau des années 2000. A l’époque, on était déjà en léger excès mais cela restait encore raisonnable en matière de quantité. Cette première orientation induit de réduire les surconsommations de sels, de gras, de sucres mais aussi de protéines. L’OMS recommande 52g de protéines/personne/ jour. En France, on est plus autour de 80-90g/personne/jour. Donc on mange trop de protéines mais surtout trop de protéines d’origine animale (viande, lait, fromage, etc.) par rapport aux protéines végétales (légumineuses). Dans le scénario, l’idée est donc de rééquilibrer ce ratio en augmentant la quantité de protéines végétales et en diminuant la quantité de protéines animales. Cela ne veut pas dire que l’on ne mange plus de viande ou de fromages mais que l’on en mange moins. Tout cela, pour des questions de santé publique.

En lien avec cette question, on retrouve le sujet du gaspillage alimentaire. La FAO estime à environ 30 % l’alimentation jetée dans le monde. Selon une étude récente de l’ADEME, en France, le gaspillage se fait pour 1/3 au niveau de la production, 1/3 au niveau de la transformation et de la distribution, puis 1/3 relève de notre responsabilité de consommateurs (ce qu’on achète en trop, les restes que l’on jette et les choses dont on se débarrasse car la date de préemption est dépassée). Pour résumé, on est tous responsable du gaspillage alimentaire, producteurs, industries, distributeurs et consommateurs. Dans le scénario, on a donc fait des hypothèses fortes de réduction de ce gaspillage.

On définit ainsi les besoins alimentaires à travers des kilocalories/personne qui nous permettent de reconstituer l’assiette d’un français moyen en 2050. On arrive ensuite à estimer le grammage de production nécessaire : tonnes de viande, tonnes de lait, tonnes de légumes à produire, tonnes de blé, etc.
On regarde ensuite les hectares dont on dispose. Il s’agit alors de la Surface Agricole Utile (SAU) française. Puis département par département, on estime des rendements moyens pour chaque culture et des hectares nécessaires pour produire ces besoins. Les rendements moyens que l’on utilise vont tenir compte des impacts du dérèglement climatique via l’outil Climator développé par l’INRA. En effet, nous ne prenons pas les rendements moyens actuels mais ceux de 2030 et 2050 en fonction des évolutions climatiques.


Dans la définition de ces rendements moyens, il y a bien sur la question des modes de production et des pratiques agricoles. Le scénario, là-dessus, fait des choix forts par rapport à la situation actuelle (9 % seulement de la SAU qui est cultivée en agriculture biologique). On considère dans Afterres 2050 qu’il faut accompagner 45 % de l’agriculture française à passer en agriculture biologique, et 45 % vers une agriculture intégrée. C’est à dire une agriculture dans laquelle on peut encore utiliser des engrais azotés de synthèse et en dernier recours des pesticides mais par contre où l’on va mobiliser un maximum de leviers agronomiques qui sont : les rotations diversifiées, des rotations allongés, des cultures associés, des couverts permanents, de l’agroforesterie, de la lutte biologique intégrée, des pâturages tournant dynamique, un travail du sol qui est réduit (pas forcément du sans labour mais un minimum). Cette agriculture reste une agriculture intensive mais elle va chercher à maximiser l’ensemble des leviers qu’elle possède pour réduire son impact.
Il resterait ensuite 10 % d’agriculture conventionnelle telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. Tout ça est très schématique bien évidemment mais cela donne une direction à suivre et des ordres de grandeur.

Illustration du bassin parisien dans le cas où le scénario Afterres 2050 est appliqué (réalisé par le collectif paysage de l’après-pétrole)

Dans cette projection, que faites-vous de l’élevage ? A quoi ressemble l’utilisation de la matière organique en 2050 ?

Dans notre scénario, on réduit le nombre d’élevage mais on en maintient quand même notamment là où c’est pertinent d’en maintenir comme dans les zones de montagne ou les alpages. Ces zones de coteaux et de pentes sont des endroits où l’on sait qu’on ne pourra pas faire grand-chose d’autre en matière agricole. De plus, les prairies ont aussi un intérêt en matière de séquestration carbone et de maintien de la biodiversité puisqu’elles ont une flore et une faune spécifique. On propose donc de réduire le cheptel français parce que c’est cohérent avec les besoins alimentaires et parce que c’est cohérent avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (45 % des gaz à effet de serre émis par l’agriculture française provient de la fermentation entérique des ruminants et de la gestion des effluents d’élevage). Mais par contre, on propose de déconcentrer l’élevage car la politique que l’on a mené ces dernières années a amenée à concentrer 2/3 de la production de porc et de volailles en Bretagne ce qui a conduit au phénomène des algues vertes. C’est une réalité. Mieux répartir l’élevage sur le territoire et préserver l’élevage qui nous intéresse, c’est à dire le plus extensif possible, l’élevage à l’herbe, c’est ce que l’on défend. On va manger moins de viande mais de la viande de meilleure qualité.

Avec une meilleure répartition de l’élevage sur le territoire, on va renforcer ce lien ancestrale de la pratique de la polyculture-élevage. Cela permet de mieux valoriser la matière organique en circuit-court. Dans notre scénario, on a aussi un développement fort de la méthanisation agricole et territoriale. C’est pour nous, une bonne manière de permettre le développement des intercultures et ainsi produire du gaz renouvelable pour contribuer à la transition énergétique française. Cette méthanisation permettrait également de produire du digestat qui est un très bon amendement pour les cultures.
Il faudra également un redéveloppement fort des cultures de légumineuses d’une part car elles permettent de capter l’azote de l’air et le mettent dans le sol mais aussi car elle contribue à rééquilibrer notre consommation de protéines. Leur culture nous permettrait de nous émanciper en partie des engrais azotés de synthèse produit à partir d’énergie fossile.

Tu as anticipé ma question. Je me demandais justement quelle source d’engrais vous comptiez utiliser dans le scénario Afterres. Au-delà de l’azote, avez-vous aussi pensé au Phosphore ?

Sur l’azote, les principales sources prévues dans le scénario sont :

1)les légumineuses ;

2)le digestat issue de la méthanisation ;

3)les effluents d’élevage ;

4)et un tout petit peu d’engrais azotés de synthèse que l’on va chercher à limiter au maximum.

Ce bilan est cohérent. L’azote disponible serait suffisant pour maintenir une production végétale élevée.

Plusieurs exemples de légumineuses ( Source : Terre-net)

Sur le phosphore, le sujet est plus délicat. C’est une ressource fossile que l’on va extraire des mines. Il fait partie des ressources qualifiées de critique par la Commission Européenne. Il est assez peu mobile dans le sol en comparaison à l’azote. Les grandes quantités de phosphore que l’on a pu apporter dans les années 60-70 sont encore présentes dans les sols. Néanmoins, par endroit, on continue à avoir besoin d’apporter du phosphore d’où la nécessité de développer des moyens de recycler le phosphore qui existe et notamment dans l’urine humaine.

Mis à part les engrais, comment projetez-vous le recyclage de la matière organique au sens large dans ce scénario ?

On mise en grande partie sur la méthanisation. Solagro estime, au travers de ce scénario, qu’il faudrait multiplier son développement par 10 mais pas de n’importe quelle manière. Nous souhaitons construire des unités de méthanisation à taille humaine qui soit prises en main par des collectifs d’agriculteurs en concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire dans lesquels elles s’implantent. On conçoit la méthanisation comme un outil au service du développement à la fois de la transition énergétique et des pratiques d’agroécologie. Tous les modèles de méthanisation ne se valent pas. Le lien avec les collectivités locales pourrait ici se faire via les déchets verts et les boues de station d’épuration.

De notre point de vue, le compostage est un outil complémentaire à ce qu’on développe. Via le compost on valorise de la biomasse pour en faire une source de matière organique intéressante pour l’agriculture. Via la méthanisation, on produit du gaz renouvelable et un amendement tout aussi pertinent. On préfère donc faire de la méthanisation que du compostage. Notamment car le compost produit également des gaz à effet de serre. Si on développait le compost à grande échelle, cela pourrait avoir un impact sur le climat. Avec Afterres2050, la part de l’énergie produite par le secteur agricole (165 GWh/an) représenterait 18% de la consommation énergétique française en 2050 (900 GWh/an selon le scénario négaWatt).

Tout comme pour le recyclage de l’urine, la réutilisation des eaux traitées n’a pas été intégrée au scénario Afterres 2050. En revanche, au sein de Solagro, on a accompagné des collectivités locales qui se posent de nombreuses questions sur ce sujet. C’est donc une thématique que l’on est amené à développer.

Et sur la gestion de l’eau ? Avez-vous anticipé la réduction des ressources en eau à horizon 2050 et la nécessité de diminuer la consommation d’eau du monde agricole ?

En effet, la gestion de l’eau décrite dans le scénario porte davantage sur une modification des pratiques agricoles permettant de diviser par 4 la consommation d’eau en période estivale. Nous ne défendons pas une interdiction de l’irrigation car elle est, à notre sens, indispensable dans l’agriculture. En revanche, nous souhaitons réduire son recours dans les périodes où la tension sur la ressource en eau est la plus critique. Cela passe par une évolution des choix des variétés, des cultures, plus de matière organique dans les sols, etc. Dans Afterres2050, le volume d’eau prélevé à l’année par l’agriculture française est comparable à la situation de 2010. Le recours à l’irrigation estivale est divisé par 4.

Au final, quelles ont été les retombées de l’établissement d’un tel scénario ?

Le scénario que l’on a construit ne définit pas les politiques publiques à appliquer telles que la création de nouvelles filières de valorisation mais bien évidemment, si c’est la trajectoire que l’on veut suivre, il va falloir trouver de nouveaux débouchés et que les acteurs de toute la filière prennent ces sujets en main, notamment les coopératives agricoles.

Il y a eu une évaluation économique du scénario Afterres 2050. Au regard des enjeux dont on parle (l’alimentation), il y a de bonnes raisons pour que la puissance publique soutienne et subventionne les acteurs de ces filières. En revanche, on est très critique envers la politique agricole commune (PAC) qui n’évolue pas. Elle continue à soutenir une agriculture intensive qui n’arrive pas à faire le virage attendu par les consommateurs. C’est le cas de la nouvelle PAC définie pour 2023-2027. C’est également le cas de sa déclinaison à l’échelle nationale (Plan Stratégique National) portée par le ministre de l’agriculture Julien Denormandie. A titre d’exemple, ils ont décidé de soutenir au même niveau les agriculteurs qui sont en agriculture biologique et les agriculteurs qui sont labellisés en HVE (Haute Valeur Environnementale) alors que les niveaux d’exigence ne sont en rien comparable. En faisant ça, on décourage les personnes qui s’engagent dans les pratiques les plus vertueuses telles que l’agriculture biologique ou l’agroécologie poussée et ambitieuse. On peut en soit être qualifié en HVE sans avoir jamais modifié ses pratiques ou son itinéraire technique.

Si on mange moins, on se libère du budget pour consommer mieux et soutenir les agriculteurs qui développent des pratiques plus vertueuses. Manger local n’a pas d’intérêt si l’on mange une pomme qui reçoit en moyenne 35 pesticides différents. Manger local c’est intéressant à partir du moment où l’on soutient ses hommes et ses femmes qui s’engagent dans des pratiques vertueuses.

Carte de l’usage des pesticides agricoles en France réalisée par Solagro

Ce scénario est le fruit d’expérience concrètes menées sur le terrain et  de travaux scientifiques réalisés sur tous ces sujets. Enfin, il est important de le rappeler, il n’y a aucun pari technologique. Tout ce que l’on mobilise dans Afterres 2050 c’est la généralisation des meilleures pratiques qui existent déjà aujourd’hui et que l’on maîtrise. On dispose de tous les outils nécessaires pour changer de trajectoire. S’il y a des recherches et des nouvelles inventions qui apparaissent, elles nous permettront seulement d’atteindre plus facilement nos résultats.

Le scénario Afterres nous sert avant tout de récit. Avant de se lancer dans des pratiques plus vertueuses, l’agriculteur a besoin de savoir que ça existe, que c’est possible et que cela a du sens. On vient alors, avec le scénario donner de la légitimité à son action.

Merci Antoine d’avoir répondu à mes questions. Cela fait en effet rêver. Qu’attendons-nous pour changer les choses ? Créons des filières vertueuses partout en France, dans tous les territoires !

Cliquez ici pour aller sur le site de Solagro.

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Solagro – Thomas Filiatre (1/2)

Comme décrit dans l’article précédent, Lyon fût pour nous l’occasion de retrouver de nombreux amis. Nathan retrouve notamment sa compagne avec qui il a fais le choix de passer toute la journée. Victor se rendra donc seul à l’ancienne gare des Bretteaux rencontrer l’association Solagro. Toujours à vélo, il rentre dans cet espace du 6ème arrondissement qui regroupe différentes structures liées à l’association Hespule comme par exemple l’association Solagro.

Là-bas, Victor rencontre Antoine et Thomas, deux salariés de Solagro qui travaillent sur des thématiques différentes. Le premier est en charge de développer et diffuser le scénario Afterres 2050 tandis que le second est spécialiste de la méthanisation.

Cette rencontre prendra donc la forme, comme les interviews, de deux articles qui se succèdent.

Après un petit café dans la cuisine collective et l’installation des micro dans la salle de réunion, Victor entame la discussion avec Thomas. Celui-ci vient de la banlieue parisienne. Il fait des études d’ingénieur en agronomie à Beauvais dans l’Oise. Il a vécu ensuite 10 ans dans les environs de Nantes en travaillant plutôt sur des missions commerciales où il vend des installations de traitement des effluents chargés de produits phytosanitaires de l’industrie viticole présente dans le Maine et Loire. Cela lui a permis de découvrir l’assainissement non collectif puisqu’il vendait également des systèmes de traitement pour les hébergements de plein air et l’hôtellerie. En 2011, il a eu l’opportunité de s’intéresser à l’assainissement et à la méthanisation agricole à travers la gestion des effluents d’élevage. Puis, il a déménagé en Bourgogne en 2016 du côté de Macon.

Thomas s’est intéressé à la question de la méthanisation car à son sens, elle répond à un certain nombre d’enjeux agricoles et énergétiques permettant de réaliser la transition de notre société.

Victor : Je te propose donc de rentrer dans le vif du sujet. Pour commencer, pourrais-tu expliquer succinctement et avec des mots simples ce qu’est la méthanisation ?

Thomas : Rien de plus facile ! Il s’agit simplement de reproduire de manière artificielle ce qui se passe dans l’estomac d’un ruminant telle que la vache. C’est à dire que l’on a une communauté de bactéries qui va venir grignoter de la matière organique pour produire d’un côté du méthane (CH4), de l’autre du dioxyde de carbone (CO2). Nous n’avons rien inventé. Initialement, ce sont des phénomènes qui avaient été observées dans la nature au niveau de ce que l’on appelait les gaz de marais, des endroits où la matière organique se décompose et fait remonter des bulles à la surface. Il s’agit alors de bulles de méthane. C’est également ce qui se passe quand on parle de la fonte du permafrost, la température s’élevant, les bactéries présentent dans le sol vont venir dégrader la matière et émettre du méthane.

Peux-tu nous faire un rapide historique du déploiement de la méthanisation en France ?

Dans les années 40, il y avait pleins d’exploitations qui produisaient de manière artisanale leur propre gaz que l’on appelait alors le « gaz de ferme ». Puis ensuite, le développement industriel a pris le pas et les énergies fossiles ont été massivement employées pour augmenter l’efficacité des machines agricoles. A l’issue des choc pétrolier des années 70, début 80, il y a une réémergence de la filière méthanisation. Et puis quand le pétrole est redevenu compétitif au milieu des années 80 la filière a été de nouveau enterrée. Il restait toutefois quelques irréductibles tels que Solagro.

Dans les années 90, la méthanisation s’est beaucoup développée sur la récupération des gaz de décharges. Et puis, à partir de 2010-2011, il y a un certain nombre de signaux qui ont été envoyé par l’état pour faire en sorte que cette filière émerge. Il y avait notamment un dispositif tarifaire incitatif dans lequel l’état s’engageait à racheter l’énergie produite à un tarif supérieur aux tarifs du marché. L’objectif de l’état était le développement de la filière et la montée en compétence des acteurs pour faire en sorte qu’une industrie se développe et qu’elle puisse égaler les niveaux de tarifs des autres modes de production d’énergie.

Et donc, quelles sont les différentes techniques de méthanisation ?

Dans les années 2010, on parlait uniquement de co-génération dans le milieu de la méthanisation. C’est à dire que l’on prenait le gaz produit par le procédé de méthanisation et on le brûlait dans un moteur pour entraîner une génératrice qui produisait de l’électricité. L’ennuie c’est que le mix énergétique français en terme d’électricité est majoritairement couvert par la production nucléaire et que le coût de revient est établi à 45€ du mégawattheures. Cela fait une énergie qui est, sur le papier, très compétitive. Ce qui était impossible d’égaler pour la filière méthanisation à l’époque.

Petit à petit, on s’est vite rendu compte qu’énergétiquement, la méthanisation était plus efficace en injectant directement le gaz dans le réseau quand le brûlant pour produire de l’électricité. Lorsque l’on injecte directement dans le réseau comme ça, le gaz produit par la méthanisation est alors mélangé au gaz d’origine fossile présent dans le réseau également.

Les procédés de méthanisation ont globalement 3 voix de valorisation :

soit produire du biogaz pour alimenter une chaudière et produire de la chaleur ;

– soit la cogénération : production d’électricité + chaleur ;

soit l’épuration : production de biocarburant.

Schéma de principe de la co-génération (Source : ATEE)

Le biogaz est globalement composé de méthane, de gaz carbonique et de quelques autres gaz tels que le dioxyde de souffre (gaz toxique que l’on doit éviter à tout pris). Le procédé d’épuration consiste à chercher à séparer le méthane du dioxyde de carbone. Le premier a un potentiel énergétique. Jusqu’ici, on ne se servait pas trop du second mais désormais, on commence à lui trouver une valeur et des applications dans l’industrie (agroalimentaire notamment). Pour ces deux gaz ainsi produits, on leur ajoute le suffixe « bio » pour dire qu’ils sont issus d’un processus biologique : bio-méthane et bio-co2. Sur l’épuration, il existe pleins de technologiques différentes mais qui ont toutes des rendements supérieures à 95%. Les technologies sont globalement toutes bien efficaces déjà.

D’accord, mais concrètement comment fonctionne un méthaniseur ?

Pour faire fonctionner un méthaniseur, il faut de la matière organique facilement dégradable (effluents d’élevage, biodéchets, boues de STEP, résidus de culture, etc.) que l’on positionne dans une enceinte fermée (absence d’oxygène) que l’on va chauffer entre 37 et 40 degrés. C’est ce que l’on retrouve le plus souvent. Cet environnement va permettre de favoriser le développement de certaines bactéries. Ce sont elles qui vont dégrader la matière organique pour faire du méthane. Dans ce process, on évite au maximum d’utiliser de l’eau mais malheureusement on est parfois obligé de liquéfier les matières afin d’arriver à les mélanger (comme dans un thermomix!) pour gagner en homogénéité. Pour cela, on passe souvent par de la récupération d’eau de pluie sur le site.

Le méthaniseur est alimenté en continue avec de la matière organique. Ce qui fait que si l’on injecte 10 en début de journée, il en ressortira 10 en fin de journée. On est en flux tendu. Il faut que le volume reste constant et que la matière organique séjourne un temps minimum pour que les bactéries aient le temps de la dégrader. Ce temps de séjour est très différent d’une matière organique à l’autre. Certaines vont devoir rester quelques dizaines de jours pendant que d’autres y resteront 70-80 jours.

Quand j’entends ce mode de fonctionnement, j’ai dû mal à saisir comment ce procédé ne peut pas avoir d’impact conséquent sur le réchauffement climatique. C’est bien du méthane et du dioxyde de carbone qui sont produits ? Tout deux des gaz à effet de serre.

Le méthane et le CO2 sont des gaz à effet de serre. Le méthane est globalement 25 fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone. Les effluents d’élevage, naturellement, dégagent du méthane. L’idée de la méthanisation est d’arriver à capter ce méthane qu’on laisse habituellement s’échapper dans l’atmosphère. Ensuite, quand on va brûler du CH4, il va se décomposer en CO2. Donc, au départ, on avait un CH4 qui se libérait dans l’atmosphère. On va capter ce CH4, produire de l’énergie et le libérer sous une forme moins émissive, du dioxyde de carbone.

pouvoir réchauffant des principaux gaz à effet de serre

Sur du biodéchets et des cultures intermédiaires (non-alimentaires), il s’agit plutôt d’un cycle court du carbone. Par la photosynthèse, les plantes vont capter du carbone, le transformer en matière organique, puis le processus de méthanisation va le libérer. On prend alors une molécule de CO2 au début et on va faire ressortir 1 molécule à la fin.

Si l’installation n’est pas hermétique et qu’elle dégage du méthane, on sera effectivement moins performante et le bilan carbone moins bon qu’avec une installation bien entretenue. Mais ce qui est intéressant c’est que l’exploitant a tout intérêt à ce que son unité soit hermétique car plus le procédé est efficace, plus il produira du méthane. Pour détecter les fuites, on fait passer des caméras notamment infrarouge qui vont permettre de voir à quels endroits elles se trouvent.

C’est plus clair merci. Donc si je comprend bien, tout dépend de ce que l’on met dans son méthaniseur. Peux-tu m’en dire plus sur ces matières premières que l’on qualifie d’organiques ?

Les différents types de matière que l’on peut retrouver dans un méthaniseur sont :

les matières d’origine non-agricoles : les déchets de l’industrie agro-alimentaire, les boues de station d’épuration, les déchets verts de type tonte de pelouse (pas les branchages), les fauches de bord de route, les biodéchets en provenance de la restauration collective, des entreprises et des ménages.

A noter qu’à partir du 1er janvier 2024, les collectivités compétentes auront l’obligation de mettre en place des filières de valorisation de leurs biodéchets.

les matières d’origine agricoles : le lisier, le fumier, les résidus de culture (matière non valorisée lors de la récolte) et les cultures intermédiaires.

Les cultures intermédiaires c’est ce que l’on va mettre en place entre deux cultures alimentaires : une culture destinée à l’alimentation humaine ou une culture fourragère pour les animaux d’élevage par exemple. Entre le moment où l’on va récolter la première culture alimentaire et le moment où l’on va semer la suivante, il y a une durée que l’on va exploiter pour y planter une culture dite « intermédiaire ». Aujourd’hui les exploitants sont obligés de couvrir leur sol durant cette période pour éviter l’érosion et le lessivage des sols. L’objectif à terme c’est de faire de cette contrainte une opportunité en implantant des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) où l’on va seulement récolter la partie aérienne et laisser les racines dans le sol. En revanche, il faut être attentif à ne pas laisser la culture intermédiaire trop longtemps pour que la culture principale puisse avoir le temps de se développer. Une des CIVE les plus répandus c’est le seigle forestier car il se développe très vite (CIVE d’automne). On peut aussi retrouver du Sorgho (CIVE d’été) mais c’est plus technique car cette culture demande un climat particulier.

Plants de Sorgho
Lessivage et érosion sur une parcelle de maïs

J’imagine que toutes ces matières ont des avantages et inconvénients du point de vue de la production de biogaz. Lesquelles sont les plus simples à utiliser ?

Aujourd’hui, on ne peut pas mélanger toutes les matières entre elles. Par exemple, il est interdit de mélanger des biodéchets avec des boues de stations d’épuration. Les contraintes sanitaires ne sont pas les mêmes. Pour la majorité des biodéchets, on doit d’abord procéder à une phase d’hygiénisation. C’est à dire l’obligation de mettre les matières pendant 1h à 70 degrés. Sur les effluents d’élevage, cette obligation n’est valable qu’à partir d’un certain volume. En dessous, nous sommes en régime dérogatoire. C’est assez étonnant car si les effluents n’avaient pas été traités en méthanisation la question de l’hygiénisation ne se serait jamais posée.

Pour comparer les matières entre elles, une notion est importante. Celle du pouvoir fermentescible. Il s’agit de la capacité qu’à une matière organique à se dégrader. Ce pouvoir varie fortement d’une matière à l’autre. L’autre notion à avoir en tête est celle de « pouvoir méthanogène ». C’est la capacité énergétique de la matière. Par exemple, les CIVE ont un pouvoir méthanogène plus fort que les effluents d’élevage. C’est assez logique car entre une matière végétale brute et un effluent d’élevage, il y a un intermédiaire qui est l’animal qui l’a mangé. Celui-ci a déjà consommé une bonne partie de l’énergie présente dans la plante. Ses effluents en possèdent donc moins.

Au-delà du type de matière organique, un des enjeux principaux lorsque l’on conçoit une unité de méthanisation, c’est de s’assurer que l’on ait suffisamment de matières organiques à mettre dans son méthaniseur. Cela pose la question de l’autonomie de l’unité. Un projet est moins risqué si le propriétaire possède en propre 90 % des matières à envoyer dans le méthaniseur que s’il en possède 20 % et qu’il dépend d’apports extérieurs.

A la fin du procédé, on obtient une matière que l’on nomme le digestat. Que contient-elle ? Peut-on l’utiliser en agriculture ?

Les digestats de méthanisation sont composés de :

-restes de matière organique fermentescible ;

restes de matière organique stable (matière organique que les bactéries ne savent pas dégrader, c’est un type de matière organique intéressante pour les sols) ;

nutriments de fertilisation : azote, phosphore et le potassium.

L’azote est présent sous une forme plus assimilable dans les digestats que dans le lisier ou le fumier. Le processus de méthanisation va pour ainsi dire « minéraliser l’azote ». Les digestats sont donc des matières intéressantes à valoriser comme de l’engrais. Dans certaines conditions, on peut d’ailleurs l’utiliser en agriculture biologique, ce qui permet à l’agriculteur bio d’avoir accès à un fertilisant d’azote minéral là où il n’a habituellement accès qu’aux fertilisants azotés de type organique.

Les risques d’épandage de digestat sont globalement les mêmes que lorsque l’on épand du lisier ou du fumier. Le risque principal est le lessivage qui entraînerait le digestat directement dans les cours d’eau ou les nappes phréatiques. Comme pour les lisiers et fumiers, l’épandage du digestat est soumis à « plan d’épandage ». C’est un document qui est contrôlé par les services de l’état et qui vérifie que l’intégralité du digestat a bien une destination : telle quantité sur telle parcelle. Il va prendre en compte les caractéristiques environnementales du milieu et définir des quantités ainsi que des périodes d’épandage.

Epandage de digestat sur une parcelle de blé

Au-delà des risques environnementaux, on entend souvent parler des risques technologiques et des accidents liés à la méthanisation. Peux-tu nous les citer et nous donner ton avis là-dessus ?

Les risques technologies pouvant être présents sur une installation sont :

-les risques de fuite (biogaz ou cuve) ;

-les risques électriques ;

-et les risques de maintenance (accident du travail).

Les installations de méthanisation font parties des Installations Classées dans le cadre de la Protection de l’Environnement (ICPE). La réglementation (rubrique 27-81) est stricte pour limiter les risques sur ces sites qualifiés d’industriels. Elle s’est nettement renforcée en juillet de l’année dernière.

Dans les médias, on parle souvent de nuisance olfactive et visuelle. Quand elle est en fonctionnement, une unité de méthanisation ne sent pas plus fort qu’un élevage. En terme de nuisances sonore, il y a en revanche un niveau de décibel à respecter et à partir du 1er janvier 2023, les installations devront être implantées à plus de 100m de toute habitation. A certaine période de l’année, cela peut également générer plus de trafic routier que ce que l’on a l’habitude de voir dans son village (allers et venues des camions qui apportent la matière organique) Après, on peut effectivement considérer que cela génère des nuisances visuelles car les méthaniseurs sont des bâtiments industriels pas très esthétiques. Cependant, les projets cherchent de plus en plus à prendre en compte cet impact en travaillant l’intégration paysagère (enterrement des ouvrages, choix des matériaux, végétalisation des sites, etc.).

L’accident de Châteaulin dans le Finistère est assez emblématique. C’est celui que l’on cite tout le temps. C’est en effet une vraie catastrophe puisqu’il avait rendu l’eau impropre à la consommation sur une cinquantaine de communes du fait du déversement de 400m3 de digestat directement dans la rivière. Ce n’est pas tolérable. Ça ne devrait pas arriver. Mais ce n’est pas un prétexte pour jeter le bébé avec l’eau du bain. Selon moi, ce n’est pas parce qu’il y a un accident qu’il faut interdire toutes les unités de méthanisation.

Unité de méthanisation agricole (Source : Solagro)

Selon toi, avons-nous suffisamment développé ce procédé industriel en France ?

On est encore loin du potentiel maximum de développement de la méthanisation. Aujourd’hui, on doit être à environ 1400 sites de méthanisation en France alors qu’en Allemagne, ils en ont 8000 environ. Il y a encore du potentiel de développement.

L’avantage des tarifs d’achats qu’il s’agit de contrats conclus sur de longue durée avec un prix fixe. Cela donne de la visibilité sur des investissements qui se chiffrent en millions d’euros. En décembre 2020, l’état a modifié les tarifs d’achat du biométhane et les a revu à la baisse en considérant que la filière devait aujourd’hui voler de ses propres ailes. Malheureusement, on n’avait pas vraiment prévu l’augmentation du coût des matières premières et l’augmentation du coût de l’énergie.

En France, en terme de projet, on a les deux extrêmes. On a un projet énorme dans l’ouest où l’on parle d’une unité de méthanisation de 650 000 tonnes et on a des exploitants qui ont simplement une fosse à lisier qu’ils ont couverte pour récupérer le biogaz et chauffer l’eau nécessaire pour leur salle de traite. Globalement, ce qui se développe aujourd’hui, c’est plutôt de la grosse méthanisation avec l’idée de faire des économies d’échelle. A Solagro, on soutient le développement des projets de méthaniseur qui sont de l’ordre du « petits collectifs  d’agriculteurs » qui possède leur propre unité et qui sont autonomes en terme d’approvisionnement. On a aussi des projets où se sont des agriculteurs seuls qui se sont lancés.

A terme, à Solagro, on pense qu’il va y avoir de la montée en compétence du monde agricole sur les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE). Du fait de la baisse structurelle de l’élevage (réduction de la consommation de viande), il va y avoir plus de prairies permanentes qui n’auront plus de vocation fourragère mais qui pourraient être valorisée énergétiquement par méthanisation.

Et dans tout ça, qu’en est-il des matières fécales humaines ? Pouvons-nous envisager de les méthaniser ?

Aujourd’hui, la réglementation interdit de mettre directement en méthanisation des matières fécales humaines. Il faut qu’il y ait obligatoirement une étape entre les deux qui est la station d’épuration. De mon point de vue, l’idée d’utiliser la matière fécale humaine en méthanisation pose de nombreuses questions sanitaires et d’acceptation sociétale. Aujourd’hui, je ne suis pas certain que la population ai fait le lien entre les boues de station d’épuration et la matière fécale humaine. Après, sur le principe, cela fonctionnerait bien. On aurait simplement un processus anaérobie plutôt qu’un processus aérobie. Et aussi, est-ce qu’on tolérerait des odeurs d’excréments humains même si aujourd’hui on tolère des odeurs d’élevage ? En tout cas, dans les scénarios de prospectives sur la méthanisation en France, la matière fécale humaine brute n’est aujourd’hui pas du tout prise en compte. C’est un impensé.

Merci de m’avoir accueillie ce temps là. Cela m’aide à y voir plus clair. Une technologie n’est jamais toute blanche ou toute noire. C’est toujours plus complexe que cela.

Cliquez ici pour accéder au site de Solagro.

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Léopold Rojon – Croix-rouge française

C’est dans un petit café du 7ème arrondissement de la ville de Lyon que nous donnons rendez-vous à Léopold. Il travaille depuis 1 mois à la Croix-rouge sur les questions d’hygiène dans les campements informels sur la métropole lyonnaise. Les allongés commandés, nous nous plongeons directement dans son parcours.

Léopold Rojon s’est orienté assez rapidement dans l’eau en commençant par un BTS métiers de l’eau, puis en réalisant une licence pro spécialisée sur l’alimentation en eau potable et l’assainissement pour enfin suivre la formation WASH portée par l’école Bioforce. Suite à cette formation, il démarre rapidement les missions à l’international.

Il rejoint pour cela Médecins Sans Frontières (MSF) qui l’envoie en première mission en Grèce sur le camps de Samos situé juste en face de la Turquie. Il s’agit d’un RIC (centre d’identification) regroupant au début 4000 personnes. Celles-ci restent en générale 2 ans entre le moment où elles arrivent et le moment où elles obtiennent un rendez-vous. Quand les équipes de MSF arrivent, les familles avaient 1 à 4 bouteilles d’eau par jour. Il y avait 5-6 toilettes pour l’ensemble du camps et donc beaucoup de défécation à l’air libre, pas de systèmes de collecte de déchets et des distributions alimentaires matin, midi et soir. C’est à dire que les gens font la queue pendant 4 heures le matin, 4 heures le midi et 4 heures le soir. C’est une situation de déshumanisation extrême ! Des conditions de vie horribles en Europe.

La première chose que MSF fait en arrivant c’est de poser une grosse poche d’eau de 10 000 litres en eau du camp. C’est sur un terrain privé. Ils n’ont normalement pas le droit. La police vient directement les voir et leur demander ce que c’est. MSF leur répond que c’est démontable et simplement pour donner de l’eau aux gens. Ce à quoi les policiers leur rétorquent de démonter la bâche le lendemain. L’ONG laisse passer le temps, 1 jour, puis deux jours et laisse la poche en place. Dans le même temps, ils vont voir les pompiers et leur indique qu’ils ont mis en place une réserve d’eau au cas où il y a un incendie dans le camp. Les pompiers sont ravies et valides la proposition. Ils fournissent un papier à MSF, ce qui leur permet d’aller voir le maire et de rendre l’installation durable. Ainsi, petit à petit ils l’améliorent, l’agrandissent et la pérennisent.

Léopold travaillait sur l’installation de douches pour ces 4000 personnes. L’idée première était de développer une solution de douches hors sol avec des camions qui amenaient de l’eau, une douche qui se faisait au sceau, des cabines sur palettes avec de l’OSB résistant à l’eau et une évacuation vers une réservoir pouvant se vidanger.  Au moment où les cabines devaient commencé à être construite, l’équipe de MSF apprend qu’Erdogan ne va plus retenir les migrants aux frontières turques et qu’il va ouvrir les portes. En quelques jours, le camp est passé de 4000 à 10 000 personnes avec pas beaucoup plus de financement de la part des institutions. Au final, Léopold a changé de tactique pour les douches car cela revenait à trop cher de fournir ce service aux 10 000 personnes. Un local a été loué. Ils ont fait appel à un plombier et ainsi mis en place des bains douches avec un accueil.

Localisation de l’île de Samos
manifestation des habitants du camps de Samos contre les mauvaises conditions de vie réprimé par les forces de l’ordre

Aujourd’hui le camp est toujours là. Ce qui a changé c’est que depuis 1 an et demie, ce camp est devenu totalement fermé. On ne peut plus y rentrer et en sortir comme l’on veut. C’est devenu une véritable prison. Mais ce n’est pas le seul, il y en a plusieurs en Europe. Pour Léopold, ce fût une expérience très marquante. Il n’a jamais retrouvé de conditions de vie aussi catastrophiques dans le reste de ces missions.

Il fût ensuite envoyé au Congo pendant 6 mois dans l’Ituri C’est une zone de conflit en perpétuel guerre civile à cause de la présence de mines d’or et de l’ingérence de nombreux états extérieurs. Dans cette région, 65 000 personnes ont été déplacées dans 23 camps. Seulement voilà, personne n’en connait l’existence car personne n’en parle. Cette une situation délicate pour les ONG sur place car pas de communication veut également dire pas de financements. Sur place, MSF était le seul acteur dans le domaine de la WASH comme ils disent. Les missions de l’équipe WASH est alors de : gérer les latrines, aménager des sources d’eau, promouvoir et sensibiliser sur l’hygiène, construire des douches mais aussi alimenter en eau l’hôpital et gérer ses déchets. 

La composante WASH est très importante sur un camp comme celui-ci. Léopold nous indique que durant sa formation, un enseignant lui avait fait comprendre que : « en aménagement correctement les toilettes d’un camps, on peut sauver nettement plus de vies que les médecins intervenants sur le camps. »

Au sein de MSF, la composante WASH semble être de plus en plus intégrée. Ils appellent désormais cela de la santé environnementale. L’idée est d’agir sur toutes les composantes environnementales pour améliorer la qualité de vie et la santé humaine en situation de crise.

Sa dernière mission avant de se sédentariser en métropole s’est déroulé au Soudan dans un camps de réfugié Tigréen. Cette fois-ci, le camps rassemblait 25 000 personnes. En revanche, il y avait beaucoup d’ONG et de moyens sur le camps. Les choses étaient différentes.

Construction de latrines dans un camps en République Démocratique du Congo
Hôpital déployé par Médecins Sans Frontières au Soudan

Aujourd’hui, Léopold a été recruté par la Croix Rouge-Française. Lors de ces distributions alimentaires, l’association s’est rendu compte qu’il y avait un besoin en France métropolitaine et en particulier sur la métropole de Lyon d’intervenir sur des problématiques telles que l’accès à l’eau, à des douches et à des toilettes. En effet, au moment du covid, la métropole a engagée une démarche de résorption des campements informels avec un objectif de relogement de 70% à chaque évacuation réalisée.

Depuis ce moment là, la Croix-Rouge a donc créé, avec des partenaires locaux tel que le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) de Villeurbanne qui est très impliqué aujourd’hui, le dispositif d’intervention en groupement informel dédié aux squats et bidonvilles. Sur la métropole de Lyon, on parle d’environ 1 175 personnes réparties sur une cinquantaine de sites avec des typologies très différentes : certains sont reliés à l’assainissement et à l’eau, d’autres sont non raccordés, certains sont bâtis et d’autres non, etc. On va trouver ainsi des camps qualifiés de petits (<25 personnes) où les populations vivent sous les ponts ou dans des caravanes mais aussi des camps plus gros (>25 personnes) où les populations peuvent vivre dans des tentes ou des cabanes à l’intérieur d’un hangar. Le plus gros site de la métropole de Lyon se trouve sur la commune de Saint Genis où il y a 150 personnes environ. Le type de public présent dans ces camps est également très variable : ressortissant européens ; extra-européens (Europe de l’est) ; des gens qui viennent d’Afrique centrale francophone ou anglophone ; des afghans ; des personnes isolées  et des familles. Il y a beaucoup d’enfants et de familles sur la métropole de Lyon.

Tous les mardi, la Croix-Rouge fait une « sortie exploratoire ». Il s’agit d’une tournée des sites. Sur un mois, l’association se déplace sur 6 à 7 sites dont certains où personnes n’est déjà allés. Les bénévoles et salariés se déplacent avec des kits d’hygiène basique (masque gel hydroalcoolique, papier toilette, dentifrice, brosse à dent) et quelques produits alimentaires. C’est l’occasion pour eux de boire un café et de discuter avec les gens. Ils en profitent pour leur poser quelques questions très simples : vous êtes combien ? d’où venez-vous ? ça fait longtemps que vous êtes là ? vous avez vos papiers ? vous êtes en demande ? vous avez une domiciliation ?

Puis petit à petit, une relation se tisse et Léopold a la possibilité de les questionner sur les thématiques de l’eau. Il fait une évaluation orale en posant quelques questions sur l’hygiène, les douches, l’accès à l’eau et les toilettes. Dans son équipe, une personne parle roumain mais elle est plutôt dédiée aux enjeux de santé. Ils peuvent alors faire appel à des interprètes. Cela facilite grandement le dialogue avec les populations.

Pour prendre connaissance des nouveaux sites, il utilise la plateforme « résorption bidonville » mise en place par les services de l’état. Elle permet aux différents acteurs sociaux qui interviennent de répertorier l’ensemble des squats et campements informels. On peut y retrouver de nombreuses informations telles que : l’accès à l’eau, l’accès aux toilettes, la présence d’enfants, le nombre de personnes sur le site, les organismes qui interviennent, etc. Cela permet aux acteurs de se coordonner dans leurs interventions.

Pour le moment, les premières actions de la Croix-Rouge à Lyon en matière d’hygiène sont :

  • la distribution régulière de kit d’hygiène ;
  • l’installation de toilettes raccordées sur un campement proche du Transbordeur.

Sur les toilettes, pour le moment la Croix-Rouge fait principalement de la toilette chimique. C’est une solution qui semble coûter moins chère. Toutefois, elle essaie de proposer les solutions de type toilette Sèche par exemple les modèles de l’entreprise Ecosec (voir article précédent) là où le raccordement n’est pas possible ou quand il s’agit d’un terrain privé. Léopold nous indique qu’ils sont toutefois ouvert à tout autres systèmes pouvant correspondre aux besoins des campements.

Sur les toilettes déjà réalisées, Léopold a pu nous présenter les quelques difficultés rencontrées :

  • la gestion de problèmes d’addictologie sur certains camps qui nécessitent l’intervention d’organismes spécialisés ;
  • sur les gros sites, le manque d’argent ne permet pas de payer des personnes qui viennent nettoyer régulièrement les toilettes comme cela se passe systématiquement en Allemagne ;
  • des problématiques un peu mafieuses avec des toilettes qui se sont retrouvées prises d’assauts, bloquées et fermées par certains groupes organisés.

Mais pour Léopold, la principale problématique qu’il a identifié est celle des douches. Sur Lyon, il y a 1 bain-douche encore en service qui fait 150 douches par jour et seulement environ 3 accueils de jours. En sachant qu’il y a environ 4000 sans abris et 18 000 mal logés sur Lyon, cela semble nettement insuffisant. Sur les 1175 personnes qui sont dans les camps et bidonvilles, il estime qu’il y a environ 480 personnes qui n’ont pas accès à des douches. On parle notamment ici de familles avec des enfants qui sont parfois déscolarisés faute d’accès à des douches. Les causes d’un manque d’accès à des douches sont multiples :

  • pas d’accès à l’eau ;
  • l’accès à l’eau est un robinet d’eau froid donc pas de solution en hiver ;
  • les habitent sur la voirie ;
  • pas de possibilités de se déplacer jusqu’à Gerland, l’unique bain-douche ;
  • pour les femmes : insécurité dans les douches, peurs de la présence d’hommes malintentionnés au niveau des douches.

La Croix-Rouge réfléchit aujourd’hui à différentes solutions. Soit elle investie dans une grosse installation fixe et pérenne à 150 000 €, soit elle privilégie des douches mobiles plus petites et mois chères mais qui permettrait de ne pouvoir proposer qu’une douche par mois aux populations. Sur ce dernier point elle s’inspire de l’initiative Vroom Shower qui met à disposition un camion-douche gratuitement sur la métropole de Lyon. Ce type d’initiative existe sur Lyon, Clermont Ferrand,  et Toulouse (le camion-douche) d’après Léopold et n’est pas encore suffisant.

Intervention du camion douche que La Croix Rouge loue depuis 2 mois à l’association Vroom shower

Ainsi, à court terme, Léopold aimerait bien créer un camion-douche qui tournerait de campement en campement avec des horaires fixes, une personne pour sa maintenance et des bénévoles croix-rouge qui seraient prêts à porter cette activité. Il pense aujourd’hui à un camion très épuré avec deux bacs de douche, un robinet et une évacuation qui irait dans la cuve du camion. Les eaux usées seraient ensuite déposées dans une aire de service de caravaning. L’idée serait de proposer des douches au seau. Cela permettrait de gagner en autonomie et de pouvoir gérer des camps qui peuvent aller jusqu’à 25-30-40 personnes.

Pour simplifier, le dispositif est limité soit par le temps que les personnes passent dans la douche, soit par le nombre de douches qu’il peut proposer. En terme de fluidité, la douche au sceau est quelque de chose de pertinent. Les gens auront bien sûr accès à deux robinets (eau chaud et eau froide) sans limite de volume mais naturellement, l’utilisation du sceau et d’une écope limitera la quantité d’eau consommée. L’idée serait de pouvoir faire rentrer dans le camion une famille de 4/5 personnes afin qu’elle puisse prendre sa douche et un petit-déjeuner tranquillement loin des autres habitant.e.s du campement.

Sur les initiatives déjà menées à Lyon et Toulouse, certaines difficultés sont rencontrées durant le fonctionnement :

  • l’autonomie du camion : pas adapté à des sites avec un nombre de personnes importants ;
  • le voisinage : les habitants ne sont pas très contents. Il leur est déjà arrivé de se prendre des œufs ou des tomates sur la tête.
  • le financement : ces camions tournent généralement grâce à des bénévoles.

Malgré son projet de camion-douche, pour Léopold, le bain-douche reste la solution la plus simple et la plus efficace pour apporter un accès à des douches aux personnes précaires.

Du haut de sa petite expérience et analyse en France métropolitaine, Léopold a le sentiment qu’avec le covid, les actions se sont accélérées. Il y a de plus en plus d’agents dans les institutions qui commencent à se sentir concernés par le sujet de la précarité sanitaire. Durant le covid, l’état est passé en situation « d’urgence sanitaire ». Cela implique d’améliorer l’hygiène partout tout le temps. Des personnes se sont donc posés sur ces questions de précarité. Cela leur a permis de se rendre compte que la situation est préoccupante en France et ainsi d’enclencher de nouveaux projets. De plus, avec le retour d’expériences on sait désormais ce qui marche et ce qui ne marche pas. Léopold pense simplement que l’état n’a pas encore réalisé le prix que cela coûterait d’assurer des bonnes conditions en matière d’eau et d’assainissement.

La Croix-Rouge française travaille actuellement avec le Cent Sept sur la rédaction d’un nouveau document adapté au contexte lyonnais comprenant les différentes typologies de campements que l’on retrouve dans la région.

Léopold espère grandement que son projet de camion-douche va pouvoir se réaliser dans les mois-années à venir ! 

Cliquez ici pour accéder aux actions de la Croix-rouge française en matière de WASH.

Ecrivez à cette adresse si vous souhaitez vous inscrire au dispositif d’intervention en groupement informel à Lyon en tant que bénévole d’un jour : ici.dt69@croix-rouge.fr

Cliquez ici pour accéder à l’initiative lyonnaise Vroom Shower

Cliquez ici pour accéder au site du Cent Sept

Cliquez ici pour accéder au site de Médecins Sans frontières

Cliquez ici pour accéder à la formation WASH de Bioforce

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Emmanuel Adler

Depuis Grenoble, nous prenons le train pour rejoindre Lyon. Faire le trajet à vélo nous aurait retardé de 2 jours et nous ne pouvons pas nous le permettre. En effet, de nombreux ami.e.s nous attendent dans la ville de la fête des Lumières et notamment Mathilde, celle qui partage la vie de Nathan.

Toutefois, dès que nous posons le pied sur le quai de la gare, nous enfourchons nos bécanes pour rejoindre Craponne. Il s’agit d’une petite ville faisant partie de l’agglomération lyonnaise. Pour y accéder, nous devons traverser les monts d’or et gravir ses dénivelés. Fort heureusement, notre GPS nous fais éviter le périphérique et autres grands axes routiers mais malgré ça, le déplacement à vélo dans la métropole de Lyon n’est pas très aisé. Les infrastructures n’y sont pas encore très bien pensées.

A Craponne, nous avons rendez-vous avec un certain Emmanuel Adler. Il a écrit « Venir à bout des eaux usées : une mission politique », un livre que nous portons dans nos sacoches depuis le début du voyage. Nathan a pu le feuilleter le soir sous la tente et Victor dans le train. Emmanuel nous accueille dans son bureau où il mène son travail d’ingénieur conseil et d’expert judiciaire sur les sujets de l’eau et des déchets. C’est également là qu’est hébergée l’association RISPO, le Réseau Professionnel des Sous-Produits Organiques. C’est une association qu’il a la chance de présider. Elle se veut être un acteur de l’économie circulaire. Elle développe une approche globale de la gestion des déchets organiques (végétaux, biodéchets, boues d’épuration, déchets ménagers en mélange ou non…). 

Le parcours d’Emanuel est atypique. Il nous le décrit en commençant par son premier caca dans les années 64, une manière pour lui de faire le lien avec ce qui le fait vibrer aujourd’hui. Ce lien, il le fait assez rapidement pendant ses études. Après un passage par l’université, puis une école de biodynamie, il intègre l’école d’agronomie parisienne Agroparistech où il se spécialise en traitement des eaux. En dernière année, il a la chance de partir suivre un master en environnement à l’Université de Standford durant lequel il étudie la chloration des eaux pour la Lyonnaise des Eaux (ancien nom du groupe Suez, géant industriel du domaine de l’eau). Il a déjà un pré-contrat avec cette société mais très vite il comprend que le laboratoire et les analyses ne sont pas fait pour lui. Il revient donc travailler en France dans un bureau d’étude. C’est là qu’il commence à se pencher sur le fonctionnement d’une station d’épuration. Son parcours l’a amené à travailler pour plusieurs « traiteurs d’eau » (Suez et Saur notamment) pour ensuite monter sa propre structure.

C’est dans les années 2000 qu’il franchit le cap. Il mène une étude de marché sur la gestion des boues de station d’épuration (la partie solide évacuée par les stations de traitement) et lance son activité. Il a jusqu’à près d’une dizaine de salariés à cette époque là. Puis, les choses s’essoufflent au bout de 3 ans. Son activité réduite, il se lance dans l’expertise judiciaire à son compte. Pour lui, la station d’épuration idéale n’existe pas. Il y a toujours des dysfonctionnements. Il intervient aujourd’hui sur ces situations de litiges qui peuvent exister lorsqu’il y a des problèmes techniques.

En parallèle, Emmanuel est un passionné d’histoire. Il se lance dans une thèse qui a mis de nombreuses années à aboutir. Pour cela, il a fallu qu’il passe par 3 directeurs de thèse différents. Il le dit lui-même : « je pars un peu dans tous les sens et c’est grâce à Bruno Tassin du LEESU (Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains) que j’ai pu terminer mes recherches ». Le titre de sa thèse : gérer les déjections humaines, un défi urbain, le cas de Lyon du XVIIIème siècle au début XXème. Vous l’aurez compris, après avoir parlé de l’histoire de l’assainissement à Paris en début de voyage, nous sommes venus comprendre ici la manière dont les matières étaient gérées à Lyon.

Pour commencer, Emmanuel nous rappelle à quel point ce sujet est important. Pour lui, la crotte nous ramène à notre animalité. C’est ce que disais Freud dans l’introduction de l’un de ses livres. Les premiers écrits qu’il a pu retrouver qui mentionnent la gestion des excreta sont issues de l’ancien testament : « tu iras hors du camps et tu creusera un trou ». Une manière d’expliquer qu’il faut éloigner tout ce qui est abject. Ensuite, les historiens trouvent des traces des premières toilettes en Mésopotamie (3000 ans avant jésus-christ) et en Crête un peu plus tard. De manière générale, les premières techniques d’assainissement que l’on retrouve sont  des conduites ou des caniveaux qui permettent d’évacuer les eaux pluviales. Quand les sociétés n’étaient pas très densifiées, les populations allaient faire leurs besoins en dehors du village.

Emmanuel nous invite aussi à creuser l’histoire chinoise qui doit regorger de nombreux systèmes de gestion des excreta. Il pense également au fameux Cloaca maxima des romains. Il s’agit d’un long canal traversant Rome qui permet la récupération des eaux de pluie, l’évacuation des eaux usées et l’assainissement des marécages. Quelques années avant Jésus-Christ, c’est Tarquin l’ancien qui avait fait réaliser ces travaux. La raison première était d’éviter que l’eau stagne et que les moustiques s’installent à Rome. A l’époque, les toilettes étaient des latrines où les romains faisaient leurs besoins les uns à côté des autres. On raconte également qu’ils se nettoyaient les fesses avec une éponge. Les Romains sont les premiers à avoir compris l’intérêt de l’urine. Les vespasiens ont même mis une taxe sur les urines dans l’objectif de la réutiliser. En effet, son caractère riche en ammoniac permettaient de dégraisser les laines et travailler les cuirs.

Sur les procédé de traitement et les technologies d’assainissement, Emmanuel nous confirme les dires de Sabine Barles (voir article précédent). Il n’existe pas grand chose avant le XVIIème siècle. En effet, pour lui, l’assainissement devient technique à partir du moment où les médecins s’en occupent. Il estime cela en 1749, date à laquelle un vidangeur de Lyon a un accident lorsqu’il vidange une fosse. On l’emmène à l’hôpital où un médecin l’examine et écrit un article dessus. A l’époque, ils ne comprenaient pas que la cause provenait des gaz toxiques mais il comprenait que les matières putrides possédaient un caractère dangereux dans certaines conditions. On parlait plutôt de miasmes, ces vapeurs mystérieuses ou éléments volatiles qui ne se voient pas et qui sont la cause des infections. 

Vers la fin du XVIIIème, à force d’avoir des accidents, les savants vont commencer à s’interroger sur comment la vidange, la construction des fosses et la valorisation des matières fonctionnent. Un médecin italien a notamment documenté toutes les maladies que pouvaient avoir les vidangeurs à l’époque. Lavoisier a travaillé sur les excréments. Parmentier connu pour sa pomme de terre a également étudié les engrais et ce que l’on appelait la poudrette. Les plus grands scientifiques de l’époque se penchent sur la question.

Pour avoir un état des lieux et des recensement précis du système d’assainissement, il faut toutefois attendre le XIXème siècle, date à laquelle un conseil de la salubrité publique se met en place à Lyon. Il est composé d’ingénieurs et de médecins. Il a pour mission de faire des audits sur les sujets de santé publique dont la gestion des excreta.

L’immense collection de livres d’Emmanuel sur la gestion de l’eau, l’assainissement et la valorisation de la matière organique

Avant le XIXème, à Lyon, il n’y a pas d’eau courante à domicile. En revanche, on note la présence de « porteurs d’eau » qui amenaient l’eau dans les appartements. On ne sait pas tellement comment les gens se lavent les fesses. Est-ce qu’ils utilisent un peu d’eau ? Cela semble peu probable au regard de la faible quantité qu’ils utilisaient. Est-ce qu’il y a du papier toilettes ou utilisent-ils des chiffons ? Emmanuel n’a pas récolté de témoignages sur la question. Ce que l’on sait en revanche, c’est que les immeubles étaient tous équipés de fosses. L’image du citadin qui jette son pot de chambre par la fenêtre est fausse à Lyon. Il devait y en avoir quelques uns mais ce n’était pas la majorité.

A cette époque là, il y avait plusieurs types de toilettes, des assises, des debout tels que les urinoirs, des accroupies, etc. Cet « interface usager » pouvait être mobile avec un seau qu’il faut jeter quelque part ou fixe et relié à un réservoir tel que la fosse d’aisance ou l’égout. Il y a donc une canalisation qui va relier la latrine à la fosse d’aisance qui elle-même dispose d’un trou de vidange (une sorte tuyau qui va permettre d’évacuer les matières) mais également d’une cheminée pour permettre l’évacuation naturelle des gaz par le toit et éviter les odeurs. On retrouve également de nombreux brevets de garde-robes (lieu dans lequel on s ‘enfermait pour faire ses besoins) ou des chaises percées telles que celle de Louis XIV. Au début de ses recherches, Emmanuel pensais que les urinoirs étaient uniquement utilisés par les hommes à l’époque. Il a été très étonné de découvrir qu’il y avait des « urinales » qui étaient utilisés par les femmes depuis très longtemps, dans l’antiquité déjà. Au début du XVIIIème siècle, Deormes, un chimiste, propose également des toilettes à séparation avec une version pour les hommes et pour les femmes qui permettait ainsi de collecter les urines plus facilement.

Pour les fosses, quand l’odeur devenait infernale ou que la fosse débordait (tous les 10 ou 20 ans environ), les gens faisaient venir le vidangeur. C’est en premier lieu les propriétaires qui font venir l’entreprise de vidange mais les équipements de vidange ont besoin de passer par l’espace public pour accéder aux fosses. L’activité des vidangeurs a donc rapidement  été contrôlée par l’administration. Il y avait notamment ce que l’on appelait les coutumes. Ce sont des documents qui définissaient les usages à l’échelle d’un territoire. Les coutumes décrivaient par exemple la manière de fabriquer les fosses (nombre parpaings, type de mortier, épaisseur, etc.). Emmanuel observe alors que les prescriptions n’étaient pas les mêmes à Lyon et à Villefranche par exemple. Chaque filière et chaque système était différent selon le territoire. De plus, il y a toute une activité économique qui se créée autour de cette activité. Chaque entreprise a son propre slogan et cherche à se démarquer des autres. Cela devient un vrai marché. On trouve d’ailleurs l’édit Louis XIV qui donne toute l’activité de vidange de la ville de Lyon à une seule entreprise qui se nomme Laboré. C’est alors un monopole. Cette personne avait a priori un château dans l’est de Lyon dans lequel elle stockait toutes les matières récoltées.

Le vidangeur est une profession difficile à l’époque. Pour preuve, dans certaines régions il n’y en a pas. A Vesoul par exemple, c’est le bourreau qui fait office de vidangeur. On parle alors de « bourreau des basses œuvres » pour celui qui va vidanger et de « bourreau des hautes œuvres » pour celui qui va zigouiller. Les vidangeurs faisaient ce métier à plein temps. Ils n’étaient pas très bien vu. On retrouve d’ailleurs de nombreuses pièces de théâtre où l’on se moque d’eux. En revanche, ils gagnaient très bien leur vie. A Paris, on note la présence d’une confrérie des vidangeurs avec toute une corporation. Elle s’est mise en place suite à un débat entre les autorités et ce corps de métier.

Au début du XIXème siècle, on voit arriver la vidange à sec. Les pompes arrivent. Les vidangeurs vont pouvoir ventiler et réduire ainsi les accidents. En 1850, il y a d’ailleurs une entreprise qui s’appelle « le ventilateur » parce qu’elle va utiliser l’audit réalisée par Parmentier, Laborie et consort de 1778 pour coupler le chauffage avec un ventilateur afin de favoriser l’extraction des gaz malodorants et des odeurs putrides lors de la vidange.

Emmanuel a récolté des témoignages de vidangeurs qui, pour éviter le transport, déposaient les matières directement dans les égouts ou dans les fleuves (au port de Guillotière par exemple). Cela causait des conflits, notamment avec les blanchisseurs qui utilisaient l’eau des fleuves pour laver les vêtements. Il s’agissait ici d’infractions. En général les fosses étaient vidées dans de grandes fosses dans l’est lyonnais que l’on appelait des voiries et qui permettaient de récupérer les matières liquides en mélange (avec peu d’eau).

Des livres historiques…
…et des plus étonnants…

A Lyon, la valorisation des matières se retrouve dans un document de 1780 qui raconte les 4 manières de valoriser les matières de vidanges. Deux écoles vont alors se distinguer. La filière humide qu’on appelle aussi la filière flamande qui consiste à récupérer les matières et à les utiliser telles quelles. La méthode sèche alternative que l’on va trouver sur Paris initialement. Elle consiste à faire sécher les excreta au soleil et à récupérer une matière solide que l’on appelle « la poudrette ». C’est la fameuse poudrette commercialisées comme engrais à partir de 1780 à Paris dans la voirie de Montfaucon. Cette poudrette est donc sèche et nettement moins odorante mais elle est moins intéressante d’un point de vue agronomique du fait de la déperdition d’azote durant le séchage. On trouve une multitude de brevets sur différents procédés de traitement des matières. C’est d’ailleurs en distillant l’urine que l’on a découvert le phosphore et que des activités industrielles se sont développées par la suite. De plus, une des premières loi sur la répression des fraudes vise à l’époque les engrais car il y avait beaucoup de gens qui mélangeaient la poudrette avec de la terre. On retrouve également un article de l’époque révolutionnaire d’Alexandre Parent du Chatelet qui fait état d’un bateau qui s’appelle l’Arthur. Ce bateau serait parti en 1804-1810 de Rouen pour amener de l’engrais fécales dans les Antilles pour la culture de canne à sucre. Il y a eu une maladie à bord du bateau et de nombreuses personnes sont mortes. C’est pour cette raison que l’on retrouve des écrits sur cette histoire. Cela démontre tout de même qu’il y avait un gros business des matières à l’époque.

Emmanuel nous explique alors le « principe de Circulus » développé par Pierre Leroux. C’était quelqu’un de très engagé politiquement. Un grand ami de Georges Sand qui s’est retrouvé exilé sur l’île de Jersey avec sa femme et ses deux enfants. Par manque d’engrais, il commença à recycler ses eaux usées via un système d’irrigation. Cette expérience lui a permis de penser le « principe de Circulus ». C’est à dire l’idée globale que l’être humain puisse s’affranchir du capitalisme en recyclant ses eaux usées. Il s’opposait alors à Maltus qui disait qu’il y avait trop de population sur Terre en comparaison avec les ressources disponibles. Cette vision paraissait visionnaire à l’époque.

Puis ensuite, l’eau est arrivée dans les foyers. A Lyon, les égouts sont là depuis longtemps car ils ont été construits par les romains. Initialement là pour évacuer les eaux pluviales et les latrines publiques, l’arrivée de l’eau potable et de la toilette à chasse d’eau dans les foyers va petit à petit modifier leur usage. Dans un premier temps, toutes ces eaux vont directement aller dans les rivières (eau de pluie + eaux usées). A cette époque, les anglais sont les premiers à faire des champs d’épandage en sortie d’égouts. Les français sont donc allés voir comment ils faisaient et l’ont développé à Paris mais cela prenait de la place. A Lyon, cela n’a jamais eu lieu. Le fait de traiter les effluents domestiques des lyonnais date des années 80. 

Notre interview fût longue mais passionnante ! Cela nous donne envie de replonger dans le livre d’Emmanuel pour aller y piocher toutes les petites anecdotes qu’il a pu compiler. Avant de partir, il nous glisse la phrase suivante : « en travaillant dans les grands groupes, j’ai remarqué que les professionnels de l’assainissement étaient totalement déconnectés de la question de la valorisation. La personne qui s’occupait de la station d’épuration se moquait des boues qu’elle produisait du moment qu’elles étaient évacuées. Une fois, on m’a même sortie qu’une bonne station d’épuration est une station qui ne produit pas de boues, ce qui est complètement aberrant d’un point de vue biologique ».

On apprend ainsi que l’histoire de l’assainissement est riche. Il est très important pour nous de comprendre par quelles réflexions nos sociétés sont passées pour arriver au système qui est le notre aujourd’hui. Merci à Emmanuel d’avoir éclairer notre lanterne sur ces sujets.

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Agathe & Hugo – Low tech lab Grenoble

C’est dans le Jardin de ville de Grenoble que nous retrouvons Agathe. On s’installe au milieu du kiosque, un lieu un peu vide en journée mais remplit de festivités la nuit. Il y a du monde dans le parc, cela fait une ambiance sonore très chargée derrière la voix pleine de douceur d’Agathe. Tant pis pour les conversations voisines, on expérimente à nouveau la prise de son avec l’ambiance de la ville et on s’engouffre rapidement dans le sujet qui nous intéresse : les toilettes.

Pour remettre en contexte, il est important de vous décrire dans un premier qui est Agathe. C’est une ingénieure qui sort tout juste de l’école ENSE 3. C’est l’une des principales écoles sur le domaine de l’eau en France. Elle est toutefois plus orientée vers l’énergie que sur les écosystèmes naturels. Assez logiquement, Agathe nous explique qu’à la base, elle travaillait sur le sujet de la précarité énergétique et en particulier durant son année de césure. Cette même année, elle a visité de nombreuses fermes à l’étranger. C’est là qu’elle a pu découvrir la toilette sèche.

Déjà très sensible aux enjeux environnementaux, elle s’engage en dernière année dans un cursus « low tech » (semestre PISTE – Pour une Ingénierie Sobre Techno et Eco-responsable) proposé par les écoles d’ingénieurs du réseau Grenoble INP. Elle fait partie de la première promotion à suivre cette formation alternative créé par ces établissements de l’enseignement supérieur historiquement « pas très verts ». Dans cette formation, elle y fait la rencontre du Low Tech Lab de Grenoble. C’est tout de suite le coup de foudre. Elle épluche tous les contenus incroyables disponibles sur leur wiki et notamment le podcast réalisé par une équipe de bénévoles dans les alentours de Bordeaux. Avec ce podcast, elle y découvre l’association « La fumainerie » et son réseau de toilettes sèches en milieu urbain (voir article précédent).

La tiny house low tech installée à Grenoble
Atelier four solaire

ça fait tilt dans sa tête ! Pourquoi ne pas mettre en place la même initiative à Grenoble ? L’idée est séduisante. Elle commence à en souffler l’idée à l’antenne Grenobloise. C’est là qu’Hugo vient la rejoindre. Ils décident de tous les deux monter le projet en :

1) demandant à leur école de réaliser un service civique pour leur stage de fin d’étude (6 mois) ;

2) et fait en sorte que l’association du Low Tech Lab Grenoble puisse les accueillir.

Depuis le début de l’article, on cite le terme de Low Tech mais qu’en est-il réellement ? Que veut-il dire ? L’association Low Tech Lab nationale est l’une des principales structures à déployer ce terme et ce concept partout en France. Leur définition est la suivante : le terme low-tech est employé pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : l’utilité, l’accessibilité et la durabilité.

Dans le cas d’une technologie, il faut donc :

  • qu’elle répondre à un besoin essentiel de l’individu ;
  • qu’elle soit appropriable par toutes et tous (fabriquée/réparée localement, avec un coût adapté, donne de l’autonomie à son utilisateur.rice, etc.) ;
  • et qu’elle soit réfléchit de manière à optimiser les impacts tant écologiques que sociaux ou sociétaux liés au recours à la technique et ce, à toutes les étapes de son cycle de vie (conception, production, usage, fin de vie).

Ainsi la toilette, suivant comment elle est conçue, peut totalement rentrer dans ce cadre. Le projet porté par Hugo et Agathe se nomme COPOPO. Il consiste à créer un service d’assainissement alternatif pour les grenoblois volontaires comprenant :

  • l’installation de toilettes sèches dans leur appartement ;
  • la fourniture de la sciure ;
  • un ramassage hebdomadaire des matières et leur transport ;
  • le compostage des matières et la fourniture du composte à des agriculteurs locaux.

Aujourd’hui, ils ont réussi à réunir tous les acteurs nécessaires pour mener à bien ce projet : l’entreprise qui fabriquera les toilettes (menuiserie locale), l’entreprise de collecte et de transport en vélo cargo, la plateforme de compostage et les débouchés agricoles. Durant leur service civique, Agathe et Hugo se sont attachés à tisser ce réseau d’acteurs, à analyser la réglementation, concevoir des premiers prototypes de toilettes et étudier l’impact de ce modèle d’assainissement.

Sur la phase conception, ils se sont lancés le défi de concevoir des toilettes en kit sans aucune vis afin de faciliter l’installation dans les appartements. Les plans seront ensuite diffusés librement pour permettre à tout un chacun de construire ses propres toilettes.

L’équipe du Low Tech Lab Grenoble avec Barnabé Chaillot, le géotrouvetout de la Low Tech

Agathe et Hugo se sont également beaucoup questionnés sur le fait de mettre en place des toilettes à séparation ou des toilettes unitaires biomaitrisées. En terme logistique, il leur a semblé plus simple de séparer les matières. C’est plus simple pour valoriser les nutriments au maximum et cela fait moins de volumes à transporter. Seule la plateforme de compostage située à la Côte Saint-André semble prête à recevoir les matières, notamment parce qu’elle recycle actuellement les boues issues des stations d’épuration des communes alentours (sauf celle de la métropole de Grenoble qui sont incinérées). L’autre opportunité serait d’envoyer les matières dans la station de compostage de biodéchets de l’agglomération. Des discussions sont actuellement engagées avec la métropole de Grenoble.

Sur l’étude d’impact, Agathe et Hugo ont réalisé une analyse de cycle de vie permettant de comparer le modèle d’assainissement actuel avec le réseau de toilettes sèches qu’ils cherchent à développer. Une fois les toilettes mises en place, ils souhaitent effectuer une étude ergonomique et sociale avec Antoine Martin et le laboratoire publique PACTE. L’autre volonté est également de mettre en place un protocole permettant de mesurer le procédé de compostage en matière d’hygiénisation et de transformation des nutriments. Sur ce dernier point, aucun partenaire n’a encore été identifié.

Dans l’idéal, Agathe et Hugo souhaiterait à terme rédiger un document synthétisant toutes les étapes par lesquelles ils sont passés et les questionnements qu’ils ont pu avoir afin de permettre à n’importe qui de créer chez lui, dans sa région, sur son territoire, son propre réseau de toilettes sèches. On ressent vraiment cet esprit de Low Tech dans la volonté d’émanciper au maximum les utilisateur.rice.s par la technique. C’est un travail extraordinaire qu’ils font là.

Le projet est aujourd’hui prêt. Il concernerait 50 foyers, soit environ 150 habitant.e.s localisés dans Grenoble intra-muros le plus concentré possible afin de simplifier la partie logistique. Le seul maillon manquant, c’est l’argent.

On espère très fortement que Copopo verra le jour et que les collectivités locales s’engageront dans cette expérimentation ! La plaine de Grenoble est un territoire très fertile pour ce type de projet à portée écologique. On lui souhaite une longue vie !

Cliquez ici pour accéder au site du Low Tech Lab.

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Willy – Cyclick

Hier, nous avons passé l’après-midi chez Xavier, un très bon copain de Victor qui habite à Grenoble. Il revenait tout juste d’une sortie en montagne et nous a proposé de venir manger un barbecue chez lui. C’est une super opportunité. Il habite juste à côté de chez Renaud De Looze. On revient simplement sur nos pas sur une quinzaine de kilomètres pour aller profiter de ce magnifique repas au soleil.

La palmeraie des Alpes et la robe rose de Belledonne

Cela fait déjà plusieurs jours que le porte-bagage arrière de Nathan est cassé mais hier, une goutte d’eau a fait déborder le vase. Son porte-bagage est complètement explosé. Il ne peut plus porter quoi que ce soit. On profite donc de la voiture de Xavier pour rejoindre Grenoble en fin de journée. Il habite en colocation avec Niels.

Il faut savoir que Victor a fait une partie de ses études à Grenoble. Il y a de nombreuses attaches dans cette ville. C’est donc un plaisir pour lui de revenir ici, même si à cette période de l’année la chaleur nous fait bien souffrir.

Après une belle soirée de retrouvailles, nous nous réveillons bien décidé à rencontrer les acteurs Grenoblois de l’assainissement écologique. Malheureusement, notre rendez-vous de la matinée est reporté à la fin d’après-midi. Nous en profitons pour avancer sur la rédaction des articles et la publication des photos.

A 13h, nous enfourchons nos vélos pour rejoindre Willy à Saint-Martin d’Hères sur la ferme des Jardins Détaillés. Willy est un membre actif de l’association Cyclick. Nous avions découvert cette association au travers d’une magnifique vidéo que des connaissances nous avais partagé. On y voyait un vélo tractant une cabine de toilette sèche. Incroyable ! Quoi de plus semblable à notre aventure : un vélo et une toilette. Nous étions obligé de les rencontrer !

La magnifique cabine mobile de Cyclick
L’intérieur de la cabine avec son réservoir à sciure

L’association s’est créée en 2020. Celle-ci s’est construite autour d’une petite équipe transdisciplinaire. En effet, Willy est architecte de formation mais certain.e.s sont ingénieur.e.s en mécanique ou en image 3D tandis que d’autres sont gestionnaires de parc de toilettes sèches. Toutes ces personnes se sont rassemblées autour d’une seule envie, celle de concevoir et développer des toilettes sèches mobiles.

En 2021, l’association décide de répondre à un appel à projet lancé par la Casemate afin de concevoir un premier prototype. Après de nombreuses modifications et de longues heures de réflexions sur l’usage, l’esthétique, le poids et la taille, ce premier prototype voit le jour. Installée à la ferme du Jardin Détaillés à l’occasion des rencontres annuelles de l’atelier paysan (une coopérative agricole qui souhaite reprendre la terre aux machines), nous avons la chance de découvrir sa version finale.

De l’extérieur, la cabine fait un peu futuriste. Les parois en aluminium et sa forme tout en rondeur lui donne l’allure d’une navette spatiale. Le toit en plexiglas laisse entrer la lumière naturelle et des lumières colorées s’activent la nuit grâce à un panneau solaire et une batterie. C’est ambiance boite de nuit. Parfait pour se fondre dans les soirées étudiantes grenobloises. Un réservoir à sciure est situé à l’arrière de l’assise comme s’il s’agissait d’une cuvette à eau. Sauf qu’ici, la paroi du réservoir est transparente ce qui rend visible la sciure et permet d’en voir la quantité restante. Un second petit réservoir est présent en face de l’assise. C’est ce réservoir que va utiliser l’usager après avoir fait ses besoins. Le grand réservoir est quand à lui inaccessible pour l’usager. Il est totalement aéré. Des tuyaux le traversent pour faire circuler l’air de la cabine vers l’extérieur. Par ailleurs, une grande ouverture est présente entre le haut des parois et le toit. Cette configuration permet d’éviter les odeurs tout comme la sciure. Vous l’aurez compris, il s’agit ici de toilettes à litière biomaitrisée (TLB) classique. L’originalité réside dans la forme de la cabine, l’optimisation de son espace et bien sûr le fait qu’elle soit mobile et transportable par un vélo.

Des poignées sont habilement positionnées de part et d’autres de la cabine afin d’aider l’usager à se relever plus facilement ou éviter de se poser sur l’assise si celle-ci n’est pas propre. Pour optimiser l’espace, des petits trous ont été effectués de chaque côté de l’assise afin d’y intégrer des petites poubelles, trop souvent oubliés dans les toilettes publiques et qui servent pourtant à plus de la moitié de la population mondiale : protections hygiéniques, mouchoirs, etc. On accède à ces poubelles par l’arrière de la cabine à l’aide d’une loquet qui ouvre ce que Willy appelle « la partie logistique ». Cette petite trappe nous laisse entrevoir un petit espace à partir duquel on peut extraire les poubelles une fois qu’elles sont pleines ainsi que ranger une balayette et des produits d’entretien.

La remorque permettant de transporter la cabine avec un vélo
Vue de l’arrière de la cabine servant de local technique

Sur chaque côté, on peut observer des formes de crochets soudés à même la structure en acier sur laquelle est montée la cabine. Ces derniers permettent de positionner la cabine sur la remorque. Lors de la conception, l’association Cyclik a cherché et testé de nombreuses remorques de vélos différentes. Cette pièce est essentielle pour eux. Il faut qu’elle soit maniable, adaptable et pas trop chère. Finalement, ils décident de se tourner vers le fabriquant rennais « Fleximodal ». Le modèle choisit est le modèle Bicylift. Conçu à la base pour y positionner des palettes, il permet de transporter une charge maximale de 200kg. C’est d’ailleurs une des principales contraintes de Cyclick lors de la conception. La remorque les a obligé à choisir des matériaux, certes, plus polluant mais plus léger que le bois. Une fois attelée au vélo, la remorque est extrêmement maniable grâce à un rayon de braquage réduit. Le système de levage qui l’accompagne permet de charger une palette pleine d’environ 8 fois son poids sans le moindre effort. Pour couronner le tout, les roues de la remorque sont équipées de freins à inertie proportionnels au freinage du vélo. La partie arrière contient également des feux de positionnement autonomes qui s’activent dès que la remorque est en mouvement.

Le coût total de la cabine telle que l’a construite l’association aujourd’hui est de 8 000€ dont une grande partie concerne la remorque (environ 2 000€).

Lors de notre visite, Willy est venu avec son vélo électrique afin que l’on puisse tester le transport de la cabine. Et en effet, ça marche bien. Il y a un petit coup de main à prendre car la remorque constitue un vrai poids à tracter. Les demi-tours ne sont pas une chose facile à réaliser mais on s’y habitue vite. Ce qui est particulièrement incroyable c’est la facilité avec laquelle on peut manipuler la remorque seul et installer la cabine sans avoir à demander un coup de main à d’autres personnes.

Aujourd’hui, tous les membres de Cyclick sont bénévoles et possèdent leur propre activité professionnelles à côté mais à terme, l’association souhaiterait salarier quelqu’un afin de développer les toilettes mobiles. Elle possède actuellement deux cabines qu’elle loue à l’occasion d’événements culturelles. Cet été, l’une d’entre elles a été installée en haut de la Bastille sur demande de la ville de Grenoble. Une personne passe régulièrement faire la vidange dans ce lieu touristique de la capitale des Alpes. Les matières sont ensuite envoyées en plateforme de compostage aux alentours de Grenoble.

Cette inscription est rétroéclairée la nuit pour que l’on puisse localiser la cabine de loin.

Vous l’aurez compris, il s’agit ici de toilettes unitaire à litière biomaitrisée, les toilettes sèches classiques dans lesquelles vous ajoutez un peu de sciure. A terme, l’association souhaiterait réfléchir à la question de la séparation à la source. Cela leur permettrait de réduire les volumes de matières à gérer et de mieux valoriser l’urine. L’objectif de Cyclick est bel et bien de pouvoir répondre rapidement à la problématique des toilettes dans l’espace public.

Cliquez ici pour en savoir plus sur l’association Cyclick

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La palmeraie des Alpes

Bye bye la Suisse ! ça y est, nous repassons du côté français.

Après avoir découvert des systèmes d’assainissement hors du commun chez nos voisins, nous rentrons à la maison. La route n’est pas terminée. La région Rhône-Alpes nous réserve d’autres aventures tout aussi incroyables.

Entre Genève et Grenoble, nous avons décidé de ralentir le rythme et de faire un peu moins de kilomètres. C’est un week-end long, le père de Victor en profite pour nous rejoindre et partager 2 jours de voyage avec nous. Il a équipé son vélo de route d’un petit porte-bagage arrière et en avant Guingamp ! Nos dates de rendez-vous à Grenoble se rapprochent. Nous n’avons finalement pas le temps de nous arrêter à Annecy et faisons le choix de faire le tour du lac du Bourget par les petites routes. ça grimpe fort mais les paysages sont magnifiques !

Vu sur les Aravis sublimée par les lumières de fin de journée et le mont-blanc en toile de fond
Victor et son père, Bertrand, au bord d’un étang.

Le week-end de trois jours a attiré la foule. Nous nous voyons refusés à l’entrée d’un camping par manque d’emplacements libres. Nous sommes obligés de pousser une dizaine de kilomètres plus loin pour trouver une douche chaude.

En arrivant dans la vallée du Grésivaudan, nous nous arrêtons pour manger au fort Barraux. Là, nous y découvrons un festival de jazz dont la scène principale donne sur la chaîne de montagnes du massif de Belledone. Le cadre est splendide ! Nous décidons d’y passer l’après-midi et d’assister à un concert. En fin de journée, nous reprenons la route et laissons le père de Victor retourner tranquillement sur Grenoble tandis que nous arrivons à notre prochaine étape : la Palmeraie des Alpes.

Nous sommes accueillis royalement par Renaud et Marie-Angèle. Affaires déposées, corps lavées, vêtements propres enfilés et nous voilà fin prêts pour réaliser un premier tour du propriétaire. Comme toujours, nous cherchons à comprendre le déclic initial qui a permis d’arriver à la situation qui est celle d’aujourd’hui.

Un festival de jazz au fort Barraux
La maison de Marie-Angèle et Renaud au pied de la dent de Crolles

Renaud a toujours été attiré par les plantes méditerranéennes. Venant de Belgique, sa migration vers les Alpes était considéré pour lui comme un rapprochement important vers le Sud. A l’époque, il a donc tenté de faire pousser des Palmiers au cœur des Alpes. Son expérience fût si réussi qu’il quitta son travail pour se lancer dans une activité de pépiniériste. Rejoint ensuite par sa femme, ils décidèrent de créer ensemble la Palmeraie des Alpes il y a maintenant plus de 20 ans : le premier avril 1995, ils plantèrent le premier palmier et en 2002 ils se mirent à plein temps à la culture de plantes si possible au look exotique. Spécialisé dans un premier temps dans les plantes ornementales inconnues au bataillon dans les environs de Grenoble (exotiques), ils font le choix d’élargir leur gamme à des plantes nourricières plus communes sur le territoire. Tous les deux passionnés par leur métier, ils cherchent vraiment à comprendre le fonctionnement d’une plante et en particulier ses besoins pour grandir. Nous avons donc beaucoup parlé d’eau et de nutriments.

En effet, pour Renaud, l’eau est un élément essentiel du processus de croissance des plantes. Il s’est donc attaché à expérimenter différentes manières d’apporter de l’eau à une plante. L’objectif étant de limiter au maximum l’évaporation lors de l’arrosage mais aussi de comprendre le pourcentage de cette quantité d’eau qui part sous forme d’évapotranspiration (phénomène de transformation de l’eau liquide en vapeur d’eau par transpiration des plantes). Pour cela, il a mis en place un système d’irrigation original sur son exploitation.

Son activité de pépiniériste l’amène à devoir quotidiennement porter les pots dans lequel chaque plant pousse pour les déplacer, les classer, etc. Afin de ne pas avoir à les soulever pour les nourrir (notamment lorsqu’ils sont gorgés d’eau), il a conçu un système de bassins de rétention successifs. Son terrain est en pente. Il l’a creusé sur une certaine profondeur, y a intégré une couche imperméable dans le fond et a remplit ces bassins de pouzzolane. Une couche de géotextile par dessus et hop, c’est parti ! Il n’a plus qu’à déposer les plants sur le géotextile et à maintenir ces bassins en eau. Le liquide remonte par capillarité dans les pots. La plante a donc continuellement accès à l’eau dont elle a besoin. En contrebas de son terrain, un bassin final à ciel ouvert équipé d’une poire de niveau permet à Renaud de connaître la hauteur d’eau dans la couche de pouzzolane et de renvoyer l’eau écoulé non consommée à l’entrée du système. L’eau de pluie qu’il a l’occasion de récupéré avec ses toitures sert évidemment à alimenter le système. Toutefois, la consommation de son activité de pépiniériste est tellement grande que cela ne suffit pas. L’eau du réseau d’eau potable de la ville est donc parfois utilisée. Avec ce système, il a cependant divisé par 3 sa consommation d’eau sur la pépinière.

De l’urine nitrifiée et un livre sur son utilisation comme engrais
Des roses et des montagnes

Pour se développer, les plantes ont également besoin de nutriments. Renaud les classent de la manière suivante : les engrais d’un côté et les sels minéraux de l’autre. Sur les engrais, Renaud s’est depuis toujours intéressé à l’utilisation de l’urine. Pendant plusieurs années, il a testé l’alimentation de plusieurs plantes (dont des plants de tomates par exemple) avec différentes solutions à base d’urine : de l’urine pure, de l’urine diluée par 5, diluée par 10, de l’urine nitrifiée, etc. Il a également pu tester différentes fréquences d’apport ainsi que plusieurs périodes d’apports. Les résultats obtenus furent assez extraordinaires. C’est pour lui une formidable ressource permettant de remplacer les engrais de synthèse ! Fort de ces résultats, il a décidé de les diffuser au plus grand nombre en écrivant un livre sur le sujet : « l’urine, de l’or liquide au jardin ». Ce livre est le principal ouvrage français qui permet à n’importe quel particulier d’avoir un mode d’emploi sur la manière d’utiliser son urine au jardin. C’est un vrai guide compréhensible par tout un chacun. Il est désormais bien connu de celles et ceux qui ont la main verte.

Malgré toute cette connaissance accumulée au fil des années, Renaud n’utilise pas son urine dans son activité de pépiniériste. La réglementation le lui interdit et c’est bien dommage.

Le soir, lors d’un repas que l’on pourrait qualifier de banquet tellement la table était couverte de produits locaux d’une super qualité, nous mettons de côté tous ces sujets agronomiques et partageons nos histoires de vie. L’occasion pour nous de découvrir la passion de Renaud pour la musique et sa grande connaissance en la matière.

La serre principale de la pépinière
Renaud de Looze nous fait visiter de la palmerai

Le lendemain, la palmeraie ouvre ses portes à 10h. Nous nous levons plus tôt pour avoir le temps de découvrir un lieu hors du commun : la palmeraie secrète. C’est un terrain qu’il possède depuis de nombreuses années et sur lequel il a planté beaucoup de palmiers. Certains commencent donc à avoir un certain âge et sont de très grande taille. C’est assez rigolo de se retrouver en fond de vallée au milieu de ces palmiers face au massif de Belledonne. Merci à Renaud de nous avoir ouvert les portes de son jardin secret. C’est une belle marque de confiance. Nous en avons été vraiment touchés.

Nous rentrons rapidement à la pépinière, juste à temps pour l’ouverture des portes. Plusieurs personnes attendent déjà devant le portail. La journée s’annonce longue pour Renaud et Marie-Angèle. Nous les laissons travailler et continuons notre route vers Grenoble.

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aneco

25 Mai 2022

Notre passage en Suisse s’achève par Genève, une ville internationale qui accueille un grand nombre d’institutions mondiales et d’ONG. On retiendra ici la présence du siège de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Nous aurions pu évidemment tenter d’obtenir un rendez-vous dans ces grandes tours d’ivoires mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. 

Nous allons voir ici des amis, les membres de l’association aneco. En fin d’après-midi, nous passons entre les gouttes avant d’arriver dans la colocation de Marius. Nous y resterons plusieurs jours. Il s’agit d’une immense maison en banlieue de Genève dans laquelle vivent 6 personnes. Toutes ont des métiers différents. Pour la petite anecdote, c’est là que l’on pu voir la plus grande collection de jeux de société dans une même maison !

Au dernier étage, on y trouve une salle immense aux usages multiples. Depuis le covid, elle sert notamment d’espace de coworking pour les colocs et amis en télétravail. C’est ici qu’est basé le siège de l’association aneco.

Celle-ci est toute récente. Elle a profité de la belle dynamique présente à Genève en matière d’habitat participatif pour démarrer ses actions. En effet, du fait des multiples activités économiques qui y sont présentes et de l’augmentation de la population, il existe une pression gigantesque sur le logement à Genève. Les appartements coûtent chers, même en ayant un salaire Suisse. Ainsi, depuis plus de dix ans, certain.e.s habitant.e.s ont trouvé la parade : ils se constituent en coopérative d’habitant.e.s et se positionnent comme leur propre promoteur immobilier. Ces coopératives achètent ensuite leur terrain (ou ils sont mis à disposition par l’état Suisse), puis font construire leurs immeubles en articulant l’architecture autour des dynamiques de vies collectives établis par les habitants. Nous avons eu la chance de rencontrer l’un des initiateurs de ce mouvement, Benoît, qui a créé la coopérative Equilibre à l’époque. Ces lieux de vie participatifs sont des espaces dans lesquels de nombreuses expérimentations peuvent être mises en place. C’est ce qu’a bien compris l’architecte Stéphane Fuchs en proposant à Philippe Morier-Genoud de l’accompagner sur l’installation de nouveaux systèmes d’assainissement plus écologiques.

Rencontre avec Stéphane Fuchs
Rencontre avec Benoît, un des membres fondateur de la coopérative équilibre, au logement de Crecy

Dans tout cela, la petite équipe d’aneco constituée de Johanna, Marius, Ivo, Kayla et bien d’autres, s’est initialement joint à un projet de coopérative d’habitant qui se nomme la Bistoquette. Dans la conception de l’immeuble, il a rapidement été question d’assainissement. Ce réel besoin d’assistance de la part de leur collectif d’habitant leur a fait prendre conscience de l’activité qu’ils pouvaient développer. Ils se sont mis en contact avec Philippe pour créer l’association aneco. Ainsi, l’association est née de la rencontre entre un groupe de bénévole composé notamment d’ingénieurs de l’EPFL et de Philippe alors proche de la retraite. Ce dernier, a sauté sur l’occasion pour créer l’association aneco avec ces « p’tits jeunes » afin qu’ils puissent continuer à mener les activités qu’il a développé tout au long de sa vie, tout en gardant le même esprit de partage de connaissance. Philippe a donc accepté de transmettre l’ensemble de son savoir-faire et de son expérience accumulé au fil des années.

Aujourd’hui, l’association conseille différentes structures dans l’installation de systèmes d’assainissement innovants et décentralisés. C’est d’ailleurs ces termes qui leurs permettent d’installer ce type de procédé. En effet, dans le canton de Genève, ils ont la possibilité de constituer un dossier faisant passer le système d’assainissement pour une expérimentation moyennant la réalisation d’analyses régulières de la qualité de l’eau rejetée en sortie de traitement. Au-delà  de l’aide à la conception, aneco peut également être amené à entretenir et suivre les installations déjà mises en place. C’est notamment ce qu’elle fait sur l’immeuble de Soubeyran géré par la coopérative Equilibre.

L’immeuble de Soubeyran, équipé en toilettes à eau en circuit fermé
Sous la terrasse se trouve la station de lombricompostage

Il s’agit d’un immeuble de 38 logements répartis sur 6 étages construit en plein cœur de la ville de Genève en 2016. Ici, l’ensemble des réseaux d’eau sont présents à proximité : eau potable, eau pluvial et eaux usées. Malgré toutes ces infrastructures, l’immeuble est en partie déconnecté du réseau collectif. L’eau de pluie issue des toitures est stockée dans une grande cuve enterrée. Une partie de cette eau est directement renvoyée dans les chasses d’eau des appartements tandis que le reste est utilisé pour arroser le potager. Après utilisation, les eaux vannes (eaux usées issues des toilettes) sont envoyées dans une station de traitement par lombricompostage. Il s’agit d’un filtre composé de 3 couches. La première est organique et accueille un écosystème coprophage composé de vers-de-terre et de micro-organismes. C’est ici que la matière solide est retenue et dégradée. La deuxième couche composée de charbon accueille toute une flore microbienne spécialisée dans la dégradation des bactéries pathogènes. La troisième couche est un simple filtre à sable constituant un traitement supplémentaire permettant de réutiliser l’eau par la suite. Les eaux ménagères (eaux issues des cuisines et salles de bain) sont traitées de la même façon.

Car en effet, les eaux traitées sont ensuite mélangées avec les eaux de pluie afin d’être réutilisées. Toutefois, ce n’est pas un circuit que l’on peut qualifié de fermé puisqu’il existe toujours en apport d’eau potable pour les autres usages de l’eau (cuisine, douche, etc.) et qu’il existe un rejet faible mais constant au réseau collectif étant donné le besoin limité des chasses d’eau de l’immeuble. Une partie de ces eaux usées traitées est donc renvoyée vers le réseau d’eau pluvial de la ville. Ces eaux sont ensuite rejetées directement au milieu naturel sans traitement supplémentaire. Chaque année, l’excédent de lombricomposte produit par l’action des bactéries est extrait de la partie supérieure du filtre pour être épandue au jardin. C’est un événement festif qui rassemble des habitant.e.s de l’immeuble.

Le procédé test de stabilisation de l’urine : le pitribon
Discussion avec Johanna et Ivo d’aneco

Lors de notre séjour, nous avons pu visiter d’autres immeubles de la coopérative Equilibre, dont l’immeuble de Cressy, le premier construit par la coopérative. C’est aussi le plus petit. Il s’étend sur 3 étages et comporte 13 logements. Chaque appartement est équipé de toilettes sèches avec une colonne de chute permettant d’envoyer les matières au sous-sol. Là, des composteurs prennent le relais pour décomposer la matière. Le composte ainsi formé sert au jardin. Ici, l’entretien des installations est finement organisé entre les habitants de l’immeuble. Toutes les semaines, un.e habitant.e fait le tour des composteurs afin de vérifier qu’ils ne manque de rien. Les premières années, les habitations se sont faites envahir de moucherons. La solution qu’ils ont trouvé fût de couvrir régulièrement les composteurs de feuilles sèches. Si c’était à refaire, Ralph (l’habitant qui nous a fais la visite), ne garderait pas le même système. En effet, l’ergonomie des composteurs n’est pas optimale, mais ces mêmes composteurs ont le mérite d’être une fonctionnels depuis 10 ans. Dans cet immeuble, les eaux ménagères atterrissent quant à elles dans un filtre planté de roseaux situés le long du bâtiment.

Les toilettes sèches à séparation présentes dans les appartement à Crecy
Ralph nous présente les composteurs recevant les matières des toilettes

Dans la suite de ces visites, nous prenons les vélos en direction des Vergers, un habitat coopératif construit plus récemment, en 2018. Sur le chemin, Victor crève une nouvelle fois avec son vélo. Ayant laissé les rustines et chambres à air à la maison, nous n’avons rien pour réparer la crevaison. Johanna qui est notre guide sur le moment prête gentiment son vélo à Victor pour qu’il puisse continuer avec les autres. Genèvoise chevronnée, elle affrontera le dédale des lignes de transports en commun avec un vélo sous le bras, pour rejoindre l’équipe au lieu de rendez-vous. Merci à elle !

Dans cet immeuble, nous découvrons un tout autre système, celui du cacarousel ! Ici, seulement quelques appartements ont accepté de faire le pas. Il s’agit d’un système de lombricompostage qui tient dans une pièce de la taille habituelle de nos toilettes. En effet, ici, il était impossible d’agrandir la surface de la pièce des toilettes lors du projet architectural. Philippe Morier-Genoud, concepteur du système, a dû s’adapter. Il a donc créé le cacarousel. Il s’agit de toilettes à séparation des urines à lombricompostage. La forme du cacarousel ressemble fortement à un tambour horizontal de machine à laver que l’on aurait intégré à l’assise de la toilette. Le côté presque magique de ces toilettes est que dans des conditions optimales de fonctionnement, il n’a jamais besoin d’être vidé ! Les matières tombent dans ce grand cylindre et vont être petit à petit décomposées par les vers de terre préalablement introduits. Ici, pas d’ajout de sciure comme on pourrait l’imaginer. L’utilisation de papier toilette suffit à apporter du carbone. On pourrait éventuellement asperger les matières d’eau de temps à autre, afin d’apporter l’humidité nécessaire au bon équilibre du lombricompostage. Une zone, constituée de chanvre, positionnée au centre du cacarousel servira de « maison » aux vers de terre. En effet, ces derniers ne vivent pas au même endroit où ils mangent. Il leur faut leur confort. Au fil du temps, cette zone théorisée au début par Philippe a disparu. L’ensemble du cacarousel est désormais homogène.

Un cacarousel installé chez l’habitant
Le ver de terre, un allié de poids pour l’assainissement durable

Des problèmes de moucherons ont également été observés lors de l’installation des cacarousels. L’équipe d’aneco semble avoir aujourd’hui une solution pour les éviter. Leur piste la plus prometteuse est l’aspersion du compost par un mélange de deux produits naturels, une bactérie du sol et un champignon qui attaquent les œufs des moucherons. Ce geste est à réaliser régulièrement sur une période de deux mois mais semble fonctionner sur le long terme.

Dans cet immeuble, un nouveau procédé de traitement est en phase de test : le pitribon. Il est constitué d’un grand filet remplit de charbon de bois suspendu au plafond. L’arrivée d’urine brute se fait par le haut. Le liquide passe donc au travers du filtre. Les bactéries qui se développent sur le charbon de bois vont alors réaliser un processus dit de « nitrification ». L’azote présent dans les urines va ainsi se retrouver sous une autre forme. On limite ainsi la perte d’azote sous forme de gaz comme c’est le cas lorsque l’on se soulage en pleine nature. En traversant le filtre, le liquide va néanmoins perdre une grande partie de son volume initial. Le produit final obtenu est ce qu’on appelle de l’urine nitrifiée concentrée. C’est la même idée que pour l’Aurin produit par l’entreprise Vuna (cf article précédent sur l’Eawag & Vuna). Seulement là, le procédé est nettement plus simple et Low Tech. En jouant avec la gravité, il est facile de ne pas consommer énergie. L’inconvénient reste l’efficacité du procédé. Marius estime aujourd’hui que l’urine est concentrée à hauteur de 40% là où le procédé Vuna arrive à des taux de l’ordre de 90%. De plus, il n’existe encore aucune donnée sur l’abattement en micropolluant via le pitribon. Ce procédé est tout récent. Nous avons adoré le découvrir également dans la cave de la colocation de Marius. Il y réalise un grand nombre d’expérience sur le type de substrat, sa granulométrie, le débit d’urine arrivant sur le filtre, le ph du produit final obtenu, etc.

Vous l’aurez compris, les procédés promues par aneco sont innovants et révolutionnaires dans leur façon de repenser l’assainissement. Voir que ceux-ci fonctionnent et sont déjà mis en place pour épurer les eaux usées de centaines d’habitant.e.s en plein cœur de la ville, ça donne de l’espoir ! Il subsiste toutefois de nombreuses incompréhensions sur les mécanismes naturels utilisés dans ces procédés. C’est pourquoi, depuis quelques mois, Kayla, une des membres de l’association, a démarré une thèse en partenariat avec l’université de Genève qui vise à étudier les performances et le fonctionnement de ces procédés. Une vraie opportunité pour l’association.

Le Rhône à Genève, comme symbole de la ressource en eau douce à protéger durablement

C’est ainsi que se clôture notre épopée Suisse. Si vous êtes professionnels dans le domaine de l’assainissement, nous vous conseillons donc vivement d’aller faire un tour dans ce pays. Ils semblent être réellement en avance sur nous sur certains sujet liés à l’assainissement. C’est d’ailleurs l’un des rares pays à avoir adopté une réglementation sur le traitement des micropolluants dans les eaux usées (résidus médicamenteux, pesticides, etc…). Toutes ces substances que l’on ne traite pas dans nos stations d’épuration actuellement. Cette réglementation est une première. Elle semble plus qu’incomplète (d’après les témoignages des suisses rencontrés) sans toutefois prendre le sujet sous le bon angle mais elle mérite d’exister.

Mille merci à toute l’équipe d’aneco de nous avoir fait découvrir leur travail. On reviendra !

Cliquez ici pour en savoir plus sur aneco.

Cliquez ici pour en savoir plus sur la coopérative Equilibre.

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Piss & Love

23 Mai 2022

Lors des Intestinales (rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique), nous avions pu faire la rencontre de Vincent et Fanny de l’entreprise Piss&love basée à Lausanne. Avant d’aller à Genève, nous étions donc obligés de leur rendre visite.

En descendant des pré-alpes et du « Pays d’Enhaut » où nous avions passé une nuit chez Philippe Morier-Genoud, nous nous arrêtons à Paléziaux-Gare dans une magnifique colocation suisse où nous dormons. Les colocataires font partis d’une association de théâtre d’improvisation. Par chance, le soir même où nous arrivons, il y a un spectacle. Ni une, ni deux, nous fonçons assister à la représentation. Une bulle culturelle dans cette aventure sportive nous fait le plus grand bien.

Le lendemain, nous passons par Lausanne et retrouvons nos amis de Piss & Love. Avant d’arriver dans cette ville, nous vous conseillons de bien repérer votre chemin auquel cas vous regretterez vite vos erreurs de parcours. C’est une cité juchée sur une colline au bord du Lac Léman dans laquelle il est facile de se retrouver avec des pentes supérieures à 15 %. Cette découverte faite et nos jambes mises à l’épreuve, nous déposons nos vélos dans leur garage. Nos hôtes nous ont préparé un magnifique repas que nous pourrions décrire sur plusieurs paragraphes tellement il est délicat et délicieux. Nous en retiendrons surtout son pesto maison à l’ail des ours, une vraie dinguerie !

Les cabines monté ont un aspect de chalet
Collage d’un autocollant « En Selles » par le loueur d’une cabine longue durée à Lausanne
Des toilettes à sciure confortables et sans odeur

Durant ce déjeuner, nous explorons le passé afin de comprendre leur rencontre et la création de l’entreprise.

Au démarrage, Vincent et Fanny étaient tous deux étudiant.e.s à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). L’un est ingénieur en environnement quand l’autre est architecte. Ils se sont rencontrés lors d’un projet étudiant commun à leurs deux formations: le Solar Decathlon. C’est un grand concours d’innovation entre étudiant.e.s du monde entier qui dure 2 ans. Le but ? Construire une maison la plus écologique possible. Leur équipe constituée d’une cinquantaine d’étudiant.e.s aux compétences diverses s’est alors attelée à la conception d’une maison de quartier fabriquée à partir de matériaux écologiques. Le nom donné à ce projet est « NeighborHub » ou « cœur du voisinage » car il s’agit en réalité d’une maison de quartier pouvant accueillir des ateliers, formations, évènements, etc. Elle contient également de grands espaces multi-fonctionnels dans l’objectif d’en faire un lieu de partage et d’échange. Le bâtiment est pensé de manière à réduire au maximum son impact sur l’environnement. Vincent et Fanny ont pu nous en décrire précisément son fonctionnement. Si ce projet vous intéresse, n’hésitez pas à aller consulter le site web du projet (Swiss Living Challenge: https://archiveweb.epfl.ch/www.swiss-living-challenge.ch/index.html). Ce n’est pas pour rien s’ils ont gagné ce concours !

Ce projet, finalisé en 2017, aura fait travailler plus de 200 étudiants aux compétences diverses pour sa conception et sa fabrication. En effet, les étudiants ont également dû construire le bâtiment en chair et en os afin qu’il puisse servir de démonstrateur. Le concours se déroulant aux États-Unis, l’ensemble des modules conçus ont été acheminés par containers et assemblés sur place. C’est donc toute une logistique, gestion administrative et financière qu’on dû porter les étudiant.e.s. Ce projet au long court en a justement inspiré certain.e.s qui ont par la suite lancé leur entreprise. Ainsi, un petit groupe s’est constitué pour créer l’entreprise Enoki qui vise à perpétuer et commercialiser ce type d’habitat en Suisse.

Pour Vincent et Fanny, la suite est tout autre. Vincent, comme tout Suisse, avait ensuite le choix entre réaliser son service militaire ou effectuer un service civique. Il a pris cette seconde option avec laquelle il a pu intégrer l’institut EAWAG. Durant cette mission, il a travaillé notamment sur l’optimisation du procédé VUNA servant à recycler l’urine en engrais en bouteille (cf article sur Vuna). Fort de cette expérience, il est ensuite recruté chez l’un des principaux loueurs de toilettes sèches Suisse : l’entreprise Kompotoï. Locations dans les festivals, sur les chantiers, en montagne, réparations et entretiens de toilettes publiques, ses missions sont multiples, d’abord dans la région de Zürich puis Berne et Fribourg. En parallèle, il continue de développer sa passion, le mix. En effet, Vincent fait de la musique et mix dans des soirées et sur des festivals. Ce milieu lui est donc déjà familiers. Son contrat se terminant chez Kompotoï, il décide donc de rentrer chez lui à Lausanne et de lancer sa propre activité. Son objectif ? Se créer un métier qui lui permette d’être proche du monde de l’événementiel afin de lui ouvrir, à terme, des portes pour sa passion, la musique.

Fanny quand à elle a travaillé dans plusieurs agences d’architecture Suisse pendant quelques années avant de se mettre à son compte. Comme Vincent, elle s’est écartée de la logique technologique qui guidait le projet « Neighborhub ». Mettre des capteurs partout pour mesurer les flux et les consommations, ce n’est plus leur idéal. Ils développent, au travers de Piss&love, une approche plus Low Tech. C’est d’ailleurs Fanny qui a conçu les premières cabines de Piss&love.

De loin, elles ressemblent à de petits chalets de montagnes. Cette préoccupation pour l’esthétique que l’on retrouve chez de nombreux architectes permet à ces cabines de se démarquer. En effet, on s’y sent bien à l’intérieur. Tout y est précisément réfléchit, du porte savon, au positionnement de l’assise jusqu’à la nature des copeaux ajoutés. Il s’agit de broyat de bois de type « BRF » plutôt que de la sciure de scierie que l’on retrouve habituellement dans les toilettes sèches unitaires. C’est peut être un détail mais pour eux cela change tout. Le compostage est plus facile et l’odeur n’est pas la même, elle rappelle les sous-bois. Cette ambiance favorise l’usager à prendre conscience qu’il rend à la terre ce qu’il a pu lui prendre. L’autre particularité de ces toilettes réside dans leur installation. En effet, chaque cabine est constituée de modules en bois pouvant être assemblés un peu comme des légos. Cela facilite grandement l’installation et le transport, tout en permettant d’avoir des parois solides en bois de grande épaisseur. Leur inconvénient ? Le prix. Chaque toilette coûte un joli billet en investissement pour une petite entreprise locale comme Piss&love. Heureusement, Vincent est bien entouré. Ses amis et sa famille lui ont fait confiance et ont permis de lever des fonds pour démarrer l’activité.

Montage d’une cabine Piss&love

Cela fait seulement quelques mois qu’il a commencé et la demande est grande. La raison de cette réussite ? On peut certainement en accorder une partie au nom trouvé à l’entreprise, Piss&love, mais pas que. Comme expliqué précédemment, Vincent connaît bien le milieu de l’événementiel. Il a su convaincre rapidement certains festivals. De plus, aucun loueur n’existait jusqu’à présent à Lausanne. Il répond également aux besoins des bars de rue installés l’été dans la ville. Il s’agit alors de toilettes semi-publics puisqu’elles sont entretenues et gérées par le bar mais disposées sur l’espace publique et accessibles ainsi à tout un chacun.

Notre passage fût éclair mais nous sommes ravis d’avoir pu découvrir cette nouvelle forme de cabine de toilette sèche qui ajoute de la diversité dans l’ensemble des toilettes que l’on a pu visiter !

Merci à Vincent et Fanny pour leur accueil. Longue vie à Piss&love !

Cliquez ici pour accéder au site de Piss&love

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Philippe Morier-Genoud

22 Mai 2022

Nous repartons le lendemain en direction de Thune. C’est la première fois du voyage où nous souffrons vraiment de la chaleur. Nous sommes légèrement en altitude. Pourtant, le soleil tape fort et il n’y a pas d’air. Nous pédalons torse nu en espérant ne pas attraper de trop gros coups de soleil. Thune est une jolie ville. Le centre présente les reste d’une ancienne cité médiévale avec ses remparts. Au bord, un immense lac dont l’exutoire créé une rivière qui traverse la ville du sud au nord. Nous en profitons pour faire un plouf avant de repartir en direction du pays d’en haut. En effet, demain, la journée s’annonce longue. Nous faisons donc le choix de nous avancer encore un peu dans la vallée. Après avoir remplit nos gourdes dans un cimetière débordant de fleurs toutes plus belles les unes que les autres, nous tombons sur un panneau « feu de camp ». Un dessin explicite pour nous indiquer la présence d’un endroit où camper. Finalement, le choix se portera sur une ancienne carrière convertie en site d’escalade. Nous dormirons ici, à l’abri des regards.

Le pont couvert de Thune
Les pentes raides de Suisse offrent de beaux panorama sur les montagnes

Au réveil, le vent se lève. C’est plus agréable pour faire du vélo mais malheureusement la brise sera de face. Pour cette dernière journée avant d’arriver chez Philippe, le nombre de kilomètres est faible mais la pente et le dénivelé total est grand. Nous mettons finalement beaucoup de temps à rejoindre son village, Rossinière.

Mais comment sommes-nous arrivés là ? Lors des intestinales (cf article précédent), nous avions fait la rencontre d’aneco (voir article suivant), une association implantée à Genève. En organisant notre arrivée sur Genève, les membres de l’association nous ont indiqué que nous devions absolument rencontrer Philippe. D’autant plus que nous avions vu Philippe dans le reportage diffusé sur France 5 deux semaines auparavant. La mise en contact s’est faite rapidement. Nous sommes très heureux qu’il ai pu répondre favorablement à notre demande.

Nous arrivons donc chez Philippe après 3 jours de vélo à travers la Suisse. Il habite dans le pays d’En Haut, une petite enclave francophone au milieu de la suisse allemande. Le paysage est composé de forêts, de champs, de pentes à 20% et de grands chalets. C’est splendide ! Même dans cette petite vallée, le train est présent et relie toutes les villes entre elles. Le réseau ferroviaire Suisse est vraiment très développé et parfaitement adapté aux vélos. Les pistes cyclables y sont aussi extrêmement nombreuses, même en pleine campagne.

Le soir de notre arrivée, Philippe n’est pas disponible. Il doit aller à un concert à Château d’Oex, la petite ville du coin. Il nous ouvre tout de même leur ancienne maison pour que l’on puisse s’y installer. Sa femme et lui ont fais le choix d’aménager dans une maison plus petite juste à côté. N’ayant plus leurs enfants chez eux, ils souhaitaient rendre accessible leur grande maison pour accueillir des personnes dans le besoin. Dernièrement, ce sont des ukrainiens qui ont pu y séjourner quelques temps. Lors de notre venue, la maison était libre. Nous avons pu avoir chacun notre chambre.

Le village de Rossignère en pieds de montagne
Discussion avec Philippe

Pour nos repas, nous essayons d’être le plus économe possible en Suisse. Le coût de la vie et notamment des denrées alimentaires est très élevé pour nous français. A titre d’exemple, la baguette de pain est à 3 voir 4 francs suisse alors que la valeur d’un franc suisse est un peu près la même qu’un euro. On achète donc le strict nécessaire. Ce qui fait qu’arrivé à Rossinière, nous n’avons plus que quelques pâtes à déguster mais rien de transcendant. Philippe va gentiment nous chercher des patates, oignons, de l’ail et du fenouille confit. C’est l’occasion pour nous de se faire une magnifique petite salade avec les légumes de son jardin.

Après une nuit bien reposante, nous prenons le petit-déjeuner avec Philippe et Adrienne. Nous avons la chance de goûter le miel que Philippe confectionne lui-même. On prend ensuite toute la matinée pour échanger avec lui autour des micros sur la terrase.

Philippe est biologiste de formation. Il est venu habiter dans le Pays d’en haut par opportunité professionnelle. En effet, pendant longtemps, il a travaillé pour une association responsable de la gestion d’une réserve naturelle. Il faut savoir que la Suisse possède très peu d’espaces naturels protégés. L’état fédéral ne fait pas grand chose dans le domaine. Ainsi, certaines associations se sont créées pour acheter elles-mêmes des terrains et protéger des milieux riches en biodiversité. Celle dont était en charge Philippe a pendant longtemps été la plus grande zone protégée de Suisse. A ce poste, son rôle était de faire en sorte que les différents usages présents au sein de la réserve naturelle soient le moins impactant pour la nature.  C’est à ce moment là qu’il a commencé à s’intéresser à l’assainissement. En effet, il était alors amené à conseiller des éleveurs sur la mise en place de systèmes d’assainissement afin de réduire leur pollution sur le milieu.

Phillipe est quelqu’un de très observateur. Il est capable de passer des heures à observer, scruter et comprendre le fonctionnement des écosystèmes vivants. C’est en étudiant la vache et leurs bouses qu’il commence à s’intéresser aux vers de terre. Il découvre alors leur rôle indispensable dans les processus de dégradation de la matière organique. Parmis les nombreuses espèces de vers, il se focalise plus particulièrement sur ce que l’on appelle les « vers de composte », ceux de la famille Eisenia. Petit à petit, il arrive à comprendre les conditions favorables à leur développement, les matières organiques qu’ils préfèrent, leur cycle de reproduction, etc. C’est comme cela qu’il a commencé à faire du lombricompostage.

Après quelques expérimentations dans le monde agricole, il décide de transférer son savoir sur l’assainissement individuel. Pour cela, c’est chez lui qu’il commence. Il met en place des toilettes sèches et fait des expérimentations sur le lombricompostage des excrétions humaines. Il se rend vite compte que les urines ne doivent pas être mélangées avec les matières fécales. Les vers se noient alors dans les matières et n’apprécient pas la trop forte concentration en azote des urines. A l’inverse, enlever les urines supprime certains nutriments spécifiques tel que le souffre dont a besoin la microfaune pour se développer. Il préconise donc d’arroser de temps à autre les matières avec un peu d’urine afin d’apporter un peu d’humidité au lombricomposte et ces nutriments spécifiques. A savoir qu’un lombric est un peu comme un intestin.  Il contient une flore bactérienne très riche qui dégrade la matière lorsque le lombric l’ingère. Après digestion, la matière prédigérée est relâchée dans le tas de compost. Les bactéries y sont ainsi disséminées et réparties de façon plus homogène. Les vers de terre ont ainsi le rôle de mélangeur de la matière organique et de dissémination des bactéries. Ces dernières vont alors finaliser le processus de dégradation de la matière organique. Toutes ces actions rendent le procédé de lombricompostage plus efficace et plus rapide que le compostage habituel. Le fait de séparer l’urine permet déjà d’avoir des quantités de matières plus faibles à traiter mais en plus, une grande partie de la biomasse est évacuée dans le procédé sous forme de gaz. Les quantités finales obtenues sont alors très faibles, ce qui permet de n’avoir quasiment jamais besoin de vider le lombricomposteur.

Après ces expérimentations personnelles, il décide de quitter l’association pour laquelle il travaille et de se mettre à son compte. Pendant plusieurs années, il conseillera ainsi un grand nombre de particulier autour de chez lui. Il fait petit à petit parler de lui. C’est sa rencontre avec un architecte Genevois qui lui permettra d’agrandir son échelle d’expérimentation. L’architecte en question est alors en charge de la construction d’un bâtiment pour une coopérative d’habitants (voir article aneco). C’est l’opportunité pour Philippe de concevoir d’autres modèles de traitement : la micro-station d’épuration à vermifiltre. Cet ouvrage est aujourd’hui situé en pied d’immeuble dans la cour et permet de traiter les eaux d’environ 200 habitant.e.s.

Cette première aventure lui a ensuite ouvert d’autres portes. Sa dernière invention ? Le cacarrousel ! Il s’agit d’une cuvette de toilette sèche en forme circulaire dans laquelle le lombricompostage des matières fécales a lieu. Ces toilettes ont été installées en milieu urbain, notamment dans des immeubles. Les toilettes des appartements sont petites. C’est donc un véritable exploit d’avoir pu relever le défi et concevoir un système de lombricompostage aussi optimisé. Dans ce cas, bien évidemment, les urines sont séparées et envoyées dans une cuve de stockage située à la cave.

Philippe nous présente le fameux cacarrousel
Le frugal jardin de Philippe, fertilisé à l’urine !

Ce qui est vraiment intéressant avec Philippe, c’est son côté observateur et sa volonté de « faire avec le vivant ». Chaque installation est une nouvelle expérimentation. Il a désormais plus de 10 ans de recul sur les systèmes qu’il a développé. Toutefois, le vivant demande beaucoup d’attention et peut évoluer avec le temps. A chaque nouvelle installation, il est confronté à de nouvelles problématiques. La dernière en date était la présence de moucherons dans certains cacarousel. Il n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ces moucherons sont présents dans une installation et pas dans l’autre. Toutefois, il teste aujourd’hui différents produits dans l’objectif d’éradiquer les moucherons sans impacter les lombrics. Tout récemment, il a découvert l’existence d’une bactérie mangeuse d’oeufs de moucherons. Il a donc conçu une solution ensemencée par cette bactérie que les usagers appliquent 1 fois par semaine dans le lombricomposteur.

Philippe souhaite aujourd’hui partir à la retraite et se consacrer à d’autres thématiques. Il s’est donc regroupé avec un groupe de jeunes genevois au sein de l’association aneco. L’objectif de l’association ? Transmettre tout le savoir que Philippe a accumulé sur toutes ces années, continuer à développer et expérimenter ces différents systèmes de lombricompostage. Toutes les solutions qu’ils mettent en place sont aujourd’hui principalement basées sur des résultats empiriques. Mais cette année, une membre de l’association aneco a démarré une thèse avec l’Eawag (cf article précédent) pour étudier ces systèmes. Philippe est ravie de voir que d’autres s’emparent de ces sujets !

On termine cet interview de plus de 2h en visitant son jardin. C’est un vrai havre de paix au sein duquel il expérimente l’amendement en lombricomposte de matière fécale humaine et la fertilisation par de l’urine brute humaine. C’est aussi un fin connaisseur des besoins de chaque plante.

A midi, nous repartons déjà en direction de Lausanne pour rencontrer l’entreprise Piss & Love. Un grand merci à Adrienne et Phillipe pour leur accueil !

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Bastian Etter – Institut Eawag & Vuna

18 Mai 2022

Nous avons pris le train de Paris à Zurich. On est arrivé 1h30 avant le départ pour démonter  nos vélos au maximum. Après analyse du marché, les housses de transport recommandées par les compagnies ferroviaires coûtent a minima 70euros. Même sur leboncoin c’est compliqué de trouver quelque chose en-dessous de 40euros. On essaie d’appeler la SNCF afin de connaître leur niveau d’exigence sur le démontage des vélos. La personne que nous avons au téléphone a du mal à nous répondre. On décide de tenter un truc à l’arrache. On va empaqueter nos vélos comme de grands paquets cadeaux. Pour cela, nous avons acheté des housses de matelas en plastique à 5euros trouvées à Leroy Merlin. Ce n’est pas hyper solide mais en renforçant le tout avec du carton, ça devrait le faire. Tous ces préparatifs nous prennent un peu de temps.

Un peu de bricolage pour prendre le TGV avec nos mules
Et voilà le travail !

Pour être encore plus crédible, il faut que l’on arrive à porter chacun de notre côté : toutes nos sacoches + le vélo démonté. Pour Nathan, ça se fait assez bien car il a un vélo plutôt léger et toutes ses sacoches ont des sangles pour se porter en bandoulière. Pour Victor, c’est plus complexe, une seule bandoulière et un vélo seul, qui est déjà bien lourd. Il galère à passer le portique d’accès au quai. Il se fait aider par les employés de la SNCF sans avoir de remarques particulières sur son chargement.

Il reste suffisamment de places dans notre wagon pour mettre les sacoches dans les rangements réservés aux valises. Les vélos restent dans le couloir. Durant tout le trajet, les contrôleurs ne nous ont jamais rien dit. Bref, nous avons finalement cumulé beaucoup de chances tout au long de cette journée sur les rails !

Après coup, on nous raconte une histoire similaire qui s’est déroulée en Allemagne. Dans cette histoire, le contrôleur a empêché la personne de monter dans le train. Elle a dû se débrouiller en prenant pleins de petits lignes TER qui avaient des emplacements pour les vélos. Faut croire que les Suisses sont plus tolérants que les allemands finalement.

A la gare, Bastian vient nous chercher. Il nous aide à remonter les vélos. C’est lui qui nous accueillera tout au long de notre séjour à Zurich. On dépose les bagages chez lui avant de se dégourdir les bras lors d’une séance d’escalade urbaine au-dessus d’une rivière. A cette instant, nous ne regrettons pas les chaussons d’escalade que nous baladons depuis le début du voyage ! Comme un goût d’été et de vacances dans la ville des banquiers.

Le lendemain matin, on rejoint l’institut Eawag en vélo, à 35min de Zurich. Pour l’anecdote, l’Eawag était au commencement un petit groupe de recherche affilié à l’Ecole Polytechnique Fédérale (EPF) de Zurich. Leur travail a petit à petit été reconnu par l’état Suisse. Aujourd’hui, il s’agit du principal institut qui travaille sur les thématiques de l’eau potable et de l’assainissement. C’est également une référence à l’échelle mondiale. Beaucoup de personnes ont déjà pu nous en parler au cours de notre périple.

Arrivé en vélo à l’institut de recherche Eawag
Dans le bâtiment, une représentation grand format d’une molécule d’eau (H2O)

A peine arrivés, Bastian nous fait visiter le bâtiment principal. Il a 15 ans désormais. A l’époque, c’était vraiment précurseur car le bâtiment est entièrement en énergie passive. Le système d’aération est extrêmement bien pensé. En dehors de l’ensoleillement, la chaleur des cuisines et des serveurs chauffent l’intégralité des autres pièces. Bien sûr, avec la chaleur humaine aussi. Pour l’exposition, des panneaux présents sur les façades les plus orientées se déplacent automatiquement en fonction des heures de la journée et des saisons. C’est tout un système de capteurs qui est en place. Sur le toit, on retrouvera quelques panneaux photovoltaïques. Toutefois, ces derniers ne suffisent pas à fournir toute l’électricité du bâtiment. Les machines et appareils de mesure des laboratoires consomment beaucoup ! Des panneaux solaires thermiques ont aussi été installés pour chauffer l’eau des cuisines. Un toit végétalisé permet également de récupérer l’eau de pluie pour l’envoyer dans toutes les toilettes du bâtiment. Bien évidemment, avec Bastian, on visite aussi les toilettes. Il s‘agit de toilettes à chasse d’eau. Les chasses d’eau sont alimentées par de l’eau de pluie collectées sur le toit du bâtiment. Cependant, celles-ci permettent tout de même de séparer les urines pour les envoyer dans un réseau annexe. Bastian nous amène ensuite en sous-sol. C’est là que les urines arrivent, dans de grosses cuves de stockage.

Chauffe-eau solaire sur le toit de l’Eawag
Bastian Etter nous présente les différentes toilettes à séparation développés grâce aux travaux du centre de recherche

C’est le moment de vous présenter Bastian. Il a réalisé ses études à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Il a pendant longtemps été ingénieur de recherche au sein de l’Eawag. Il a notamment travaillé au sein de l’équipe de recherche SANDEC qui aborde les questions d’assainissement dans les pays du sud. Dans ce cadre, il a vécu 2 ans au Népal. Bien que ses collègues l’aient longtemps poussé à faire une thèse, il a préféré développer un procédé de valorisation des urines. De cela, a émergé Vuna.

Aujourd’hui, Vuna est une start-up issue de l’institut Eawag. Pendant 5 ans, elle est partenaire de l’institut. Pour simplifier les choses, elle peut être hébergée dans ses locaux et bénéficier des appareils de mesure. C’est une manière de l’aider à se développer et à prendre son autonomie. C’est donc ici que Vuna développe et améliore son procédé. Nous le découvrons sous nos yeux puisqu’il est mis en place au sous-sol du bâtiment principal. En premier lieu, les urines brutes arrivent dans une cuve de nitrification. Les bactéries mises dans de bonnes conditions de températures vont ainsi transformer l’urée en nitrates. Ensuite, l’urine nitrifiée va passer dans un filtre à charbon actif. Cela permet de supprimer la majorité des micropolluants que l’on retrouve dans les urines : hormones, résidus médicamenteux, caféine, etc. Le troisième et dernier traitement est le passage de l’effluent dans un distillateur. Les nutriments peuvent ainsi être extraits et concentrés dans une liquide final appelé Aurin.

Le 1er urinoduc au monde !
Plusieurs panneaux expliquent le processus de fabrication de l’Aurin
La chaîne de production de l’Aurin
En entrée de l’urine, en sortie du fertilisant concentré

Vuna peut aujourd’hui vendre l’Aurin comme engrais en Suisse. Elle vient tout récemment d’obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en Autriche. Cela devrait leur ouvrir les portes de l’Union Européenne. L’Aurin se vend à un prix similaire à l’engrais de jardin vendu aux particuliers. Les engrais utilisés par les agriculteurs, principaux utilisateurs, sont très subventionnés et donc peu chers. C’est aujourd’hui impossible pour Vuna d’essayer de vendre l’Aurin au monde agricole. D’autant plus que cela impliquerait de pouvoir fournir d’immense volumes, ce qui n’est pas réalisable pour eux à ce stade.

La start-up comprend aujourd’hui 5 salariés. Elle a partagé ses activités en deux : le développement du système de traitement et de valorisation des urines via « VunaNexus » d’un côté et le conseil à l’installation de systèmes d’assainissement écologique de l’autre. En effet, au-delà de son procédé de valorisation des urines, Vuna accompagne de nombreux clients partout en Suisse à la construction d’assainissement écologique. C’est une sorte de bureau d’études spécialisé qui travaille aussi bien avec des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Ils sont devenus la référence pour toutes les installations de refuges de montagne en Suisse. Deux de leurs plus gros projets en cours sont la mise en place d’un réseau de collecte des urines suivi de leur unité de traitement au sein du quartier de Saint-Vincent de Paul à Paris et à l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), tout un symbole ! Lorsqu’ils installent leur procédé, celui-ci appartient ensuite au maître d’ouvrage. Toutefois, VunaNexus s’engage à prendre tout l’engrais, le revendre et à rendre une partie des recettes au client pour qu’il puisse faire un retour sur investissement.

Nous avons finalement passé notre journée à visiter les différents bâtiments de l’Eawag. Nous avons rencontré Céline. Elle a fait la même école d’ingénieur que nous à Montpellier et a réalisé sa thèse avec un ancien enseignant à nous. Il y a 3 ans, elle a été prise en post-doc à l’Eawag. Elle est aujourd’hui cheffe de groupe. C’est une belle réussite quand on voit le nombre de demandes que reçoit l’institut chaque année. Elle travaille aujourd’hui sur de nouveaux procédés de purification de l’eau potable. Elle a pu nous faire visiter tous ses laboratoires. Nous sommes même rentrés chez les voisins de l’Eawag, dans le Nest. C’est un bâtiment tout récent constitué d’un noyau central en béton duquel part de grandes dalles en bétons sur 3 étages. Ces dalles permettent d’accueillir différents modules. Il s’agit d’un immense terrain de jeu pour les architectes et ingénieurs en génie civil qui expérimentent tout un tas de techniques du bâtiment. Giuseppe a pris plus d’une heure avec nous pour tout nous expliquer. Merci à lui. Encore une fois, nous sommes allés au sous-sol. Le bâtiment sépare toutes ses eaux : les eaux noires (matières fécales), les urines, les eaux grises légères (douches, lavabos) et les eaux ménagères lourdes (cuisine). Chaque eau reçoit un traitement différent. C’est un bel endroit pour expérimenter pleins de méthodes d’épuration différentes. C’est le terrain de jeu de Guiseppe.

Visite des pilotes de l’Eawag avec Céline
Visite du NEST avec Giuseppe
Vue de l’extérieur, le NEST est un immense bâtiment constitué de différents modules
Les différents eaux usées sont séparées à la source pour tester des traitements spécifiques

Pour la petite anecdote, un autre bâtiment, le FLUX, est connecté au bâtiment principal par une canalisation pour y renvoyer ses urines.  Selon Bastian, il s’agit du premier urinoduc au monde !! Ils ont prévu de faire une fête avec tous les chercheurs pour célébrer cette installation.

On termine notre excursion à l’Eawag avec Bastian. Nous nous installons sur une table avec une carte en relief de la Suisse. Nous organisons notre trajet pour les jours à venir. Comme de nombreux salariés de l’institut, Bastian est féru de montagne. Il a aussi réalisé plusieurs voyages à vélo. Il nous indique la meilleure route à suivre et des points de chutes pour la nuit.

On termine la journée par une visite du centre-ville de Zurich avec les vélos. Nous garderons un très bon souvenir de cette ville.

L’équipe de Vuna
Balade au jardin chinois de Zurich

Merci à Bastian d’avoir organisé notre séjour à Zurich et accueilli comme des rois avec de délicieuses découvertes culinaires, ainsi qu’à ses colocataires de nous avoir hébergé !

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Michel Gousailles

16 Mai 2022

Michel est la dernière personne que nous allons rencontrer sur Paris. Il a une maison dans le Berry où il y passe sa retraite désormais Toutefois, pour nous, il est revenu sur Paris. Il nous accueille dans son petit appartement à Colombes. C’est très gentil de sa part de nous ouvrir sa porte aussi facilement.

C’est Fabien Esculier qui nous a parlé de Michel. C’était son prof’ lorsqu’il étudiait à l’Ecole Polytechnique. C’est Michel qui lui a donné envie de travailler dans l’assainissement et on comprend pourquoi. L’échange était passionnant pour nous. Lors de l’interview, l’enseignant a bien repris son rôle puisque nous avons eu l’impression de revivre nos cours de traitement des eaux en beaucoup plus simple et limpide qu’autrefois. Ça nous a donné envie de replonger dans la théorie.

Interview de Michel Gousailles dans son appartement à Colombes

Michel Gousailles est ingénieur de formation. Il a fait l’école des ingénieurs de la ville de Paris. Pendant toute sa carrière, il a travaillé au Syndicat Interdépartemental d’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP). C’est un ancien collègue de Jean-Pierre Tabuchi (cf article précédent).

Il a démarré en tant que responsable des appareils électromécaniques sur la station d’épuration d’Achères (ou Seine-Aval). Ensuite, il a eu l’opportunité de prendre la place d’un de ses collègues au laboratoire de recherche du SIAAP. Il devait remplacer, à l’époque, « l’éminence grise » du SIAAP parti en retraite. Cette évolution lui a permis de pouvoir s’intéresser totalement aux procédés de traitement des eaux. A l’époque de son arrivée, le traitement de l’azote et du phosphore n’étaient pas encore au point. La station traitait uniquement la matière organique présente dans les effluents.

Michel est quelqu’un de curieux. Il s’est aussi renseigné sur l’historique du système d’assainissement parisien au 19ème et 20ème siècle. Il a pu nous raconter l’arrivée du tout-à-l’égout. Faut bien se rendre compte que les égouts de Paris sont une belle œuvre de génie civil. Certaines canalisations sont grandes comme un couloir de RER ! Son rejet direct dans la Seine sans aucun traitement a posé de nombreux problèmes à l’époque. La Seine était noire a proximité du rejet, puis verte un peu plus loin. Une bonne partie des espèces de poissons ont disparus. La population pouvait même voir des bulles de méthane remonter à la surface par certains endroits. Pour contrer ce problème, les rejets d’égouts ont été déviés. Les exutoires du réseau d’assainissement ont été positionnés en entrée de champs. Ainsi, à partir de 1895, au niveau d’Achères et de ses alentours, plus de 10 000 ha ont été réservés à l’épandage des effluents. Il s’agissait alors d’une épuration naturelle par le sol tout en restituant les nutriments contenus dans les effluents. En effet, ces parcelles étaient utilisées pour cultiver certains légumes qui nourrissaient une partie de la population parisienne. La population augmentant avec l’étalement urbain, ce type de système a totalement disparu. Sur copie de nos voisins anglais, le traitement de la matière organique par lits bactériens est ensuite arrivé à Paris après la première guerre mondiale.

S’en est suivi ensuite toute une évolution des techniques de traitement. Après avoir traité la matière organique, l’eau de la Seine n’était plus noire mais restait toutefois verte. On a petit à petit commencé à s’intéresser à l’azote et au phosphore. A force des évolutions, le milieu naturel a pu reprendre forme. Dans les années 2000, certains poissons indicateurs de la bonne qualité de l’eau tel que le Saumon ont pu être observés proche du rejet de la station d’épuration d’Achères à Puteaux.

Vous l’aurez compris, Michel est un super pédagogue. Il ferait comprendre à n’importe qui les grands principes du traitement de l’eau. Nous avons aussi pu pousser la discussion plus loin en récoltant son point de vue sur les nouvelles méthodes de l’assainissement :

– la méthanisation : « on en fait depuis les années 40 au SIAAP. Ça fonctionne très bien pour les stations d’épuration. Il faut développer ce procédé au maximum. »

– la réutilisation des eaux usées traitées : « on en faisait à l’époque à Paris. Cela semble donc assez logique de revenir à ce type d’alternative tout en maintenant de bonnes conditions sanitaires bien entendu. »

– la séparation à la source : « Cela intéresse le SIAAP dans le cadre des nouveaux projets de construction pour éviter une augmentation de la pollution en entrée de station. Toutefois, je doute que cela se généralise au-delà des nouveaux immeubles. Les investissements que nous avons fais sont trop importants pour que nous changions tout le système, surtout en ville, cela semble impossible. »

En fin d’interview, nous avons pu mettre les micros de côté. Michel nous a offert un verre. C’était très convivial. C’est quelqu’un d’extrêmement gentil que l’on serait ravis de revoir par la suite.

Les vélos posent devant les champs-élysées
Les tours de la Défense

On reprend les vélos pour traverser Paris en passant par le quartier de la Défense. Les tours sont immenses et impressionnantes. La vue sur l’arc de triomphe est sublime ! Le reste du trajet à vélo est toutefois un enfer. Les automobilistes parisiens n’aiment décidément par les deux roues. Heureusement que nos amis nous attendent avec un dîner tout prêt. Merci à eux !

Cliquez ici pour accéder au site du SIAAP

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Sabine Houot – INRAE Grignon

16 Mai 2022

Pour la première fois, nous décidons de réaliser l’interview par visioconférence. Le laboratoire de Sabine est situé à Grignon. Nous aurions dû faire plus de 3h de trajet dans la journée pour 1h d’interview.

L’ennui c’est que notre hôte actuel ne peut pas nous laisser son appartement pour faire l’interview dans le silence. Sa pièce à vivre est également son lieu de travail. C’est là qu’il y fait ses soins et reçoit ses clients. Nous sommes donc contraints de trouver un café dans Paris où l’on peut s’installer pour la visioconférence. Nous allons dans le quartier des Arts et Métiers. Là, on y trouve un café vegan très mignon qui fait aussi espace de co-working. Quand on arrive à 9h, il n’y a personne ! Le lieu parfait pour s’installer.

Malheureusement à 11h, au début de la visio, le café s’est remplit et la musique s’est allumée. Nous branchons la sortie de l’ordinateur directement sur l’enregistreur et suivons la discussion avec une oreillette chacun. Par ce système, on entend forcément un retour. On s’entend parler. Il faut donc un petit temps d’adaptation avant d’être réellement à l’aise.

Sabine de son côté est avec un casque et un bon micro. Elle est dans une pièce sans bruit. La configuration parfaite.

Le début de l’interview fût un peu chaotique. Ce ne devait pas être agréable pour Sabine. Nous étions tellement perturbés par les questions techniques que nous avons directement commencé à lui poser les questions que nous avions préparé sans même se présenter. En effet, pour démarrer nous avons généralement l’habitude d’échanger avec la personne de manière informelle et de vraiment expliquer quelles sont nos intentions et en quoi consiste notre démarche. Tout cela participe au fait de mettre à l’aise la personne et permet qu’elle oublie le micro qu’elle a devant elle. A distance, c’est plus délicat voir même très difficile de créer cette relation de confiance.

Malgré toutes ces péripéties, l’interview a pris son cours et les choses se sont apaisées. Sabine Houot est ingénieur agronome de formation. Elle a décidé de continuer dans la recherche publique. Elle travaille aujourd’hui à l’Institut Nationale de la Recherche en Agronomie et Environnement (INRAE) anciennement INRA. Elle est notamment la directrice de thèse de Tristan Martin que nous avions rencontré au début de notre voyage (voir article précédent). Avec lui, nous avions essentiellement échangé sur les différentes manières d’utiliser l’urine en agriculture. Mais cette fois-ci, nous souhaitons parler de tout autre chose.

Sabine est spécialiste de tout ce qui a trait à la valorisation de la matière organique. Nous avons plein de questions à lui poser. Notre réflexion partant de l’urine, notre voyage nous a amené vers de nombreuses autres réflexions, telles que les déchets de cuisine, les déchets verts, les lisiers et les fumiers. En partant du prisme de l’assainissement, nous sommes arrivés à nous poser des questions à une échelle plus globale de l’agriculture et de l’alimentation.

Avec Sabine, nous abordons ainsi les sujets suivants : définition de la matière organique, les différentes formes de matière organique, leurs différentes compositions et leurs intérêts agronomiques, le procédé de compostage, la méthanisation, les boues de station d’épuration, etc.

Sabine nous a fait prendre conscience qu’il y avait une multitude de manière de valoriser la matière organique et qu’il s’agit de trouver la manière la plus adaptée à un contexte donné. Que tous ces déchets sont en réalité des ressources et qu’ils ont tous leur intérêt agronomique. Nous ne savons pas si la qualité du son enregistré permettra d’être utilisé dans notre podcast. Toutefois, cette discussion nous a vraiment éclairé sur la manière d’appréhender les enjeux agricoles.

Merci à Sabine d’avoir pris du temps pour répondre à nos questions. Nous nous excusons pour tout ces problèmes techniques.

Cliquez ici pour accéder aux travaux de Sabine Houot

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Christophe Mandereau – Aristot

Dans la même journée, on prend le RER A deux fois. Mais cette fois-ci, ça sera dans l’autre sens, direction Rueil-Malmaison. C’est la première fois que l’on y va. Le centre de cette banlieue parisienne ne nous fait pas délirer plus que ça. Il faut dire que c’est dimanche, il n’y a pas grand monde dans les rues. Puis, on tombe sur les bords de Seine. Ils sont aménagés. C’est très agréable. On commence par s’installer en terrasse mais en regardant la carte on change vite d’avis. Les prix sont vraiment excessifs. La vie parisienne n’est vraiment pas faite pour des voyageurs aux ressources financières limitées comme nous. On se pose sur un banc, devant les enfants qui jouent à 1, 2, 3, soleil. On écrit et on prépare nos interviews du lendemain.

On est venu ici pour poser des questions à Christophe sur la méthanisation. Cela fait désormais 15 ans qu’il travaille au sein du bureau d’étude Aristot. Il s’agit d’une entreprise qui conseille les collectivités territoriales et les entreprises en matière d’ingénierie écologique. Christophe est pris pendant la journée. Il est en plein tractage car il se présente aux élections législatives. On espère le croiser dans l’après-midi.

Il arrive finalement à 18h et nous paie un coup pour s’excuser de son retard. Merci à lui. On choisit la formule « on pose l’enregistreur au milieu de la table et on discute autour d’un verre sans se préoccuper des bruits parasites ». On le regrettera peut être par la suite.

Christophe a pris conscience que l’on fonçait droit dans le mur en matière de soutenabilité depuis plus de 30 ans maintenant. Il était parmi les premiers ingénieurs à comprendre que notre société n’allait pas dans le bon sens. Depuis plus de 10 ans, il a développé au sein d’Aristot une expertise sur les procédés de méthanisation et de sobriété énergétique des stations d’épuration.

La méthanisation est un procédé utilisé depuis la nuit des temps. En effet, on retrouve des concepts similaires à des époques très anciennes dans certaines civilisations asiatiques et arabes. Le principe ? Mettre de la matière organique sous cloche en l’absence d’oxygène et les porter à une certaine température. L’idée est de créer des conditions favorables à l’activité de certaines bactéries présentes dans la matière organique. On peut distinguer alors deux types de méthanisation : celle qui monte jusqu’à 37°C (mésophile) et celle qui va jusqu’à 55°C (thermophile). Dans ces conditions, les bactéries vont « digérer le carbone » de la matière organique et le transformer en gaz : méthane (CH4) et dioxyde de carbone (CO2). Ces deux gaz sont des gaz à effet de serre. Toutefois, leur utilisation dans le cadre de la méthanisation permet d’avoir un « cycle court du carbone ». Au lieu de consommer du pétrole (carbone décomposé sur des milliers d’années) et de le rejeter dans l’atmosphère, on utilise du carbone présent dans la matière organique (carbone non décomposé). Bien sûr, il ne faut pas que le digesteur ait des fuites et relâche ces gaz directement dans l’atmosphère, sinon, le gain apporté par le procédé est moindre.

Le méthane ainsi produit peut être utilisé pour faire du biogaz et/ou alimenter le gaz de ville. Le dioxyde de carbone, quant à lui, commence à trouver des intéressés dans le monde de l’industrie. En effet, de nombreux procédés industriels utilisent du dioxyde de carbone. De plus, la chaleur produite par le procédé peut être utilisée pour chauffer des bâtiments.

La matière récupérée en sortie du procédé s’appelle le digestat. Elle est riche en azote et peut être réutilisée en agriculture. Toutefois, il faut y appliquer un plan d’épandage très précis afin d’éviter toute dégradation de l’environnement lors de son utilisation.

La matière organique pouvant être utilisée en méthanisation est variée. On peut tout aussi bien utiliser des boues de station d’épuration (partie solide restant en fin de traitement), des déchets de cuisine, que des déchets verts, des cultures spécifiques ou des lisiers et fumiers.

Nous avons beaucoup parlé avec Christophe de l’intérêt de la méthanisation à une échelle plus large. Selon lui, c’est un enjeu majeur qui permettrait à la France de réduire sa dépendance au gaz d’origine fossile (russe, algérien, américain, etc.). Il faut toutefois bien concevoir les filières et ne pas faire n’importe quoi. En effet, de son point de vue, il faut développer les projets de méthanisation de manière à ce que la matière organique utilisée soit originaire du territoire dans un rayon de 30km autour de l’installation. Pour lui, c’est un non-sens de construire de gros digesteurs qui vont faire parcourir beaucoup de kilomètres aux matières ! Et puis, plus l’installation est grosse, plus les risques d’accidents technologiques sont gros. Car le méthane, ça explose donc il y a tout un système de gestion des risques à mettre en place pour ce type d’installation.

De plus, pour Christophe, dans le cas d’exploitation agricole, il ne faut pas que l’intégralité de la production des cultures soit pensée pour la méthanisation. L’installation est simplement un outil que l’agriculteur peut utiliser pour se maintenir un certain revenu. En effet, l’année où la récolte est mauvaise, l’exploitant a simplement à mettre ses récoltes perdus dans le méthaniseur. Il en tirera un petit profit. Avec le changement climatique, les récoltes seront de plus en plus aléatoires. La méthanisation peut être alors une bonne option.

Les populations locales ont aujourd’hui dû mal à accepter de tels projets proches de chez eux. Ce sont des installations qui font peur, qui peuvent impacter le paysage et qu’on accuse généralement de relarguer une odeur nauséabonde.

La notion de proximité est très importante pour Christophe. Pour lui, il faut repenser toute notre société de manière à ce que l’on puisse quasiment tout produire au niveau local. Dans un monde idéal, les stations d’épuration deviennent un lieu de valorisation situé en périphérie des villes. Tout ce qu’il y a de recyclable, il faut le recycler ! C’est aussi pour ça que, de son point de vue, la méthanisation n’est pas incompatible avec le compostage de proximité. Pour lui, il faut absolument développer un maximum de compostage en pied d’immeuble pour les déchets organiques de cuisine tel que cela se met en place un peu partout en France. Le compostage centralisé peut être également une autre solution dans certains cas et la méthanisation dans d’autres. Mais le principal levier d’action aujourd’hui reste, selon Christophe, celui des déchets verts (jardins, espaces verts, etc.) qui ne sont pas assez valorisés aujourd’hui.

Sur les stations d’épuration, il a notamment accompagné la métropole de Strasbourg et l’agglomération de Cagnes-sur-Mer dans la réhabilitation de leurs stations d’épuration. Avec les systèmes mis en place, ces stations seraient neutres en carbone.

L’échange avec Christophe fut très convivial. C’est quelqu’un de très abordable. Sous son engagement politique, c’est un citoyen avant tout. On sent qu’il a de l’expérience dans le domaine et qu’il brûle d’envie de faire avancer les choses. C’est pour ça qu’il veut passer à une autre échelle et se présenter en tant que député. Pour lui, les technologies et les savoirs-faire sont suffisamment développés. Il ne manque plus qu’un portage politique.

En fin d’interview, il nous a également indiqué qu’il était très intéressé par le sujet de la séparation à la source. Si nous décidions de créer notre structure d’accompagnement ou de conseil par la suite, il serait ravi de pouvoir travailler avec nous sur ces sujets. L’avenir nous le dira…

Bonne chance à lui dans sa candidature apartisane et citoyenne !

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Jacques Lesavre

13 Mai 2022

Le contact avec Jacques se fait très tardivement dans notre escale parisienne. Nous avons déjà calé un grand nombre de rendez-vous dans notre agenda quand il nous appelle. Par chance, vendredi après-midi, nous avons un créneau qui se libère. Il peut nous accorder une partie de son après-midi si toutefois nous le rejoignons chez lui.

Comme la majorité des personnes que nous rencontrons dans la capitale, Jacques habite en banlieue. Victor monte dans le train à Saint-Lazare en direction de Sannois. Jacques vient le chercher à la gare et l’emmène au centre-ville. Nous envisageons dans un premier temps de réaliser l’interview dans un parc mais l’absence de table nous fait opter pour un café-restaurant. Le bruit du service à l’intérieur de l’établissement nous conduit à nous installer en terrasse.

Jacques est quelqu’un de très abordable. Nous avons tout de suite été très à l’aise d’échanger avec lui. Il est aujourd’hui à la retraite mais croule sous les charges de tout jeunes grands-parents tels que la garde des petits-enfants ou s’occuper des aînés. En effet, le soir même il reçoit toute la famille chez lui pour fêter les 99 ans de sa belle-mère. Un événement important !

Durant 39 ans, Jacques a travaillé à l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). Les agences de l’eau sont au nombre de 6 en France métropolitaine. Les territoires d’intervention de chacune d’elles sont déterminés par les grands bassins hydrographiques des fleuves : le Rhône, la Seine, la Loire, l’Adour et la Garonne, le Rhin et la Meuse, l’Artois et la Picardie. Ces établissements publics ont été créés en 1964. Ils fonctionnent comme des mutuelles. Les agences de l’eau perçoivent auprès des usagers de l’eau (consommateurs, industriels, agriculteurs, etc.) des redevances basées principalement sur la pollution rejetée et le prélèvement d’eau. En retour, l’argent ainsi collecté est redistribué aux différents acteurs de l’eau sous la forme de subventions ou de prêts à taux zéro. Par exemple, les familles contribuent au travers de la facture d’eau au budget des agences de l’eau mais une grande partie des équipements dont elles bénéficient (eau potable, évacuation et traitement des eaux usées, etc.) sont aidés financièrement. Ces aides suivent un programme décidé par les comités de bassin composés eux-mêmes de tous les acteurs de l’eau : état, collectivités, entreprise, monde agricole, associations, etc.

Interview de Jacques Lesavre à Siannois
Une vue impressionnante sur Paris

Ce qui est surprenant, c’est que Jacques a connu Jean-Pierre Tabuchi et Fabien Esculier (voir articles précédents) lorsqu’ils étaient encore étudiants. Il a notamment été en relation avec eux lorsqu’ils ont effectué leur stage respectif à l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). En démarrant sa carrière en 1977 à l’AESN, Jacques a pu observer toutes les évolutions du monde de l’assainissement des collectivités dans les dernières décennies. En effet, au début de sa carrière, l’assainissement des eaux usées domestiques devait être amélioré car les effluents rejetés étaient non conformes, les réseaux d’égoûts fuyards, le traitement des eaux incomplet, les ouvrages souvent non fiables et l’assainissement individuel était réduit à la présence d’une fosse septique. Il a donc pu voir le développement et l’amélioration de toutes ces infrastructures partout en France. Il a également participé à l’évolution des techniques et des systèmes de traitement. Pendant 17 ans, il a travaillé au sein du laboratoire de recherche de l’AESN situé sur le site d’une des stations d’épuration de l’agglomération parisienne à Colombes.

Suite à la modernisation-extension de cette station d’épuration, Jacques a rejoint le siège de l’agence de l’eau à Nanterre. Il était alors chargé de conseiller les collectivités locales et de leur accorder des subventions pour leurs projets d’assainissement.

Jacques a pu nous parler de changement qu’ont pu apporter les différentes directives européennes sur l’eau, et en particulier celle de 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines. Et oui, car pour la collecte et l’épuration des eaux usées, c’est la commission européenne qui fixe les principales règles. C’est notamment elle qui détermine les niveaux minima de traitements, les délais pour les atteindre et les objectifs de qualités des eaux. Jacques a donc pu nous raconter une période importante de sa carrière professionnelle où la France a été condamnée par la cour de justice européenne pour non-respect des exigences de la directive de 1991 car à l’époque, beaucoup de stations d’épuration restaient sous-dimensionnées, obsolètes ou ne disposaient pas d’un traitement suffisant. Pour éviter l’amende forfaitaire et les astreintes financières qui étaient évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros, il a fallu mobiliser toutes les énergies. Jacques a ainsi participé à de nombreuses réunions au ministère de l’environnement, avec la police de l’eau et ses collègues des directions territoriales des agences de l’eau pour gérer la situation. Il fallait en effet motiver les collectivités ayant des ouvrages d’épuration non conformes à réaliser les travaux et investissements nécessaires dans un délai restreint car tel était l’engagement pris avec la commission européenne pour échapper aux sanctions financières. A cette période, il se rappelle avoir accompagné un commissaire européen à la station d’Achères, ouvrage qui épure une partie des effluents de l’agglomération parisienne. C’est par sa taille, l’une des stations d’épuration les plus importantes au monde et malgré l’importance des travaux de réhabilitation qui se déroulaient sous ses yeux, le commissaire a répété inlassablement tout au long de la journée de visite : « vous avez 15 ans de retard en France ».

Ce sont toutes ces anecdotes et toutes ces histoires qui nous font prendre conscience des efforts et du chemin qui a été parcouru durant les dernières décennies : le développement technologique, les investissements financiers, des milieux aquatiques moins impactés, etc.

Selon lui, le traitement des eaux usées domestiques est en grande partie maîtrisé mais il faut assurer un fonctionnement optimal et un renouvellement régulier du patrimoine existant. Les traitements qui ont pu être mis en place sur la pollution ponctuelle ces quarante dernières années ont permis de grandement améliorer la qualité des cours d’eau. Cette dynamique doit encore se poursuivre aujourd’hui avec notamment la prise en compte des eaux pluviales et la pollution diffuse. A titre d’exemple, il est indéniable que les nitrates et les pesticides retrouvés dans le milieu naturel proviennent de l’agriculture.

Nous avons également beaucoup échangé avec Jacques sur les possibilités de voir des nouvelles solutions d’assainissement émerger. Il est très prudent sur ce sujet sachant par expérience qu’il faut souvent plusieurs décades pour mettre au point un procédé. Les eaux usées urbaines contiennent de la matière organique, des nutriments, des calories…. et il est tentant de vouloir les récupérer, les valoriser (électricité, engrais, chauffage urbain, irrigation avec des eaux de seconde main…). Mais les eaux usées contiennent également des micro-organismes pathogènes, des résidus médicamenteux, des micro-plastiques, des nano particules… Il faut sans doute minimiser les rejets, éviter la dilution de la pollution, valoriser ce qui peut l’être mais il faut bien peser les avantages et les inconvénients de chaque solution. Enfin il ne faut pas oublier de comparer à l’échelle d’un bassin hydrographique l’importance comparée des principales forces polluantes qui s’exercent sur les milieux. Pour un paramètre donné, quel est le poids respectif des pollutions provenant du pluvial, de l’assainissement collectif et individuel des populations, de l’industrie et de l’agriculture ? Un tel exercice est souvent riche d’enseignement tant sur les résultats obtenus que sur le manque de connaissance constaté . Il est important de communiquer et de valoriser ces résultats pour que le maximum de personnes s’emparent du sujet

Sur la question des toilettes sèches, il lui apparaît difficile actuellement de prévoir une large diffusion de cette technique en France. En effet la population est de plus en plus urbanisée, le patrimoine contribuant à la prise en compte des eaux usées domestiques est considérable et difficile à remettre en cause. De plus, bon nombre d’usagers le vivraient comme un « retour à la bougie ». C’est en tout cas ce qu’il explique en se souvenant comme dit la chanson, de la cabane au fond du jardin avant que l’habitation de ses grands-parents ne soit desservie par un réseau d’eau potable. De son point de vue, pour qu’un nouveau système se développe il faut qu’il puisse apporter plus de confort, soit utilisable sans contrainte et sans nuisance pour l’usager et que les coûts d’investissement et de fonctionnement restent raisonnables.

C’était très intéressant pour nous d’avoir un point de vue de ces cinquante dernières années où une grande partie de l’assainissement des collectivités restait à inventer. Le monde de l’eau était suffisamment petit pour tisser des liens avec les différents acteurs qui œuvraient dans ce domaine. Le faible poids des contraintes administratives laissait une grande initiative dans le travail de chacun. Merci à lui d’avoir accepté de témoigner. Nous espérons garder contact à l’avenir !

Cliquez ici pour accéder au site de l’Agence de l’Eau Seine Normandie

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Jean-Pierre Tabuchi

13 Mai 2022

Depuis hier, Nathan a un petit rhume. Ce matin au réveil ça s’est bien aggravé. Il a attrapé une bonne crève. Victor ira seul faire l’interview.

Jean-Pierre habite dans une commune proche de Massy-Palaiseau. Il a bien voulu que l‘on se retrouve dans un café proche de la gare de Massy. On s’installe tranquillement à une table et on commande deux expressos. Entre les clients et la cuisine, il y a un peu de bruit autour. Victor a oublié ses écouteurs. Ils étaient dans la sacoche de Nathan. Il a donc enregistré l’interview par simple analyse des décibels captés par l’enregistreur. Normalement, avec les micros-dynamiques ça devrait aller. Ils devront parler bien proche des micros.

Comment présenter Jean-Pierre ? C’est avant tout un ingénieur. Il a fait ces études dans le domaine de la géologie. A la suite d’un stage, il est embauché à l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). Dans cet organisme, il était d’abord chargé de la mise en œuvre de la politique d’intervention dans le domaine des eaux pluviales avant de prendre en charge le service des aides à l’investissement des grands services publics d’eau potable et d’assainissement au niveau du centre de l’agglomération parisienne. Après avoir beaucoup travaillé avec le SIAAP, il a eu l’opportunité de rejoindre cette collectivité. Le Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP) est aujourd’hui la plus grande collectivité en charge de l’assainissement en France. Historiquement, à Paris, c’était l’ancien département de la Seine qui était en charge de l’assainissement. Puis, la population croissant, ce département a été découpé en 4 départements que l’on connaît aujourd’hui.

Le SIAAP aujourd’hui c’est 9 millions d’habitants, 400 km de réseaux de transport et 6 stations d’épurations. La plus grande étant la station d’épuration d’Achères que l’on nomme aujourd’hui Seine-aval. C’est l’une des plus grandes stations d’Europe avec celle de la ville de Londres.

Station d’épuration Seine-Aval / crédit photo : SIAAP

La particularité de cette situation est la densité de population de ce territoire rapporté au débit du fleuve qui est censé absorber ses excrétas. En effet, en comparaison avec le Rhône, la Seine a un débit 5 fois plus petit. Ce n’est pas un si grand fleuve que cela. La capacité de dilution des effluents traités qui y sont rejetés est donc faible. Les différentes stations d’épuration doivent alors fonctionner le mieux possible. Elles n’ont pas le droit à l’erreur car le moindre dysfonctionnement peut avoir des impacts importants sur le milieu aquatique.

Jean-Pierre est aujourd’hui en charge des questions de prospective au SIAAP. Il a donc une vision globale des enjeux auxquels est confronté cette collectivité. En premier lieu, on y trouve l’accroissement de la population sur le territoire. L’agglomération parisienne ne cesse de grossir et de s’élargir, notamment dans le cadre du Grand Paris. Cela veut donc dire, plus de pollution et de volumes d’eau à traiter sur des stations d’épuration qui sont déjà à la limite de leurs capacités. La crise sanitaire soulève une question : aura-t-elle un impact sur cette évolution démographique ?

A cela s’ajoute le changement climatique qui va avoir pour effet de diminuer le débit de la Seine, en particulier en période estivale. Les effluents rejetés par les stations vont donc avoir un impact encore plus important à l’avenir.

Et puis, comme pour tous les domaines, le SIAAP engage depuis longtemps une réflexion sur l’empreinte carbonée de ses activités. Certains procédés de traitement rejettent du N2O, un gaz à l’effet de serre important. De plus, l’ensemble du système d’assainissement consomme de l’énergie en particulier pour les procédés d’aération et les pompes de relevage. Ces dépenses énergétiques ont également un impact en matière de climat. Aujourd’hui, grâce à sa production biogaz, le SIAAP dispose d’une autonomie énergétique importante : plus de la moitié de ses besoins énergétiques sont ainsi couverts. Le SIAAP est en train de revoir le modèle énergétique du traitement des boues sur ces stations afin de valoriser son biogaz en biométhane.

Avec Jean-Pierre, nous avons eu une discussion très technique que l’on tâchera de vulgariser dans le podcast. Nous avons pu échanger sur les principaux impacts de l’assainissement sur le milieu naturel, l’histoire du SIAAP et le développement des différents traitements, la séparation à la source, le principe de neutralité carbone et d’autonomie énergétique, les installations présentes dans un système d’assainissement, etc.

C’est l’une des rares collectivités en France à être intéressé par la séparation à la source des urines et des matières fécales. A terme, la réflexion du SIAAP serait de développer ce type d’assainissement sur les nouvelles habitations. Cela leur permettrait de soulager leurs stations d’épuration et de ne pas avoir à les agrandir. En effet, en commençant à séparer les urines, les quantités d’azote et de phosphore arrivant en station seront d’abord stabilisées avant de décroître. Les procédés n’auront donc pas à être adaptés.

A notre grand étonnement, à la question « Quel est pour vous le système d’assainissement le plus écologique ? », Jean-Pierre a répondu : « si je vous donne une réponse facile, ça serait la toilette sèche évidemment. ».

C’est assez intéressant pour nous de découvrir que des professionnels de l’assainissement considèrent avec intérêt des systèmes alternatifs comme la toilette sèche. Toutefois, ces collectivités ont réalisé des investissements immenses dans le tout-à-l’égout.. C’est difficile d’imaginer changer rapidement un système qui a tout de même permis l’assainissement des villes et la reconquête de la qualité de la Seine et de ses affluents. Le temps du renouvellement urbain est le temps d’évolution de ces infrastructures.

En fin d‘interview, Jean-Pierre nous conforte dans l’idée que notre démarche est pertinente. Il souhaiterait que l’on rédige un rapport ou un document de synthèse sur les différents sujets que l’on traite dans notre voyage. Selon lui, on aurait tout intérêt à l’écrire en anglais. Ça lui permettrait de le diffuser aux partenaires européens avec lesquels il travaille.

Ce n’était pas prévu dans notre programme. Nous avions simplement prévu de réaliser un podcast mais l’idée est séduisante. Nous allons y réfléchir.

Cliquez ici pour accéder aux différentes publications de Jean-Pierre

Cliquez ici pour accéder au site du SIAAP

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Renaud Piarroux

12 Mai 2022

Victor a connu le professeur Piarroux au travers d’une vidéo sur la chaîne youtube Thinkerview. C’est au culot qu’il s’est permis de contacter cet épidémiologiste et de lui proposer que l’on se rencontre. Renaud Piarroux a tout de suite répondu favorablement. Notre initiative lui a plu sans doute.

Nous avons rendez-vous dans l’hôpital la Pitié-Salpêtrière. C’est un vrai symbole pour notre aventure de venir ici. Avant d’être un hôpital, ce lieu était une usine de production d’explosif et d’armes à base de salpêtre. Cette substance, riche en phosphore, pouvait avoir de nombreuses origines différentes. L’une d’entre elles était les urines.

Nous nous rendons au 4ème étage du pavillon Laveran, où se situe le service parasitologie-mycologie. Le professeur Piarroux nous apprend que c’est là qu’a été examiné et prélevé le malade à l’origine de l’isolement et de l’identification du virus du sida par l’Institut Pasteur. C’est dans son grand bureau que nous avons rendez-vous.

Renaud Piarroux est épidémiologiste. Il est une référence mondiale en matière d’épidémie de choléra. On peut même le définir comme éco-épidémiologiste. C’est à dire qu’il étudie les facteurs de l’environnement (au sens large) qui ont un impact sur le développement des épidémies. Il a pendant longtemps travaillé bénévolement pour médecins du monde. Il s’est donc déplacé sur le terrain sur des situations d’urgence. Et oui, car dans le monde, un grand nombre de personnes sont encore sujettes à des maladies dont l’origine peut provenir des matières fécales.

Interview dans le bureau du Pr.Piarroux

En 2010 il est mandaté par le ministère de la santé d’Haïti pour aller étudier l’apparition et le développement d’une épidémie de choléra en Haïti. C’est son travail qui a permis de soulever un scandale international sur les missions de maintien de la paix. En effet, à l’époque, l’ONU avait envoyé un nombre important de casques bleus. Une partie de ceux-ci venaient du Népal, un pays dans lequel sévissait une épidémie de choléra. Le système d’assainissement de ce camps de casque bleu était défectueux. Les matières étaient rejetées directement à la rivière et ont contaminé les populations situées en aval. Une épidémie de choléra s’est alors propagée sur l’ensemble du pays. C’est le travail de Renaud Piarroux qui a permis d’identifier l’origine de l’épidémie. Un scandale international a suivi ces résultats, qui a obligé le secrétaire général de l’ONU a présenter ses excuses au peuple Haïtien. Toute cette histoire est racontée en détail dans un magnifique podcast sur France culture : «  mécaniques des épidémies ».

Le professeur Piarroux est grand et a une voix calme mais bien ancrée qui indique qu’il sait ce qu’il dit . Il manie l’humour avec aisance. Autant vous dire que nous sommes très impressionnés d’être là en face de lui à l’interviewer. Après une brève présentation de notre initiative, nous commençons à poser les premières questions. Nous avons 1 heure devant nous. Nous avons parlé : des principales maladies pouvant provenir de contaminations fécales, les voies de contamination, les épidémies qui ont pu avoir lieu en Europe avant, l’état de l’assainissement en France et dans le monde, les enjeux sanitaires actuels liés à l’assainissement, les antibiotiques et perturbateurs endocriniens présents dans l’eau, comment agir en situation d’urgence, des différences entre urines et matières fécales, etc.

C’était très intéressant d’avoir le point de vue d’un professionnel du monde de la santé sur l’assainissement. C’est une autre approche. Nous avons démarré ce voyage en étant orienté sur les questions écologiques mais il est très important de rappeler que le premier enjeu de l’assainissement est avant tout d’empêcher la propagation des maladies.

Cliquez ici pour accéder au passage du professeur Piarroux dans l’émission Thinkerview

Cliquez ici pour accéder au podcast de France Culture « Mécaniques des épidémies »

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Mathilde Besson

12 Mai 2022

Il s‘en est fallu de peu pour que l’on rate Mathilde sur Paris. Elle navigue aujourd’hui entre Toulouse et la capitale. Nous l’avions déjà manqué une fois en territoire toulousain. Cette fois-ci, il fallait absolument que l’on tombe la bonne semaine. En effet, Mathilde travaille à mi-temps en post-doc à l’INSA Toulouse et à mi-temps au sein du bureau d’études Le sommer Environnement.

Elle nous reçoit dans leurs locaux près de la Bastille. Après une brève visite des bureaux, nous allons dans la salle de réunion située au sous-sol. Malgré son caractère enterrée, il y a une belle lumière. C’est un bel endroit pour prendre des photos. Nathan mène la discussion. Victor est à la technique. L’interview peut démarrer.

Interview dans le sous-sol du Sommer Environnement

Commençons par présenter Mathilde. Elle a réalisé son parcours d’ingénieur au sein de l’INSA de Toulouse. Ensuite, elle a eu l’occasion de réaliser une thèse au sein du Toulouse Biotechnology Institute (TBI). Sa thèse, elle la réalise dans le cadre des projets MUSES et DESIGN. Ces deux programmes de recherches visent à modéliser différents scénarios d’assainissement à l’échelle d’un quartier suivant plusieurs échelles de densité de l’habitat.

En effet, lorsque l’on part de la feuille blanche, un nombre important de systèmes d’assainissement peuvent être imaginés sur un quartier en construction. Le plus répandu est le raccordement au réseau public et l’envoi des effluents en station d’épuration. Néanmoins, Mathilde a souhaité tester d’autres possibilités telles que : la séparation et la gestion des urines sur place tout en envoyant les autres effluents en station de traitement ou bien encore la mise en place d’un réseau d’assainissement sous vide pour les eaux noires provenant des toilettes. Pour ce dernier système, ce n’est plus l’eau qui sert de moyen de transport mais l’air. Les réseaux sont sous vide et les effluents sont aspirés jusqu’à la station de traitement. Cette technologie a notamment été expérimentée en Allemagne et aux Pays-bas. Toutefois, elle est peu présente en France, si ce n’est dans nos trains SNCF.

L’objectif final de ces modélisations était la comparaison économique mais surtout environnementale de ces différentes solutions. C’est notamment par une Analyse de Cycle de Vie (ACV) que Mathilde a pu distinguer les avantages et inconvénients de ces solutions techniques. Dans tous les zones d’habitat moins denses (pavillonnaires), il est intéressant d’observer que la pose et l’entretien de réseaux enterrés est le principal poste d’émission de C02 d’un système d’assainissement. Ce résultat amène à penser que, d’un point de vue environnemental, il est plus intéressant de recourir à des systèmes décentralisés. Mais c’est surtout la valorisation de l’azote qui permet les plus grand bénéfices : en limitant les émissions directes dans l’air au niveau de la station et en permettant d’éviter le production d’engrais azotés fortement consommateur de gaz naturel.

En parallèle, l’équipe de recherche de l’INSA Toulouse cherche à développer des procédés d’extraction des nutriments présents dans nos eaux usées. A l’inverse des méthodes sur lesquelles travaillait Tristan Martin chez OCAPI (cf article Tristan Martin), les procédés d’extraction sont des traitement implantés au sein des stations d’épurations pour isoler des nutriments tels que l’azote ou le phosphore. Le procédé testé par l’INSA fait actuellement l’objet d’une autre thèse. Il s’agit d’un système de filtration membranaire qui demande actuellement trop d’énergie au regard des quantités de nutriments récoltés. Cela rejoint également notre rencontre avec l’entreprise MAANEO basée à Toulouse qui développait un procédé d’extraction du phosphore.

Tout comme Bernard de Gouvelo, Mathilde nous a apporté un regard plus nuancé sur sa vision de l’évolution de l’assainissement dans les années à venir. Il lui semble aujourd’hui délicat de mettre de côté tous les réseaux d’assainissement et leurs stations d’épuration. C’est un patrimoine colossale qui a notamment son utilité. Elle imagine plus facilement la mise en place de systèmes mixtes où la station de traitement deviendrait une station de valorisation. C’est dans le changement de paradigme de ces ouvrages que se trouve la véritable révolution des toilettes selon elle.

En parallèle de ses activités de recherches, Mathilde accompagne des projets d’installation de système de séparation à la source des urines à l’échelle de bâtiment tertiaire avec Le Sommer Environnement. On espère que les demandes ne feront qu’augmenter et que ces systèmes se généraliseront pour la construction de bâtiments neufs !

Merci à elle d’avoir pris le temps de nous expliquer ses travaux de recherches.

Cliquez ici pour accéder à la thèse de Mathilde Besson

Cliquez ici pour accéder aux différents travaux du projet Design

Cliquez ici pour accéder au site de Le Sommer Environnement

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Sandrine Potier – FNCCR

11 Mai 2022

Après notre matinée à Champs-sur-Marne, nous enchaînons rapidement avec le RER pour rejoindre les locaux de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR). Sandrine Potier nous accueille chaleureusement. Sa collègue est même venue nous dire simplement bonjour et nous dire que notre projet lui plaisait beaucoup. En effet, on découvre que toute l’équipe « cycle de l’eau » de la FNCCR nous suit depuis le début sur les réseaux sociaux. C’est très encourageant de la part de tous ces gens qui suivent les politiques de l’eau en France depuis de nombreuses années déjà.

Et oui, car la FNCCR, comme son nom l’indique, est un regroupement national de collectivité. C’est l’organisme qui représente les collectivités territoriales en France sur les thématiques de l’eau, de l’énergie, des déchets, et du numérique. Son rôle ? Suivre les évolutions réglementaires et défendre les intérêts des collectivités auprès de l’état. Elle s’attache également à alerter l’état des différentes remontées qu’ils peuvent avoir du terrain. Le dernier exemple en date concerne les pénuries sur les produits chimiques utilisées au sein des stations d’épuration. En effet, certains traitements nécessitent l’ajout de produits chimiques. Ces derniers sont généralement fabriqués à l’étranger. Avec la guerre en Ukraine et l’augmentation du coût de l’énergie, les collectivités compétentes en assainissement voient leurs charges d’exploitation exploser. C’est l’une des nombreuses dépendances que nous pouvons avoir avec nos voisins.

Interview de Sandrine Potier dans les sous-sols de la FNCCR

C’est un petit retour au source pour Victor. En effet, lorsqu’il était salarié au Syndicat Interdépartemental de l’Eau Seine Aval (SIDESA), il est venu à plusieurs occasions suivre des formations à la FNCCR avec Sandrine Potier notamment.

Nous nous installons dans une salle de réunion au sous-sol du bâtiment. Sandrine Potier nous accorde plus d’une heure et demie de discussion c’est passionnant. Elle a travaillé pendant 10 ans au sein d’une collectivité avant d’arriver à la FNCCR. Aujourd’hui, elle est en charge des sujets liés à l’Assainissement Non Collectif (ANC) et la gestion des eaux pluviales. Nous avions prévu toute une série de questions à lui poser. Nous cherchons à récolter de la matière sonore pour expliquer concrètement et le plus simplement possible le fonctionnement du système d’assainissement actuel. Sacré challenge pour Sandrine !

Nous avons ainsi pu parler de : l’histoire de la réglementation française en matière d’assainissement, de méthanisation, de séparation à la source, de réseaux unitaires et séparatifs, de l’obligation de raccordement, de l’impact de l’assainissement sur les milieux naturels, de gouvernance de la gestion de l’eau en France, etc.

L’interview fût riche. Elle nous a permis de cerner le positionnement actuel des collectivités vis à vis des nouvelles solutions et technologies qui apparaissent ces dernières années. Nous sommes ravis d’avoir été si bien reçu par la FNCCR. En partant, Sandrine nous a même évoqué la possibilité que l’on intervienne lors d’un congrès ou d’une journée thématique pour faire un retour sur notre tour de France à vélo.

Cliquez ici pour accéder au site de la FNCCR

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Bernard de Gouvelo

11 Mai 2022

Mercredi matin, retour à la case départ. On retourne à l’école des Ponts et chaussées à Champs-sur-Marne. Le LEESU draine un grand nombre des chercheurs qui travaillent sur nos thématiques. Plusieurs personnes nous ont recommandé d’aller échanger avec Bernard.

Petits écriteaux de sensibilisation sur les toilettes de l’école des Ponts. A gauche, entre les urinoirs on peut lire : « boutons d’ouverture des cycles biogéochimiques « . A droite : un rappel qu’au bout du cycle des eaux usées, il y a la mer.

Il nous donne rendez-vous dans son bureau, à l’étage de l’équipe de recherche OCAPI (cf article précédent).

On comprend assez vite que Bernard est fan de notre démarche. Il s’est pas mal déplacé à vélo plus jeune. Il était parti voyager dans le sud de la France ainsi qu’en Belgique et aux Pays-bas. D’ailleurs, à l’époque, les pays-bas étaient les seuls à avoir développé autant d’infrastructures pour les cyclistes. Le devant de la gare d’Amsterdam était déjà, dans les années 90, plein de garage à vélo.

Bernard a un parcours assez particulier. C’est un ingénieur de formation. Il a effectué l’école Centrale Lille. D’une forte sensibilité pour les sciences sociales, il a fait le choix d’aborder la technique sous l’angle de la sociologie. Il a réalisé sa thèse sur : les différents modèles de gestion  de l’eau et l’assainissement en Argentine. Depuis de nombreuses années maintenant, il s’est spécialisé sur les méthodes alternatives de gestion des eaux pluviales.

Interview de Bernard de Gouvelo dans son bureau

Bernard est quelqu’un de très humble. Il ne vous le dira pas mais il s’agit d’un chercheur référent en matière de gestion des eaux pluviales en France. Ces recherches ont notamment permis de populariser leur réutilisation. Pendant longtemps, les eaux pluviales étaient un peu le parent pauvre de la gestion de l’eau. Du moment qu’il n’y a pas d’inondation, peu de gens s’en soucient. De plus, l’utilisation des eaux issues de la toiture directement au sein d’un bâtiment n’a pas fait l’objet d’une réglementation avant 2008. Ces usages sont encore aujourd’hui très réglementés et peu répandus. La réglementation française ne favorise pas ce type d’installation sur la base du simple principe de précaution. En effet, en France, on préfère utiliser de l’eau potable pour tous nos usages par peur des risques de contamination. Au cours de sa vie, Bernard a notamment été impliqué dans les travaux de l’Association Scientifiques et Techniques de l’Eau et de l’Environnement (ASTEE). Dans cette structure, il s’est attaché, avec d’autres, à définir des règles techniques facilitant la réutilisation des eaux pluviales.

Avec Bernard, nous nous sommes questionnés sur la pertinence de réutiliser les eaux pluviales au sein des maisons. Sur le sujet, il a notamment dirigé une thèse dont l’ambition était de modéliser la quantité d’eau pluviale que l’on peut récolter sur l’agglomération parisienne et quels besoins peut-elle couvrir. Ce n’est pas une question évidente mais l’enjeu est gigantesque dans le contexte actuel de réchauffement climatique (accroissement des canicules et périodes de sécheresses).

Bernard nous a également fournit une analyse intéressante de l’évolution des techniques et technologies à travers le temps en matière d’assainissement. Nous avons également eu l’occasion d’aborder la question majeure du confort. Et oui, car qu’est ce que le confort ? Comment permettre aux usagers de se réapproprier la gestion de leurs matières ? Faut-il qu’ils/elles se les réapproprient ? Un grand nombre de question auxquelles peu de gens ont de réponses.

Nous avons vraiment aimé l’interview de Bernard. C’est quelqu’un de très nuancé dans ses propos. Cela nous apporte un autre son de cloche sur ce que nous avons pu entendre jusqu’ici. On en ressort avec 1000 autres questions.

On quitte ensuite son bureau pour rejoindre Louise devant l’université Gustave Eiffel. On avait déjà rencontré Louise à Paris avant de partir à vélo mais nous avions pas eu suffisamment de temps pour tout aborder. On est super content de la retrouver ! Quand on arrive, elle est justement en train de peindre une cabine de toilette sèches que l’université a installé à côté d’une cafétéria. La cabine a été fabriquée par l’entreprise Toilettes&co (cf article précédent). Elle est conçue de manière à être un lieu de démonstration et de sensibilisation pour les étudiant.e.s.

Cette cabine est un super outil de sensibilisation grâce aux peintures explicatives

Avec Louise, nous avons donc pu visiter ces nouvelles toilettes publiques et échanger sur le projet Enville qu’elle développe. C’est passionnant ! Nous vous raconterons tout cela en détail dans le podcast.

Interview dans les toilettes
Le cabinet est très esthétique (modèle tapis roulant)

Malheureusement nous n’avons pas le temps de déjeuner avec l’équipe d’OCAPI. Nous reprenons vite le RER pour rejoindre les Invalides, notre prochain rendez-vous avec la FNCCR (voir prochain article).

Cliquez ici pour découvrir les travaux de recherche de Bernard de Gouvelo

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Monique Eleb

9 Mai 2022

Notre arrivée à Paris se fait en train depuis Rouen. Le wagon est plein à craquer mais nous réussissons tant bien que mal à trouver une place pour nos vélos. Les TER sont en réalité équipés pour les personnes qui vont au travail en cyclo. Les compartiments réservés au vélo sont donc relativement petits, ce qui nous contraint à enlever et détacher toutes nos sacoches à chaque fois.

Sur le quai de la Gare Saint-Lazare, nous slalomons entre les voyageurs. Nous sommes sur le qui-vive pour traverser Paris-centre et rejoindre le 15ème. Nous passons devant la Tour Eiffel. Dans notre quartier, nous croisons des personnes connues telles que Greg Guillotin et Joe Star. La vie parisienne commence. Elle durera 1 semaine.

Arrivée à Paris !

Après avoir déposé nos affaires et nous être rapidement installés dans l’appartement que nous prêtent gentiment nos amis, nous prenons le métro en direction du boulevard de Sébastopol. Là-bas, nous avons rendez-vous avec Monique Eleb.

Elle nous accueille chez elle, dans un vieil appartement Haussmannien, dans son bureau. C’est de là qu’elle travaille et écrit tous ses livres. Monique a 76 ans. Elle se présente comme socio-historienne de l’architecture. En effet, elle démarre des études de psychologie à l’université Paris-Sorbonne. C’est au travers d’un job étudiant qu’elle commence à s’intéresser à l’architecture. A l’époque, elle a pour mission de réaliser une bibliographie sur un sujet d’architecture. Elle se plonge complètement dedans et décide par la suite de réorienter ses études.

Elle devient rapidement chercheuse à l’institut de l’environnement, le premier laboratoire français à travailler sur l’histoire de l’architecture. Son sujet ? L’architecture domestique ou architecture de la vie privée et la généalogie de l’habitat. Elle fondera plus tard avec Jean-louis Cohen le laboratoire Architecture, culture et société du 19ème au 21ème siècle. Ce laboratoire est aujourd’hui rattaché au CNRS. Au cours de sa vie, Monique a écris de nombreux ouvrages dont le plus connu est « Architecture de la vie privée ». Dans ses ouvrages, elle essaie de vulgariser au maximum les concepts qu’elle développe pour rendre la connaissance accessibles à toutes et à tous.

Interview de Monique Eleb dans son appartement Boulevard Sébastopol

Au-delà de ses activités de recherches, Monique a donné de nombreux cours dans l’enseignement supérieur et notamment dans les écoles d’architectures de Paris-Villemin et Paris-Malaquais. Elle est également membre du conseil scientifique du Grand Paris (projet d’extension de la mégalopole parisienne) et a travaillé pendant plusieurs années sur la création de la ville nouvelle de Casablanca au Maroc.

Avec elle, nous avons ainsi pu échanger sur : l’évolution historique des notions d’hygiène et de confort, la perception des odeurs au cours du temps, l’apparition des premiers cabinets de toilette et WC dans les maisons, la place que prennent ces deux pièces au sein de l’habitat, l’attribution des pièces en fonction des genres, etc.

Cette discussion fût très intéressante. Elle nous a apporté une autre vision, et un autre point de vue sur la manière dont le rapport aux toilettes et à l’hygiène a évolué au cours du temps dans la société française. Merci à Monique d’avoir répondu à notre sollicitation.

Avant de partir, Monique nous fait comprendre qu’elle est ravie que des ingénieurs comme nous développent un esprit critique sur les techniques utilisées dans leur domaine et s’empare des sciences sociales pour essayer d’en comprendre les enjeux humains. Merci à elle ! C’est dans ces moments là que notre démarche prend tout son sens.

Cliquez ici pour découvrir les travaux de Monique Eleb

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François Garnier – Compost’Tout

3 mai 2022

Hier soir, nous avons dormi à Saint-Méloir des ondes chez la tante de Victor. Nous décollons tranquillement vers 11h. 1h de vélo nous suffit pour rejoindre Dol-de-Bretagne. François nous accueille chez lui au sein de l’habitat participatif l’Ôôôberge. On s’installe sur une table près du jardin. Il a prévenu ses voisins de notre arrivée. Petit à petit, plusieurs d’entre eux nous rejoignent pour boire le café et échanger avec nous au soleil. C’est étonnant de convivialité !

L’Ôôôberge est un projet d’habitat participatif qui date de 2013. Cette cinquantaine d’habitants vient d’aménager au mois de septembre dans 23 logements répartis sur 3 bâtiments. Mais pourquoi autant de temps ? Tout simplement car il s’agit d’une initiative innovante et complexe. Tout d’abord, il a fallu trouver le terrain. Au début l’ancien collège de Dol était visé. Finalement, le maire en a décidé autrement. C’est une maison de retraite qui s’y est fait à la place. Le collectif repère un ancien restaurant routier avec une parcelle composée d’un grand parking. Cette fois-ci ça sera la bonne. 

François Garnier
François nous explique le système de toilettes sèche qu’il va installer à l’Ôôôberge

La seconde étape pour le collectif a été de trouver un bailleur social intéressé pour les suivre. En effet, depuis le début, l’Ôôôberge souhaite créer un habitat participatif dans lequel on retrouverait des logements sociaux. C’est la grand particularité de ce projet : une volonté très forte de mixité sociale. Par chance, ils identifient un bailleur motivé et qui est réellement intéressé par le projet. Ce dernier est même d’accord pour mettre en place un « Prêt Social Location Ascession » (PSLA). C’est à dire de laisser, pour certains logements la possibilité pour les habitant.e.s d’acheter l’appartement dans un délai de 3 ans après installation dans le bâtiment. Après avoir établis les principes du partenariat avec le bailleur social, s’ensuit toute la réflexion concernant la conception des bâtiments. Les architectes désignés par le bailleur n’ont finalement pas l’habitude de ce type de projet. Ils doivent apprendre à concevoir en fonction des besoins des habitant.e.s. C’est alors qu’ont lieu des heures de discussions sur les envies et besoins de chacun. Comment satisfaire tout le monde ? En effet, au début, chacun souhaitait un appartement en rez-de-chaussée avec une terrasse donnant sur le jardin partagé. Fondamentalement, c’est impossible. Débat et compromis ont finalement permis de faire avancer le projet.

Aujourd’hui, très peu d’appartements se ressemblent. Le collectif a dû essuyer quelques plâtres dans la conception avec notamment les Architectes et Bâtiments de France (ABF) qui ont interdit les toits plats et obligé la mise en place de ganivelles sur les coursives extérieures pour une meilleure intégration en centre-ville.

Et oui, centre-ville ! Car le collectif est principalement composé d’urbains qui se projetaient dans une ville plus petite mais qui souhaitaient garder certaines commodités de l’urbain. Ils sont aujourd’hui très proches du centre bourg et peuvent pratiquement tout faire à pied ou en vélo. Dol-de-Bretagne possède une gare avec des trains réguliers vers Paris ou Rennes. Nombre d’entre eux travaillent à Rennes par ailleurs.

En quoi l’Ôôôberge est un habitat participatif ? Certains habitant.e.s sont propriétaires, d’autres sont simplement locataires, aucune distinction n’est faite dans les usages des parties communes. Car oui, il y a des parties communes : le jardin, la buanderie, le poulailler, les garages, les parkings vélos, ainsi qu’un bâtiment (ancien restaurant routier). En matière de mixité sociale, le pari est plutôt réussi puisqu’il y a une partie des logements en HLM et une grande diversité de profil parmi les habitants : des enfants, des jeunes, des personnes âgées, des retraitées, des personnes en situation de handicap, des femmes, des hommes issu.e.s de différents horizons professionnels. Tous.tes les habitant.e.s sont impliqué.e.s dans la gestion de la vie commune. Pour cela, le collectif se réunit au minimum 1 samedi par mois pour échanger sur les sujets à l’ordre du jour. En plus, quelques personnes peuvent se réunir au cours de la semaine pour travailler ensemble en commission sur un sujet précis. Chaque commission rapporte ensuite en plénière le fruit de son travail.

Pourquoi sommes-nous allés les rencontrer ? Tout simplement car le collectif souhaite mettre en place des toilettes sèches dans une partie des appartements. Leur objectif : installer des toilettes à séparation à la source faisant appel à la technologie de la marque Ecodomeo, le séparateur en forme de tapis (cf article ecodomeo). Pour cela, le collectif s’est fait accompagner par l’entreprise Ecosec (cf article Ecosec) pour concevoir tout le système. En première approche, l’Ôôôberge avait imaginé positionner les toilettes des appartements sur un mur donnant sur l’extérieur de manière à faire traverser le tapis pour qu’il fasse tomber les matières fécales dans une colonne de chute. Ces matières auraient alors atterris dans un composteur situé au sous-sol des bâtiments.

Le problème ? Le terrain sur lequel sont construits les bâtiments est plutôt marécageux. Les fondations ont donc été très compliqué à réaliser. Les bâtiments sont positionnées sur pilotis enfoncés à plus de 20m de profondeur. Ils étaient donc impossibles de réaliser des caves au sous-sol. Le collectif a ainsi dû changer son fusil d’épaule. Les appartements sont tous équipés de toilettes à eau pour le moment. Petit à petit, chez les habitant.e.s les plus motivés, des toilettes sèches vont être installées. Elles comprendront un tapis séparatif qui collectera les urines à l’avant et les enverra dans un réseau séparatif d’urine. Ce réseau avait été conçu dès l’amont de la construction. Les urines rejoindront ainsi des cuves enterrées placées à proximité des bâtiments. Les cuves seront ensuite vidées par le lycée agricole de Dol-de-Bretagne et épandues directement dans les champs. Les matières fécales retomberont quant à elles à l’arrière du tapis dans un bac en plastique possédant un fond de sciure. Une fois plein, le bac sera collecté par un salarié de l’association Compost’tout et emmener en plateforme de compostage. Bien évidemment, pour ce qui concerne les eaux ménagères, l’Ôôôberge s’est raccordé au réseau d’assainissement collectif. La loi les y oblige.

Les habitant.e.s de l’Ôôôberge ont ainsi fait le choix de payer un prestataire pour la gestion de leur système d’assainissement. Ça tombe bien, François a créé compost’tout et est lui-même habitant de l’Ôôôberge. C’est donc lui qui viendra vider les bacs régulièrement et sera le gestionnaire du système dans son intégralité. Pour le moment, les habitant.e.s se sont entendu.e.s sur les prix avec l’association Compost’tout de manière à ce que chaque usager paie autant que s’il avait des toilettes à eau. Les économies financières faites sur l’économie d’eau (pas de chasse d’eau) correspondront au prix de la collecte des matières par Compost’tout. Il faut savoir ici que le prix de l’eau potable à Dol-de-Bretagne était l’un des plus chers en France.

François va donc récupérer les matières de ses voisins. Ce n’est pas évident. Il réfléchit donc actuellement à affiner la conception du caisson de la toilette sèche de manière à ce que :

– les dimensions soient les bonnes pour la pièce des toilettes ;

– le volume soit suffisamment grand pour lui éviter trop d’interventions ;

– les manipulations à réaliser soient les plus faibles ;

– l’étanchéité soit parfaite afin d’éviter les odeurs ;

– le contact visuel direct avec les matières des usagers n’existe pas lors de la manipulation des différents compartiments.

Il réfléchit également à concevoir toute la procédure d’intervention chez l’usager de manière à respecter les points cités précédemment. Il expérimente toutes les possibilités chez lui pour le moment ainsi qu’au tiers-lieu la Zuut où il possède son bureau.

Après la visite de l’habitat participatif et les échanges avec les habitant.e.s, François nous amène visiter un autre habitat collectif situé sur la commune voisine. Il s’agit du lieu « la Bigotière ». Un tout autre contexte avec de tout autres objectifs. N’hésitez pas à aller voir leur site. Ils réalisent fréquemment des chantiers participatifs si cela vous intéresse.

L’habitat participatif « la Bigotière »
Un jardin plein de vie !

Nous sommes ensuite allés découvrir le tiers-lieu la Zuut. De nombreuses structures y sont présentes :

  • Des idées pleins la terre : association de sensibilisation, d’éducation et d’accompagnement des collectivités sur les questions d’alimentation, de biodiversité et d’environnement au sens large ;
  • la petite recyclerie : un petit espace libre de don et d’échanges ;
  • l’Epok : une entreprise d’accompagnement à la création et l’installation d’habitats participatifs ;
  • des auto-entrepreneurs en tout genre tel qu’une personne qui redonne une seconde vie aux appareils numériques ;
  • Compost’tout : association de développement du compostage des déchets organiques.

Nous ne détaillerons pas chaque structure ici. Nous parlerons uniquement de Compost’tout qui est la structure de notre hôte. Créée en 2018, l’association est composée pour le moment d’un unique salarié et d’un conseil d’administration. François est maître composteur. Après avoir réalisé de nombreux boulots différents dont celui de chauffeur autoroutier dans la Meuse, il décide de se lancer dans le compostage. Pour démarrer, il créé un partenariat avec une propriétaire d’ânes. Pour marquer les esprits, il décide d’aller collecter les déchets organiques des différents restaurateurs de Dol-de-Bretagne tous les mercredis avec un âne, César. François se fait alors appeler Jules. C’est donc le duo Jules – César qui collecte et valorise la matière organique à Dol. Ce n’est évidemment pas rentable mais cela lui fait un bon coup de pub !

Visite du tiers-lieu la Zuut

Sur demande des collectivités, s’est mis en place l’installation et l’animation de composteurs de quartier. Il forme ainsi les habitant.e.s à leur utilisation. Pour chaque zone de compostage, il désigne « un.e référent.e de site » qui est responsable de la bonne gestion de la zone. Aujourd’hui plus de 34 aires de compostage ont été mises en place à l’échelle de la Communauté de Communes du Pays de Dol et de la Baie du Mont Saint-Michel. Il anime donc tout un réseau de référent.e.s de site. Il les fait se rencontrer et échanger entre eux sur leur pratique.

Nous terminons la journée par la visite de sa plateforme de compostage. En effet, le partenariat avec la communauté de communes s’étant accentué, la collectivité lui a aménagé une place au sein de la déchetterie pour qu’il puisse faire une aire de compostage. Avec les déchets organiques qu’il collecte auprès des restaurateurs, François arrive aujourd’hui à produire quelques mètres cubes de composte qu’il revend tant bien que mal. Il vient d’obtenir l’agrément ASQA lui permettant de certifier son compost. Aujourd’hui, François n’a plus le temps de réaliser à la fois la partie administrative et la partie technique des activités de l’association. Celle-ci cherche donc à recruter quelqu’un dans les mois qui viennent. Cela lui permettra de se focaliser sur ce qu’il aime, le métier de technicien. De plus, l’association a de beaux jours devant elle puisqu’au 1er janvier 2024, tous les organismes de restaurations devront obligatoirement recycler leurs déchets organiques.

Visite de la plateforme de compostage géré par François
Un bon tas de compost qui attend une dernière étape de maturation

Un grand merci à François pour ces discussions passionnantes. Une chose nous a vraiment impressionné chez tous les habitant.e.s de l’Ôôôberge, c’est qu’ils ont développer une forme de tolérance extrême ! On sent que les habitant.e.s se sont bien appropriés les outils de vie en collectif. C’est très inspirant d’avoir pu rencontrer toutes ces personnes aux compétences humaines et sociales immenses. Longue vie à l’habitat participatif ! Longue vie à l’Ôôôberge !

Cliquez ici pour accéder au site de l’Ôôôberge

Cliquez ici pour accéder au site de Compost’tout 

Cliquez ici pour accéder au site du tiers-lieux la Zuut

Cliquez ici pour accéder au site de la Bigotière

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Annie Guernion & Elise Garnier

2 Mai 2022

5 jours de pause à Coëtieux dans la famille bretonne de Victor. Un accueil en musique à Loudéac, une soirée galette pour apprendre à manier le billig et des retrouvailles avec les cousines et le petit frère.

Nous voilà reparti en direction de Saint-Brieuc afin de rejoindre la côte nord de la Bretagne. Nous traversons le magnifique village médiéval de Moncontour. Une course de vélo de descente y est organisée. Les spectateurs nous encouragent à passer et sauter les structures avec nos vélos. Nous déclinons poliment en répondant qu’avec nos vélos chargés, nous risquerions de battre les records de vitesse.

Accueil à l’accordéon à Loudéac
Passage au dessus du canal de Nantes à Brest

On se fait un peu surprendre par l’aspect vallonné de la Bretagne. On se retrouve rapidement à faire du dénivelé. ça nous fait les cuissots ! En fin d’après-midi, nous arrivons à Hillion chez Elise et Alex ou plutôt dans la maison de leurs amis. Ils y ont habité tout l’hiver le temps que leur maison en rénovation soit vivable. Comme par hasard, nous débarquons chez des passionnés du voyage à vélo. Elise et Alex sont partis de Bretagne pour faire une tour d’Europe en vélo sur 1 année entière. Comme nous, ils avaient en tête de partir à la découverte des différentes formes d’assainissement écologique. Vous trouverez le lien de leur blog en bas de l’article. Aujourd’hui, ils se déplacent toujours autant à vélo. Elise est même bénévole dans un forum du voyage à vélo (Osez partir à vélo!) qui est organisé à Saint-Brieuc tous les 2 ans. Les amis qui leur ont prêté la maison sont en ce moment même en vélo au Maroc, dans l’Atlas. Pas de doute, quand on observe la décoration de leur maison, ce sont bien des fans absolus de cyclotourisme.

Elise est technicienne de la fonction publique territoriale. Elle a travaillé pendant longtemps au SATESE (Service d’Assistance Technique à l’Exploitation des Stations d’Epuration) du Conseil Départemental des Côtes-d’Armor (CD22). Son rôle ? Conseiller et accompagner les collectivités sur la gestion de leurs systèmes d’assainissement collectif et en particulier sur le fonctionnement de leurs stations d’épuration. Elle a pu donc pu nous partager sa vision de l’assainissement collectif dans un territoire sous pression où l’assainissement est un enjeu important. En effet, les cours d’eau et littoraux des Côtes d’Armor sont déjà largement saturés en azote du fait de l’élevage intensif et de l’agriculture industrielle, ce qui entraîne notamment pour la partie très visible, la prolifération d’algues vertes. En se développant, les algues vertes vont appauvrir les milieux aquatiques et déséquilibrer les écosystèmes, menant à la disparition de nombreuses espèces. De plus, en se décomposant, ces algues libèrent de l’hydroxyde de soufre (plus  connu sous le nom d’hydrogène sulfuré), dangereux pour les animaux et les humains. Cette substance gazeuse a déjà fait plusieurs victimes en Bretagne. Sur ce sujet, nous vous recommandons de lire la bande dessinée « Algues vertes ». C’est un formidable travail de journalisme d’investigation réalisé par Inès Léraud.

Dans ce contexte, les installations d’assainissement n’ont pas trop le droit à l’erreur et ne peuvent pas se permettre de relâcher de l’azote en grande quantité dans le milieu naturel. Les discussions avec Elise furent passionnantes ! Elle nous explique également son positionnement quotidien : « en assainissement, plus un système est simple et rustique comme j’aime le présenter aux élus, plus il facile de le faire fonctionner. ».

Nous avons fait la connaissance d’Elise et Alex grâce à Annie. Le soir de notre arrivée, elle nous a d’ailleurs rejoints avec son compagnon pour manger. Elle a apporté avec elle des maquereaux à l’huile d’olive tout droit venus du Finistère, du cidre et des galettes bien sûr. Tandis qu’Alex a cuisiné les derniers poireaux et carottes de son potager. Annie nous a même offert un pot de maquereaux pour notre pique-nique du lendemain. C’est vraiment adorable.

Après une soirée bien sympathique, nous nous couchons enivrés de cidre et convaincus que l’accueil breton est décidément formidable.

Le lendemain, Mewen, un ami brestois nous rejoint. Il nous accompagnera en vélo sur les deux prochains jours. Nous partons de chez Elise et Alex pour rejoindre Annie à son atelier. C’est le siège de son entreprise Humusséo.

Annie Guernion

Comme bon nombre des personnes que l’on rencontre, Annie ne vient pas du tout du domaine de l’assainissement. C’est à partir du moment où elle a commencé à restaurer sa maison qu’est venue la question de la gestion de ses eaux usées. A l’époque, elle entend parler des toilettes sèches, et ensuite de la phytoépuration. Elle réalise notamment une formation auprès de l’association Eau Vivante, en 2007. Cette association fut l’une des premières en France à faire la promotion des toilettes sèches et de la phytoépuration en assainissement individuel. Eau vivante, qui n’est malheureusement plus active aujourd’hui, défendait notamment le fait de réaliser des installations adaptées au contexte de chaque parcelle (cf article sur l’entreprise Epurscop). Elle proposait dans ses formations d’installer des systèmes non agréés et fut à l’origine du principe de convention tri-partite avec le SPANC et le maire dans laquelle le propriétaire s’engage à réaliser une mesure de la qualité de l’eau traitée chaque année pendant les 3 premières années. Il s’agit de répondre à l’obligation de résultat défini dans la réglementation nationale sur l’Assainissement Non Collectif (ANC).

Après avoir ouvert cette première porte, Annie découvre les toilettes sèches. Elle décide d’en installer chez elle. En parallèle, elle a trouvé un travail administratif à mi-temps dans un cabinet d’avocats, un tout autre style de cabinet ! Pour compléter ses revenus, elle décide donc de monter une activité de location de toilette sèches. Il s’agit ici de toilettes à litière traditionnelle avec sciure. La particularité d’Annie ? Elle ne couvre que des petits événements. Elle ne souhaite pas gérer plus de 5 cabines à la fois.

Annie est bricoleuse. Elle construit elle-même ou en famille une partie de ses installations. Lors de notre passage, elle était notamment en pleine conception d’une cabine pouvant accueillir l’urinoir féminin Marcelle (cf article Louise Raguet). Elle construit certaines de ces installations avec un artiste constructeur de cabanes originales. Un autre collègue devenu ami est à l’origine de ses « toilettes sèches à chasse » (ticket gagnant à celui qui sait le prononcer correctement!). Il s’agit d’un réservoir à sciure situé à l’arrière de la cabine et relié à l’assise par une goulotte. Un petit système mécanique avec ressort permet à l’utilisateur d’ajouter de la sciure dans le composteur en appuyant sur un bouton. L’imitation parfaite de la chasse d’eau ! C’est une belle manière de faire accepter la toilette sèche étant donné que l’expérience utilisateur, comme disent les informaticiens, est la même. Les seuls problèmes techniques à régler : faire en sorte que la sciure ne se tasse pas dans le réservoir extérieur et envoyer la bonne quantité de sciure dans le composteur. Sur des missions plus ponctuelles, Annie accompagne notamment le département des Côtes d’Armor à l’installation saisonnière de toilettes sèches publiques au Château du Guildo et cap d’Erquy.

Nous avons beaucoup rigolé avec Annie. Elle a pleins d’histoires et de situations loufoques de festival à raconter. Elle arbore un sourire radieux. Elle a à cœur de nous transmettre l’amour qu’elle a pour son territoire. En effet, ses parents avaient un petit élevage de cochons à Hillion. Elle a toujours vécu en Bretagne. Ado, elle allait sur la plage juste en bas, avec ses copains. Ils s’amusaient à se balancer des algues vertes tout en se baignant. On ne parlait pas de leur dangerosité à l’époque. C’est d’ailleurs ici dans l’estuaire du Gouessant que sont apparus les premiers cas d’animaux morts (cf hydroxyde de soufre). Aujourd’hui, c’est son frère qui a repris la ferme et possède un élevage de vaches laitières en agriculture biologique. Pour rien au monde, elle ne quittera la baie de Saint-Brieuc et ses alentours. Annie a d’ailleurs pris le temps de nous faire visiter la côte jusqu’au cap Fréhel. Les vélos dans son fourgon et nous voilà partis en quête de la Côte d’Emeraude, la côte de grès rose.

Café chez le papa D’Annie
plage de la Fosse, près du cap Fréhel

Les paysages sont magnifiques et le ciel arbore un soleil grandiose. Il y fait presque la bonne température pour se baigner. Nous pique-niquons tous ensemble sur la plage de la Fosse Monnaie, puis reprenons notre route à vélo en direction de Saint-Malo.

Cliquez ici pour accéder au blog d’Elise et Alex

Cliquez ici pour découvrir la bande dessinée Algues Vertes

Cliquez ici pour découvrir le site de l’association Eau Vivante

Cliquez ici pour découvrir le site d’Humusséo 

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Stéphane Le Guen – Terhao

26 Avril 2022

Nous partons de Nantes sous la pluie mais par chance nous retrouvons vite le soleil au niveau de l’estuaire de la Loire. Le passage du pont de Saint-Nazaire est une des épreuves les plus marquantes et flippantes de notre voyage ! Et encore, par chance c’était dimanche et nous n’avions pas les camions sur la route.

Le soir, nous faisons étape au Pouliguen dans la famille de copains. Nous passons la soirée électorale, non pas à regarder la télévision mais bel et bien à jouer de la guitare et à chanter tous ensemble. C’était un très beau moment.

L’immense pont de Saint-Nazaire qui contraste avec la rusticité des cabanes de pêche
Le sel de Guérande, une fierté bretonne et des savoirs-faire ancestraux qui perdurent

Le lendemain, nous faisons un bref passage par les marais salants de Guérande avant de continuer en direction de Vannes. Le vent dans le dos pour une fois. Nous avançons à une belle allure. A quelques kilomètres au nord de Vannes, nous faisons la rencontre de Stéphane Le Guen.

Stéphane travaille chez Terhao, une entreprise aux activités multiples. Il fait parti des fondateurs de la structure. Au début de l’histoire, Stéphane part en voyage en Nouvelle-Zélande avec un copain. En sillonnant les parcs nationaux, il rencontre pour la première la toilette sèche. Il s’agissait ici d’une simple cabane en bois dans laquelle tu pouvais fais tes besoins et y ajouter un peu de feuilles mortes.

Stéphane Le Guen
Le hangar de Terhao

En rentrant, ils commencent à parler de plus en plus de toilettes sèches à leurs amis. A l’époque, ils enchaînaient tous des petits boulots à droite à gauche. Un premier prototype leur permet de passer à l’action. Ils crééent l’association Terhao. 5 festivals du Morbihan leur donnent une première avance leur permettant de construire 10 cabines et de démarrer ainsi leur activité. Pendant longtemps l’association réalise uniquement de la location/entretien de toilettes sèches en événementiel. En parallèle, ils développent une vraie expertise en matière de gestion et tri des déchets. Ils créés notamment des méthodes pour améliorer le tri des déchets dans les festivals.

Un des plus gros festivals de France les approche: les Vieilles Charrues. Au début les organisateurs confient la coordination des sanitaires du camping des festivaliers à Stéphane (25000 personnes). Quelle responsabilité ! Petit à petit, Stéphane incite les organisateurs à l’installation de toilettes sèches et au recyclage maximal des déchets produits par le festival. Aujourd’hui, Julien et Stéphane coordonnent la régie environnement des Vieilles Charrues en matière d’assainissement et de gestion des déchets. Une centaine de toilettes sèches sont installées dans le camping festivalier. Sur l’espace scénique, les organisateurs ont souhaité maintenir des toilettes à eau étant donné que la station d’épuration du coin a été dimensionnée pour recevoir leurs effluents.

Terhao continue à proposer aux évènements culturels et sportifs de plein air la location et l’animation de toilettes sèches (entre 25 et 30 évènements par an) comme par exemple le festival du bout du monde situé à la point Finistère. Ils nous proposent même de les accompagner cette année pour y découvrir son ambiance incroyable (affaire à suivre…).

Depuis le confinement et la disparition de nombreux festivals, Terhao s’est grandement questionné sur ces activités. Aujourd’hui, les 2 salariés de la structure sont moins intéressés par la location. C’est pourquoi, depuis 2 ans, ils développent leurs autres casquettes : l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Il s’agit ici de conseiller principalement des collectivités territoriales à l’installation de toilettes sèches publiques.

Depuis le début, l’association, devenue SCOP récemment, possède une réelle expertise dans la gestion des déchets organiques et le compostage. Elle a notamment participé à l’écriture du module de formation de « Maître et guide composteur » accrédité par l’ADEME (cf article Réseau Compost Citoyen). Ces formations représentent aujourd’hui une part importante de leur activité. Terhao accompagne également les collectivités territoriales sur ces thématiques et réalisent des animations en déchetterie sur les déchets verts pour sensibiliser les professionnels et particuliers. A terme, ils souhaiteraient développer la formation des professionnels au tri et à la valorisation des déchets verts. En effet, aujourd’hui, il existe très peu de bureau d’études sur la thématique des déchets verts. Comme pour les déchets plastiques, résidus de cuisine ou les urines et matières fécales, le tri à la source des différents types de déchets verts (ligneux, cellulosiques, etc.) permettrait de mieux les valoriser.

Le jour de notre visite, nous avons fais la rencontre de leur nouveau salarié, Ludovic . Il vient juste d’être embauché car leur activité grossit. La structure se porte plutôt bien après plus de 16 ans d’existence.

La photo de groupe avec la fameuse tondeuse !
Stéphane nous présente un modèle de toilette sèche léger et facile à installer

Cette SCOP est en pleine réorientation de ses activités. Elle souhaite aujourd’hui se tourner essentiellement vers la formation, l’animation et le conseil. Les salariés nous expliquent toutefois qu’ils reçoivent de plus en plus de demandes de locations de toilette sèches et qu’il ne peuvent pas y répondre. Avec toute la dynamique événementielle que l’on retrouve dans cette région, il y a un vrai besoin de loueurs/animateurs de toilettes sèches en Bretagne ! C’est le moment de lancer son activité ! Terhao serait d’ailleurs très content de pouvoir accompagner la création de nouvelles structures.

Nous avons également découvert l’outil préféré de Stéphane : une tondeuse réglable manuellement, increvable et qui peut étaler facilement l’herbe couper en paillage. Bref, Stéphane est fou de tondeuse et ça, il faut le voir pour s’en rendre compte ! Nous mangeons avec eux le midi. C’était très sympa d’avoir pu passer cette demi-journée avec une partie de l’équipe.

En espérant pouvoir vous rejoindre Au bout du monde dans les mois qui viennent !

Cliquez ici pour accéder au site de Terhao

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Laurent Lebot & Victor Massip – Faltazi

22 Avril 2022

Les bords de Loire sont incroyables ! Il s’agit de l’itinéraire vélo le plus fréquenté en Europe. Et en effet, c’est la première fois que l’on croise autant de cyclotouristes sur notre trajet. On a même pu y rencontrer des touristes-kayakistes. Descendre la Loire en kayak, c’est aussi possible.

Paysages le long de la Loire

Arrivé à Nantes, nous nous séparons de nos amis et reprenons le rythme des interviews. Notre première rencontre est celle du studio de design Faltazi. Cela veut dire « Imagination » en breton. C’est drôle, non ?

Laurent et Victor nous accueillent avec un café. Ils nous expliquent leurs parcours. Ils ont réalisé tous les deux la même école de design que Louise Raguet (voir article précédent) à Paris. Après avoir travaillé quelques temps chacun de leur côté, ils décident de monter leur activité ensemble. Ces premières expériences professionnelles leur ont permis de développer des compétences en modélisation 3D. Laurent vient de la région nantaise et Victor voulait quitter Paris. Le choix est donc vite fait. Faltazi sera sur l’île de Nantes !

Laurent Lebot
Victor Massip

Au début, leurs principales activités sont le design industriel pour des entreprises d’électroménager. Les Faltazi ont pendant longtemps conçu des fers à repasser, des interrupteurs, des prises électriques et des aspirateurs. Ce expérience leur permet d’avoir une bonne connaissance des processus de fabrication industrielle et des matériaux utilisés. Comme tout designer, ils essaient de concevoir les produits en prenant en compte l’ensemble du processus de fabrication et d’utilisation. Ce sont les débuts de l’éco-conception à l’époque.

Marqué par la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes dans laquelle ils s’engagent personnellement, les Faltazi décident de prendre un virage à 90°. En 2010, ils montent le projet « Les Ekovores ». Celui-ci consiste à repenser l’organisation alimentaire de la métropole nantaise afin de diminuer son impact environnemental et d’augmenter sa résilience. Pour cela, ils entament une longue réflexion à coup de croquis, de brainstorming, de réunion d’idées, de recherche afin de repenser la production locale de denrées.

A chaque étape de la chaîne de production locale, ils se sont attachés à créer des équipements incitant et facilitant le développement d’une économie circulaire :

Systèmes préfabriqués de fermes d’urgence pour la production en ceinture verte ; dispositifs ‘urbagricoles’ installés dans les espaces publics ; moyens de transports pour la distribution des productions ; modules préfabriqués pour la transformation et la conservation des aliments ; mobiliers urbains pour la valorisation des déchets organiques ; plateforme numérique pour l’échange de savoir-faire et l’orchestration savante du jardin-potager.

Dans tout ça, nous avons été le plus marqué par leur idée de wagon-maraîcher qui irait chercher les produits dans la ceinture verte de la ville et viendrait les distribuer dans le centre par un système de casiers en accordéon. Le train pourrait également avoir plusieurs utilisations : transporter les fruits et légumes la nuit et les passagers en journée. Ils ont également conçu une cuisine dessinée pour faciliter le recyclage des déchets. En maximisant le tri à la source, on augmente les possibilités de réutilisation et de recyclage. Malheureusement, aucuns de nos systèmes actuels ne sont  conçus en ce sens. Beaucoup de choses sont à repenser !

Victor nous présente le projet « Les Ekovores »
L’espace de travail spacieux des Faltazi

Vous l’aurez compris, Faltazi, c’est un vrai laboratoire d’idées. Ça fuse de partout et ça conçoit tout le temps ! Avec le projet « Les Ekovores », Laurent et Victor ont été de nombreuses fois sollicités pour des conférences, des animations et des présentations. Cela parait moins original aujourd’hui quand on évolue dans le milieu écolo mais en 2010, les Ekovores, c’était précurseur !

Ils décident ensuite de concrétiser ces idées par la fabrication des premiers prototypes qui prennent la forme de mobilier urbain destiné à la valorisation des déchets organiques. Ni une, ni deux, nous enfourchons nos vélos et partons voir leurs installations nantaises. Premier arrêt dans le quartier  Nantes-Malakoff où l’on retrouve un composteur de quartier qui devrait durer dans le temps, l’Ekovore. Les portes s’ouvrent en latéral. Un système de poulies à l’intérieur permet de retourner le compost régulièrement par les référents du site. La structure est surmontée d’une toiture végétale. Il s’agit principalement d’une demande des services de la ville afin d’intégrer au mieux ce mobilier urbain. La toiture permet également de récolter l’eau de pluie et de la stocker dans une cuve. Cette eau peut ensuite être utilisée par les habitant.e.s pour nettoyer leur seau après l’avoir vidé. Le socle de la structure est un sol vivant reconstitué permettant au compost d’être ensemencé. Toutefois, le compost est séparé de cette terre par un caillebotis. Une seconde permet de recouvrir le compost, ce qui le rend inaccessible aux rongeurs, principale épine pour réaliser du compostage en milieu urbain. Un banc est situé à proximité du composteur. Il contient en son coeur du broyat de bois apporté par le service des espaces vert et pouvant être utilisé par les référents du site.

Le composteur de quartier du projet « Les Ekovores »
Retournement du compost pour une bonne aération

On y a planté le croc, je vous assure, il y en a de la vie dans ce composteur ! Aujourd’hui, celui-ci est installé depuis bientôt 9 ans. Il rassemble les déchets organiques de 50 familles, soit 125 habitants. Laurent et Victor nous racontent même que les habitants ont pour habitude de se faire des apéros-compost le week-end. Cela devient un lieu convivial, une belle preuve de réappropriation de l’espace public !

La suite de la visite s’effectue dans les rues de l’hyper-centre où les étudiant.e.s aiment boire des verres le soir. Pour lutter contre les pipis sauvages, les Faltazi ont créé les Uritrottoirs. Il s’agit d’urinoirs masculins en acier. Pour faciliter leur intégration, ils sont dotés d’une jardinière. Les gens pensent que l’urine alimente en direct cette jardinière mais il n’en est rien. Elles s’écoulent au travers d’une fente dans un bac soit rempli de copeaux soit d’acide lactique afin d’éviter les odeurs. Les uritrottoirs ne sont pas raccordés au réseau d’assainissement collectif. Un agent d’entretien doit venir les vider régulièrement (1 fois par semaine à minima). A Nantes, il s’agit de Veolia. L’entreprise s’occupe à la fois de la gestion de la propreté dont les uritrottoirs à l’échelle de la ville. Aujourd’hui les urines sont renvoyées en station d’épuration. A terme, Nantes souhaiterait pouvoir travailler avec l’entreprise Toopi Organics (voir article précédent) afin que les urines soient revalorisées en agriculture.

L’uritrottoir, à l’épreuve des usages extrêmes en ville
Les uritrottoirs sont disposés principalement dans des espaces à l’abri des regards

Le terrain de jeu des Faltazis est urbain. Ils sont habitués à cet environnement qui exige l’utilisation de matériaux robustes pour prendre en compte le vandalisme. Ils ont travaillé d’ailleurs avec des entreprises du chantier naval de Saint-Nazaire pour fabriquer leurs premiers équipements. Aujourd’hui, c’est une entreprise angevine qui fabrique les petites séries qu’ils commercialisent. Sur les uritrottoirs, la ville leur a demandé de les colorer en rouge afin que l’on puisse facilement les repérer.

Ce sont des structures mobiles. Leur positionnement dans l’espace public nécessite un certain soin. Ils doivent se situer au plus proche des lieux de consommations et de préférence à l’abri des regards. Typiquement, dans une des ruelles généralement empruntées par les « pisseurs sauvages ». Et oui, car ces installations ne sont finalement que très peu utilisées en journée. Ce sont plutôt les fêtards qui en sont friands à la fermeture des bars. C’est ce que révèle la sonde de suivi du remplissage du bac à urine mise en place par Laurent et Victor sur leurs installations.

La fabrication et la vente des uritrottoirs a démarré il y a 5 ans désormais. On peut aujourd’hui en retrouver à Paris, Toulouse, Nantes, Bruxelles, Rennes, Amiens, Cergy, Locminé, … Pour le moment, on leur reproche reproche de ne pas installer d’urinoir féminin. Leurs installations se sont notamment faites grandement critiquées à Paris par certains groupes de citoyens. Mais cela ne saurait tarder, les Faltazi sont en pleine réflexion. Les urinoirs féminins devraient bientôt arriver ! Ils se présenteraient cette fois-ci comme une cabine pouvant être fermée par un loquet. Les toilettes publiques sont bien souvent un refuge pour les femmes en ville. C’est un endroit où elles peuvent se protéger facilement.

Après avoir déjeuné ensemble, Laurent prend le temps de nous faire une visite guidée de l’île de Nantes avec ces machines, ces anciennes cales, le manège géant et le bateau militaire. C’est une ville que nous ne connaissons pas du tout. On assume alors totalement notre posture de touristes !

Le hangar des « Machines de l’île »
Le carrousel des mondes marins

Merci à tous les deux de nous avoir reçu. Cette visite nous a redonné beaucoup d’énergie car les Faltazi ont des idées plein la tête et un second-degré extraordinaire. On s’est bien fendue la poire !

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Antoine Rivera – Solidarités International

21 Avril 2022

Nous avons eu la chance de rencontrer l’équipe de Solidarités Internationales aux rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique (RAE) et en particulier Antoine avec qui nous avons particulièrement échangé. Le premier contact passé, ni une ni deux, nous programmons une visite à Nantes.

Solidarités Internationales est, comme son nom l’indique, une association d’aide humanitaire internationale. Elle s’est spécialisée sur les questions d’accès à l’eau et aux sanitaires en situation d’urgence. En apportant un accès à une eau de bonne qualité, elle permet d’éviter notamment la propagation de nombreuses maladies comme le Choléra, la dysenterie ou la diarrhée qui tuent encore trop de personnes dans le monde. Cette association intervient principalement en Afrique, Asie et Amérique du sud.

Comme bon nombre d’organisation internationale, les missions et interventions à l’étranger ont été extrêmement ralenties durant le confinement. Cette situation a permis à cette association française de développer de nouveaux terrains d’intervention. En effet, en France, de nombreuses personnes n’ont pas accès à des conditions sanitaires décentes. Les populations les plus concernées sont : les Roms, les gens du voyage, les migrants et les Sans Domicile Fixe (SDF). En 2017, l’association Toilette du Monde avait réalisé un premier recensement des personnes concernées. A l’époque, on comptait :

  • 205 000 logements sans confort sanitaire, dont 173 000 sans toilettes intérieures et dont 117 000 sans baignoire ni douche. Il s’agit ici de problématiques de rénovation / réhabilitation souvent trop coûteuses pour les propriétaires.
  • 141 000 personnes vivent sans domicile fixe (gens du voyage et SDF). Pour les SDF, il s’agit principalement d’un manque d’accès à des installations publiques dans les villes. Pour les gens du voyage, l’absence d’aire de gens du voyage décentes et confortables en est la principale cause.
  • Environ 20 000 personnes vivent dans plus de 460 campements de fortune ou bidonvilles (Roms et migrants). Ces campements sont régulièrement démantelés et déplacés, ce qui empêche la mise en place de systèmes d’assainissement durables.

Vous l’aurez compris, il y a du travail. Et ce sont les villes qui peuvent actionner les plus gros leviers. Bien souvent démunies face à ces situations, les  collectivités ont besoin d’être accompagnées par des associations spécialistes.

Anciens feuillées utilisés par le bidonville
Ces nouvelles toilettes permettent de maintenir une meilleur hygiène du camp

Solidarités Internationales s’est aujourd’hui positionnée comme l’un des acteurs principal en France. L’association intervient aujourd’hui à Nantes, Toulouse, Lyon, Paris et Lille. A Nantes, la ville compte environ 53 bidonvilles. L’association en accompagne pour le moment 25.

Après avoir travaillé à Médecins du monde sur des terrains d’extrême urgence, Antoine a fais le choix de revenir en métropole. Entre ces deux expériences humanitaires, il a fais un bref passage par la métropole de Nantes, ce qui lui permet aujourd’hui de tisser des liens plus facilement avec sa structure.

Antoine nous a ainsi fait visiter un bidonville à La Chapelle-sur-Erdre, au nord de Nantes. Celui-ci compte une centaine d’habitant.e.s. Il est situé sur un terrain où, à terme, un zone artisanale devrait être construite. Aujourd’hui, les archéologues intervenant avant le chantier y ont trouvé des vestiges. Le démantèlement du bidonville n’est, pour le moment, pas à l’ordre du jour. Situé en bord d’autoroute, celui-ci est toutefois séparé de cet axe routier par une barrière végétale (arbre, arbuste, etc.) qui protège un peu du bruit. De l’autre côté, on tombe sur l’Erdre et ses espaces naturels.

Il fait beau. Le bidonville n’est pas jonché de déchets comme à Toulouse car ici, la benne mise en place par la métropole est régulièrement vidée. Solidarités Internationales a tiré des tuyaux depuis le réseau à quelques centaines de mètres de là. Les habitant.e.s ont ainsi accès à l’eau potable.

Les eaux ménagères (machine à laver, douches, etc.) s’écoulent aujourd’hui directement dans un fossé en contrebas du terrain. Elles ne sont donc pas traitées. A terme, l’association souhaite mettre en place un filtre à broyat de bois tel que proposé dans l’arrêté France Expérimentation en question (voir article sur l’Ecocentre Pierre et Terre).

Pour les toilettes, les habitant.e.s du bidonville faisaient initialement leurs besoins dans une latrine de fortune construite dans la forêt à l’abri des regards. C’était un peu dangereux pour les enfants et finalement peu hygiénique pour l’ensemble des habitant.e.s. Solidarités Internationales a donc fait appel à l’entreprise Toilettes & co (voir article sur Toilettes&co). En première approche, le système mis en place était une installation de toilette sèche à sciure traditionnelle. Après quelques mois d’utilisation, le système ne fonctionnait pas très bien. Les habitant.e.s n’étaient pas à l’aise. La quantité de sciure ajoutée était soit trop grande, soit trop faible. De plus, les volumes à gérer était trop importants et obligeaient Toilettes & co à venir faire la vidange toutes les semaines.

Aujourd’hui, 4 modules de 3 toilettes sont installés. Il s’agit de toilette à séparation. Tout tombe dans un unique réceptacle avec pour fond un caillebotis laissant s’évacuer les urines et lixiviats. Ces substances liquides sont ainsi envoyées par une petite pompe de relevage dans une cuve. Les matières fécales restent, quant à elles, dans le bac. Dès qu’il y a séparation, le système demande moins d’intervention. Toilette & co devrait normalement intervenir tous les 2 à 3 semaines désormais. Pour la ventilation et l’éclairage de nuit, des panneaux solaires sont présents sur le toit des installations. Lors de notre visite, les installations étaient neuves (3 semaines). Nous sommes curieux de voir comment tout cela évoluera à long terme. Les matériaux utilisés semblent durer dans le temps. Aujourd’hui, les habitant.e.s sont très heureux avec ces toilettes. Ils préfèrent clairement ce nouveau système.

Les toilettes sèches ont été fabriquées par Toilettes&Co

Comme à Bordeaux, un des accompagnateurs de Solidarités Internationales parle roumains. Cela facilite grandement le dialogue avec les habitants. Cela a notamment permis d’attribuer une cabine à chaque famille. L’entretien et le nettoyage des cabines se fait aujourd’hui par les habitant.e.s eux-mêmes en autonomie.

En travaillant en France, sur des camps semi-permanents, Solidarités Internationales a dû modifier bon nombre de ses habitudes. L’association doit ici mettre en place des installations facilement démontables (tuyaux non enterrés) mais qui sont susceptibles de durer dans le temps. Comme sur nos autres visites de bidonvilles, il s’agit avant tout de pouvoir améliorer les conditions sanitaires des habitant.e.s. Le choix des toilettes sèches n’est pas motivé par des raisons écologiques mais par leur facilité de mise en place dans ce contexte.

Un grand merci à Antoine d’avoir pu prendre une partie de son après-midi ainsi qu’aux habitant.e.s du bidonville d’avoir accepté que nous visitions.

Cliquez ici pour accéder au site de Solidarités Internationales

Cliquez ici pour voir les activités de l’association en France.

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Sylvain Réau – Toilettes&Co

15 Avril 2022

Après avoir fait une pause dans le Limousin pendant 15 jours, nous reprenons les vélos en direction de Poitiers. Nos délais sont trop court pour que l’on fasse Saint-Junien – Poitiers en vélo. Nous décidons donc de rejoindre Limoges pour y prendre le train. Pas de chance, la ligne TER est temporairement fermée et remplacée par un bus. Celui-ci n’est pas équipé pour prendre les vélos. Nous faisons les yeux doux au conducteur. Il accepte sans problème. Incroyable ! Nous voici partis pour Poitiers. Nous y avons rendez-vous avec Toilettes & Co.

Ancien bain-douche de Poitiers
Le Futuroscope
Arrivé à Toilettes & Co

Sylvain n’étant pas disponible tout de suite, nous prenons le temps de visiter Poitiers et son centre historique. La ville est très belle avec ses bâtiments en craie. Elle semble également bien active avec ses nombreux étudiant.e.s. Cela donne envie d’y rester plus longtemps. Le plus drôle ? On s’installe à un bar qui s’appelle « Au WC ». Quelle situation cocasse ! Après discussion avec le serveur, on comprend qu’il s’agit des anciens bains publics de la ville. On explique très rapidement notre démarche. Le serveur n’a pas besoin d’en savoir plus, il nous offre directement un coup. Décidément, on est bien accueilli dans cette ville.

En fin d’après-midi, direction Saint-Georges-les-Baillargeaux pour rejoindre le local de Toilettes & Co. On passe juste devant le Futuroscope avant de traverser la rivière « Le Clain », un coin magnifique. Sylvain nous accueille les bras ouverts. Il nous fait visiter la propriété. Installé dans les anciens bâtiments de la DDE (Direction Départementale des Routes), Toilettes & Co existe depuis 2010. Après avoir travaillé comme responsable d’agence d’intérim, Sylvain Réau, son créateur, décide de se lancer dans la toilette sèche. Il fait ensuite la rencontre d’Agathe qui deviendra sa compagne et la co-dirigeante de l’entreprise. L’activité initiale de Toilettes & Co est la location de toilettes sèches en événementiel. Elle intervient aujourd’hui dans quasiment toute la France et possède un « parc de toilettes sèches » à Paris, Nantes, Poitiers et en Corrèze. Les plus gros festivals que l’entreprise couvre sont La Nuit de l’Erdre, Terre du Son et le Cabaret vert, . Il s’agit de toilettes sèches traditionnelles à sciure, d’urinoirs masculins et de lave-mains. D’ailleurs, lors de notre visite, toute l’équipe se préparait pour la saison estivale. Toutes les cabines devaient être poncées et remises à neuf.

Sylvain Réau et Agathe Bidet de Toilettes&Co
Remise à neuf des cabines

Depuis le covid, la location de toilettes sèches sur les chantiers s’est un petit peu développée. Toutefois, l’arrêt des festivals à cause de la pandémie a impacté grandement l’entreprise : une baisse importante des commandes et de nombreux départs dans l’équipe salariée.

Toilettes & Co réalise aussi des installations semi-permanentes. L’entreprise a notamment conçu un nouveau bloc de sanitaire pouvant être facilement déplacé en transpalette. Il peut être installé à un endroit pour une saison entière sans avoir à y intervenir fréquemment (vidange des urines uniquement). Ce bloc est constitué d’une cabine adaptée pour les personnes à mobilité réduite (PMR) et de deux urinoirs masculins. La cabine contient un système de séparation des matières à l’aide d’un tapis (voir article Ecodomeo). Les matières fécales tombent dans une fosse située à l’arrière de la cabine dans laquelle sont présents des vers de terre dans un fond de compost. Les urines de la cabine et des urinoirs sont envoyées dans une cuve de stockage. Des panneaux solaires situés sur le toit actionnent une ventilation et un éclairage pour la cabine.

Amélioration du bloc sanitaire
La caverne d’Alibaba de la toilette sèche

Depuis qu’Agathe a rejoint l’équipe, Toilettes & Co est également le revendeur français de la marque Clivus. Il s’agit d’un fabricant suédois de systèmes de toilettes sèches : assises, urinoirs, composteurs, etc. Cela représente aujourd’hui une petite partie de l’activité de l’entreprise.

Sur le site, nous avons également la chance de pouvoir visiter la micro-plateforme de compostage qu’a mis en place Sylvain. En effet, aujourd’hui, les déchets issues de toilettes sèches sont absents de la réglementation nationale sur les déchets organiques. Ils sont généralement compostés comme des boues de station d’épuration et doivent donc subir un processus d’hygiénisation. Un de ces processus est le compostage. Un organisme qui souhaite composter ce type de matière doit répondre à un certain nombre de normes et prouver notamment l’abattement des organismes pathogènes au sein du compost final. Ce sont généralement des grosses plateformes de compostage traitant boues de station d’épuration et déchets organiques de cuisine. L’envoi de ces déchets dans ces plateformes coûte cher. C’est pourquoi sylvain souhaite en réaliser une sur le site de l’entreprise. Pour cela, il fait parti d’un réseau national de micro-plateforme de compostage qui est en pleine création et qui se nomme « Compost in situ ». Toilettes & Co est aujourd’hui en cours de négociation avec les services de l’état pour obtenir une dérogation lui permettant de composter les matières issues de toilettes sèches. Si cela aboutit, ça serait une première en France et cela offrirait de bonnes perspectives pour le monde de l’assainissement écologique !

La plateforme de compostage
Le stock de cabine

Sylvain est fils et frère d’agriculteur, il n’a donc aucun mal à trouver des filières autour de lui pour revaloriser les urines et matières fécales qu’il collecte. Il discute notamment avec le monde agricole (coopérative et chambre d’agriculture) afin de mettre en place le « zéro euro bord de champ ». En effet, c’est un modèle économique auquel il est très attaché. Il consiste à ce que le collecteur apporte les urines brutes gratuitement au bord du champ. Le transport des matières est ainsi porté par le collecteur. Charge ensuite à l’agriculteur de réaliser l’épandage par ses propres moyens.

Dans toute cette logique de revalorisation des matières organiques, il n’est pas étonnant que Toilettes & co réfléchisse au développement d’un réseau de collecte des déchets organiques de la restauration. Dans la région, on retrouve 3 ou 4 méthaniseurs situés tout autour de Poitier. Une collecte en camion auprès des restaurateurs avec passage par les méthaniseurs permettraient d’optimiser la collecte. L’obligation de recyclage de tous les déchets organiques arrivant au 1er janvier 2024 pour les restaurateurs, la réflexion semble pertinente.

Une nuit dans la caravane « Marie-Yvonne »

Nous avons finalement passé la soirée avec Sylvain qui nous a offert le restaurant. Après un repas bien arrosé, nous avons dormis dans la caravane de l’entreprise. Elle s’appelle Marie-Yvonne, du nom de son ancienne propriétaire. La rencontre fût brève puisque nous repartons dès le lendemain midi. Nous rejoignons des amis en bord de Vienne. Ils vont monter avec nous jusqu’à Tours et nous accompagner sur les bords de Loire. Ils ont le chien et la carriole. C’est parti pour quelques jours d’itinérance de plaisance à se baigner dans la Loire et à visiter les châteaux.

Cliquez ici pour accéder au site de Toilette & co

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Florent Brun

12 Avril 2022

Après les rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Écologique, nous avons fait le choix de faire une pause dans notre voyage. On a laissé nos vélos dans le Limousin et sommes chacun de notre côté parti en vacances voir des amis. Il se trouve que Victor allait dans le Puy de Dôme, à deux pas de chez Florent.

Étant donné que notre itinéraire en vélo ne passe ni par Saint-Etienne, ni par Clermont-Ferrand, Victor a décidé d’aller passer 2 jours chez lui, en Haute-Loire. Aurélie, Florent, Milan et Zélie habitent tous les 4 à Saint-Pal de Chalencon. Ils ont rénové en 8 ans une vieille longère traditionnelle en pierre et s’y sont installés depuis 3 ans.

Vue depuis la Terrasse en fin de journée et four solaire
Face sud de la maison de Florent avec sa belle terrasse en bois

Florent et Aurélie se sont rencontrés durant leurs études en master de l’environnement et du traitement de l’eau à Besançon. De son côté, Aurélie s’est spécialisée dans l’analyse biologique de la qualité des cours d’eau. Elle a travaillé à l’IRSTEA puis au sein de l’entreprise AQUABIO où elle sillonnait le territoire français pour aller observer les animaux et végétaux présents dans les cours d’eau et en déduire leur qualité. Elle est donc naturaliste de formation. Aujourd’hui, elle a fait le choix de se reconvertir et de devenir institutrice.

Florent de son côté a eu de nombreuses activités différentes. Sa première expérience professionnelle se déroule à la métropole de Grenoble où il est en charge de l’entretien du tout à l’égout. Par la suite, il décide de partir en Afrique pour effectuer différentes missions humanitaires et notamment au Bénin où il a géré des situations de précarité sanitaire extrêmes.

Portrait de Florent Brun

En rentrant en métropole, il prend un poste de technicien au sein du Service Public d’Assainissement Non Collectif (SPANC) d’une collectivité savoyarde qu’il quitte rapidement pour rejoindre l’association Toilette du monde. Au sein de cette structure, il continue à faire de l’humanitaire mais à distance ou sur des missions plus courtes. Il y mène également plusieurs études sur les eaux ménagères et les toilettes sèches en France. Notamment une étude qui constituera la principale analyse du développement des toilettes sèches en France. A notre grand regret à tous, l’association Toilette du monde a dû mettre la clé sous la porte en 2020 pour des raisons budgétaires. Il s’agissait à l’époque du seul acteur en France à venir en aide aux populations en situation de précarité sanitaire.

Après cette longue expérience chez Toilette du monde, Florent saisit l’opportunité d’intégrer l’équipe de recherche OCAPI pour laquelle il réalise deux études : une sur les freins et leviers de l’emploi des fertilisants à base d’urine chez les agriculteurs d’Île-de-France, l’autre sur la conception et l’exploitation de réseaux de collecte d’urine humaine. Il continue ensuite dans le monde de la recherche en intégrant l’équipe REVERSAAL de l’Institut National de Recherche en Agronomie et Environnement (INRAE) où il mène des études sur le traitement des eaux ménagères. C’est notamment son travail qui popularise pour la première fois le filtre à broyat de bois, un système rustique et peu cher qui se développe de plus en plus aujourd’hui (voir article sur Pierre & Terre).

Le filtre à broyat de bois pour le traitement des eaux ménagères
Florent en pleine maintenance de son composteur

Après un court passage par Loire Forez Agglomération qui lui permet de comprendre les rouages décisionnels au sein des collectivités territoriales, il décide de lancer le projet Kolos. Ce dernier est actuellement en train de se construire. Toutefois, Florent a pu nous en dessiner les contours. Le projet Kolos permettra à Florent de réaliser une thèse de doctorat au sein du programme OCAPI. Il s’agit d’une recherche menée en partenariat avec la métropole du Grand Lyon qui consiste à étudier sur deux communes de la métropole l’implantation de nouvelles filières de gestion circulaire des excrétas humains. Sur ces deux communes, les stations d’épuration et canalisations sont vétustes et arrivent en fin de vie. Il s’agit donc de porter une réflexion sur le système d’assainissement qui pourrait être mis en place à long terme afin de valoriser les excrétas humains. Si le projet Kolos aboutit, ce serait une première française à une échelle communale !

En parallèle de son activité professionnelle, Florent est également très actif au sein du Réseau d’Assainissement Écologique (RAE) puisqu’il représente ce réseau professionnel au sein du PANANC. Il s’agit de l’instance nationale qui édite la réglementation en Assainissement Non Collectif (ANC). Il participe ainsi à la construction de cette réglementation nationale qui encadre les différentes techniques d’assainissement écologiques que nous avons pu découvrir durant ce voyage.

Victor et Florent ont passé beaucoup de temps à échanger au micro. Florent lui a ensuite fait découvrir l’assainissement qu’ils ont mis en place dans leur maison. Il s’agit de toilettes sèches gravitaires pour les matières fécales. Juste à côté des toilettes, un urinoir masculin est installé pour que Florent et son fils puissent facilement recycler leurs urines. Celles-ci arrivent dans des bidons et sont diluées avec de l’eau de pluie avant d’être épandues au jardin. Les eaux ménagères (cuisine, douches, lavabo, lave linge) sont envoyées dans un filtre à broyat de bois qui permet de garder humide le sol de son jardin en toutes saisons. Une partie des eaux pluviales de la toiture arrive également dans une mare. En bref, comme la majorité des gens que l’on rencontre dans ce voyage, l’habitat est, de manière générale, très bien pensé pour limiter son impact écologique.

Un grand merci à Florent, Aurélie, Milan et Zélie d’avoir accueilli Victor dans leur petit cocon familial !

Cliquez ici pour accéder aux travaux de Florent Brun

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Fabien Esculier

28 Mars 2022

Dans le petit monde de l’assainissement, on décrit souvent Fabien comme le savant fou qui veut recycler l’urine. C’est un peu ce qu’il est mais pas tout à fait non plus. En effet, au fil des années, Fabien passe de moins en moins pour un fou. Son discours arrive à intégrer petit à petit les institutions, organismes de recherche et collectivités territoriales.

Le Château de Ligoure
Portrait de Fabien Esculier

C’est lors de son passage à l’Ecole Polytechnique que Fabien développe une prise de conscience écologique forte. Il prend d’ailleurs la nouvelle en pleine face ! Il fait donc le choix de réorienter ses études sur des thématiques environnementales. Comme beaucoup d’étudiant.e.s, c’est grâce à un enseignant très impliqué, Michel Gousailles, qu’il se prend d’amour pour l’assainissement.

Il réalise alors un stage dans un bureau d’étude sur la construction de système d’assainissement collectif, du type tout à l’égout et station d’épuration. Déjà à l’époque, la découverte du fonctionnement de ces stations de traitement l’intriguait. Il ne comprenait pas pourquoi d’un côté on fabrique de l’azote minéral en captant l’azote de l’air pour produire des engrais chimiques et de l’autre on renvoi l’azote dans l’air au sein des stations d’épuration pour éviter qu’il ne se retrouve dans les rivières. Il fait le constat qu’il s’agit en réalité de deux réactions chimiques exactement opposées qui consomment la même quantité d’énergie. Il développe ainsi une première réflexion critique sur le modèle d’assainissement actuel.

Elisa s’amuse avec un nouveau logo
Atelier sur notre rapport aux excrétions

Fabien a eu l’opportunité d’intégrer la fonction publique d’état. Il est d’ailleurs devenu chef de la Police de l’Eau de Paris. Il est alors en charge de réglementer les usages de l’eau de la Seine. A cette époque, le Président de la République, Nicolas Sarkozy lance le projet du Grand Paris. L’objectif étant d’accueillir toujours plus d’habitants pour rendre la capitale plus attractive à l’échelle internationale. Le préfet de la région Île de France demande alors à sa direction de l’environnement si le projet est réalisable d’un point de vue énergétique, alimentaire, d’eau et d’assainissement, etc. Ce à quoi un groupe de travail institué sur les questions eau et assainissement, auquel Fabien contribue, répond non car la Seine a déjà dû mal à absorber la pollution azotée produite par les franciliens dans leurs eaux usées. Des habitants en plus ainsi que la baisse du débit de la Seine induite par le changement climatique rendraient les objectifs d’atteinte de bon état intenables.

C’est pile poil à ce moment là que Fabien prend son congé parental à la naissance de son premier enfant. Vous l’aurez compris, c’était un moment crucial où il se trouvait en pleine dissonance cognitive dans son travail. Tous les indicateurs étaient au rouge pour lui et les développements du Grand Paris continuaient comme si de rien n’était. Il a donc pris le temps de cette pause parentale pour trouver une activité professionnelle qui correspondrait mieux à ses attentes. Après avoir toqué à de nombreuses portes, il décide d’écouter la réponse des chercheurs qu’il avait rencontré : la meilleure chose à faire Fabien, c’est une thèse !

Fabien Esculier en plein Interview
Splendide Verrière du Château de Ligoure

Il se lance donc dans l’aventure. Son sujet : Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. De part son travail, il a pu étudier les cycles biogéochimiques présent sur notre planète (azote, carbone, phosphore, etc.), le métabolime des êtres humains (fonctionnement des excrétions) pour ensuite analyser les systèmes alimentation/excrétion au cours de l’histoire occidentale. Il a popularisé ainsi la notion de système alimentation / excrétion qui met en exergue le fait que la gestion des urines et matières fécales humaines relève, d’un point de vue biogéochimique, du système alimentaire et non de la gestion de l’eau. En effet, aujourd’hui, dans notre monde occidental, ce système est linéaire : production d’engrais chimiques – utilisation en agriculture  – absorption par les plantes – alimentation des êtres humains – excrétions des nutriments par les urines et matières fécales – traitement en station d’épuration – rejet dans l’air et en rivière. Ce n’était pas le cas avant. C’est ce que Fabien s’est attaché de démontrer.

Sa thèse a reçu de nombreux échos dont notamment la médaille d’argent de l’académie de l’agriculture en 2018. Tout cela lui a permis de monter le programme de recherche OCAPI (voir premiers articles) qui s’attache à étudier la possibilité de « circulariser » notre modèle d’assainissement actuel et à porter un nouveau regard sur nos excrétions. La réflexion amorcée par Fabien à l’époque et poursuivie par OCAPI fait débat au sein du monde de l’assainissement et de l’agriculture. Il apporte de nombreuses solutions qui permettraient l’avènement d’un système de revalorisation de nos excrétions et rendraient ainsi nos modes de vie plus soutenables.

Au-delà de ses connaissances, Fabien a une incroyable faculté à vulgariser, de façon claire, ses travaux de recherches. Il arrive à rendre compréhensible en 180 secondes les 500 pages que constitue sa thèse. Cela fait maintenant 10 ans qu’il adapte et retravaille son discours pour qu’il soit entendable par les institutions et le grand public. Etant également très bon clarinettiste, il a créé avec d’autres, un spectacle vivant autour du cycle de l’azote mêlant musique et interprétation théâtrale. On a pu le voir. C’est très réussi !

Photo de groupe avec les participant.e.s aux Intestinales 2022

Durant ses vacances, Fabien part fréquemment en voyage à vélo. Il a notamment réalisé un grand voyage en Europe centrale avec sa femme et ses deux premiers enfants en carriole. Il était hyper enthousiaste à l’idée que l’on vienne le rencontrer dans sa nouvelle maison angevine. Malheureusement, les dates ne collaient pas. Nous avons donc interviewer Fabien au Château de Ligoure durant les Intestinales (rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique). Comme vous pouvez le deviner, la discussion a été longue et passionnante (presque 3 heures). Elle constituera sûrement une grande partie de notre podcast.

Merci à Fabien de nous avoir fait découvrir le chercheur, l’homme curieux et attentif, le sportif, le vulgarisateur hors-pair et l’artiste qu’il est !

Cliquez ici pour découvrir les travaux de Fabien Esculier :

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Marine Legrand & Philippe Van Assche

27 Mars 2022

Depuis Terrasson, nous empruntons les petites routes départementales afin de prendre de la hauteur. Nous voici passés en Corrèze désormais. Un paysage plus ouvert et une multitude de petits hameaux. Nous découvrons également que la Corrèze est un territoire producteur de fruitiers et notamment de pommes. La plus grande partie des fameuses « golden qui ne pourrissent jamais » vient du Limousin.

La magnifique pièce à vivre de la maison de Marine et Philippe
Philippe en train de reprendre la devanture de la libraire

Après une énième crevaison du pneu arrière de Victor, nous arrivons à Vigeois, petit village traversé par une rivière splendide, la Vézère. Nous retrouvons Marine et Philippe sur la place de l’église. On a la chance de rencontrer Elisa, leur petite fille arrivée en juillet dernier. Victor connaît Marine et Philippe depuis 2 ans désormais. Il les a rencontré dans le cadre du Réseau d’Assainissement Écologique, notre partenaire. C’est pourquoi, depuis le début, nous avions prévu d’aller découvrir le quotidien de ces deux personnes très impliquées dans la révolution à engager vis-à-vis de nos excrétas.

En effet, Philippe a pendant longtemps été administrateur salarié d’un écocentre nommé « Le Battement d’Ailes » situé non loin de Tulle. Il y a exercé les activités de maître composteur, loueur de toilettes sèches, chiotte master, formateur… Il a aujourd’hui créé son entreprise Oïkobat. Il installe ainsi des toilettes sèches et systèmes de traitement des eaux ménagères chez les particuliers et dans l’espace public. Il donne toujours des formations. En parallèle, Philippe reste très impliqué dans la vie locale puisqu’il a historiquement créé, avec une petite équipe, le journal « La Trousse Corrézienne ». Aujourd’hui, il développe une maison d’édition locale centrée sur la fiction, La Mérule. « La Mérule cherche à apprivoiser une fiction qui s’intéresse aux cloaques, miasmes et passions viscérales de nos existences ».

Philippe Van Assche
Vitrine du radeau de la Mérule

Marine, de son côté, est anthropologue au sein du programme de recherche OCAPI que nous avions découvert en début de voyage à Paris (voir premiers portraits). Elle s’intéresse à la prise en compte des enjeux écologiques dans l’aménagement des territoires. Elle a réalisé sa thèse sur la gestion différenciée des espaces verts . Depuis quelques années déjà, elle a réorienté ses recherches sur la gestion des urines et matières fécales en contexte post-industriel. Dans ce cadre, elle cherche à comprendre quelles relations nous entretenons avec nos excrétas dans un contexte où le tout-à-l’égout fait apparaître leur gestion comme une « boite noire ». Elle se demande quel rôle joue l’éducation, le parcours, le métier… dans notre vision de ces matières, et s’intéresse aux imaginaires nouveaux qui se déploient actuellement dans le monde de l’assainissement écologique.

Vous l’aurez deviné, Marine et Philippe sont animés par les lettres, le langage, la sociologie, l’art et la politique. Après une visite de Tulle et un repas dans un bon restaurant, nous avons réalisé leur interview au Radeau de la Mérule, une librairie d’occasion associée à la maison d’édition. Là, entouré de livres, nous avons pu découvrir et interroger la vision politique de l’assainissement écologique qu’ils ont su développer au fil des années.

Recueil de nouvelle édité par le radeau de la mérule
Marine Legrand

Leur accueil très généreux dans leur petit cocon familial nous a donné de bonnes jambes car nous avons filé droit jusqu’en Haute-Vienne le dimanche après-midi. On ne sentait presque plus le chargement des vélos. Le vent dans le dos nous a sûrement un peu aidés. Cela nous a permis d’arriver dans les premiers au rassemblement annuel du Réseau d’Assainissement Ecologique que l’on nomme « Les Intestinales ». Cette année, il avait lieu au Château de Ligoure, un endroit magnifique situé à quelques kilomètres de Limoges. Ce fut l’occasion pour nous de récolter de nouveaux contacts, d’échanger et de débattre sur les sujets qui nous rassemblent, de comprendre les dynamiques collectives qui se créent et de passer des moments conviviaux avec ce microcosme de l’assainissement écologique.

Merci à Marine et Philippe et à tous les membres du Réseau d’Assainissement Ecologique que nous avons pu croiser.

Interview avec Philippe dans la librairie du radeau de la mérule

Cliquez ici pour en savoir plus sur les recherches menées par Marine Legrand

Retrouvez La Mérule sur FB.

Cliquez ici pour découvrir le Château de Ligoure.

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Jonathan Schuite

25 Mars 2022

La rencontre avec Jonathan est rigolote. Il a entendu parler de notre aventure via LinkedIn. Étant lui-même auteur d’un blog sur les questions qui ont trait aux usages de l’eau, il s’est permis de nous faire un petit coup de pub en nous taguant dans l’une de ses publications. Sur le coup, nous avons été surpris. On s’est donc empressé de comprendre qui il était et où était située son entreprise. Et là, comme par miracle, on découvre qu’il habite aux alentours de Brive-la-Gaillarde, pile poil sur notre trajet. On le contacte donc au culot pour essayer de le rencontrer. Il nous répond tout de suite et nous propose même d’être hébergé chez lui le temps d’une nuit.

Une nuit sous tente quelque part dans le Périgord noir
Le centre historique de Terrasson à la tombée de la nuit.

Après Sarlat-la-Canéda, nous prenons donc la direction de Brive-la-Gaillarde. Changement de paysage, nous arrivons à la frontière entre le Périgord noir et la Corrèze. Avant d’arriver à Terrasson, Jonathan nous invite à passer visiter le tiers-lieu dans lequel il s’engage depuis 1 an. Il s’agit d’EcoCycle, un tiers-lieu situé à Saint-Amand-de-Coly, un tout petit village. C’est une ancienne auberge appartenant à la commune qui va être restaurée pour accueillir tout un tas d’activités centrées sur le partage et la revitalisation rurale, dont : un gîte d’étape pour les randonneurs, une activité de restauration collective, un espace de co-working, un atelier partagé (« FabLab »), des cafés-débats thématiques, etc. Un gros travail de rénovation est à faire et la définition des activités du tiers-lieu reste à clarifier. Toutefois, lorsque nous arrivons à EcoCycle, un atelier de troc et d’échanges de plants est en cours. Cela draine déjà de nombreuses personnes de la vallée. Le tiers-lieu nous offre la tisane. On papote un peu. Puis, on récupère les clés de la maison de Jonathan et on retourne sur les vélos parce que la nuit tombe dans 1h.

Avant d’arriver chez Jonathan, nous avons la chance de passer par le bourg de Terrasson et de traverser la Vézère sur le pont neuf. A la tombée de la nuit, le centre historique est splendide. Un vrai travail de mise en valeur des bâtiments a été effectué par la commune.

Comme de nombreuses personnes que l’on est amené à rencontrer, Jonathan est fan de voyage à vélo. Cela fait désormais 4 ans qu’il part au moins 15 jours par an avec sa compagne aux quatre coins de la France. Sur le plan professionnel, Jonathan est hydrogéologue. Il a d’ailleurs réalisé une partie de ses études à Montpellier. C’était drôle de découvrir que nous avons eu les mêmes enseignants pour certaines matières. Après son master 2, il a fait le choix de réaliser une thèse sur une méthode géophysique de caractérisation des aquifères fracturés à Rennes en Bretagne. Par la suite, il fût embauché en post-doc à l’école des mines de Paris afin de travailler sur la modélisation hydrologique du bassin de la Seine, un projet immense !

Un petit selfie avec Jonathan avant le départ pour la Corrèze

Pour des raisons personnelles, il a aujourd’hui quitté la capitale pour venir s’installer en Dordogne à Terrasson. Il a créé son auto-entreprise du nom de TerraScience dans l’objectif d’accompagner les collectivités territoriales sur la gestion de leur ressource en eau. Par ailleurs, il accorde beaucoup d’importance à la nécessité de créer du lien entre le monde de la recherche (généralement très urbain) et les milieux ruraux. Il cherche aujourd’hui à créer des ponts entre ces deux mondes voire même à envisager la création de pôles de recherches en milieu rural.

Vous l’aurez compris, Jonathan n’est pas un spécialiste de l’assainissement. Toutefois, la gestion de nos eaux usées est aujourd’hui très liée à la quantité d’eau que l’on consomme au quotidien. Nous en avons donc profité pour échanger sur : les usages de l’eau en France, les consommations d’eau au sein d’un foyer, le concept d’épuisement de la ressource en eau en contexte de changement climatique, la sobriété hydrique, la réutilisation des eaux usées traitées et l’absence de débat qui l’entoure, les effets rebonds possibles, etc.

Ce fût des échanges riches et un accueil fort sympathique. C’est la première fois que les réseaux sociaux que l’on tâche d’animer durant ce voyage, nous permettent d’être mis en contact avec des acteurs du monde de l’eau. Jusqu’ici, seul le bouche à oreille fonctionnait.

Cliquez ici pour découvrir le site web de TerraScience

Cliquez ici pour découvrir le site web d’EcoCycle

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Hélène Delroc

24 Mars 2022

Avant de remonter en Corrèze, nous avions quelques jours de flottement. Nous avions donc décidé de nous offrir un joli passage dans le Périgord noir. La région est magnifique ! Et puis, sans les touristes, c’est encore plus agréable. Au bout d’une centaine de kilomètres, nous arrivons à Sarlat-la-Canéda où nous logeons chez Pauline et Olivier. Ils viennent de rentrer de l’île de la Réunion et cherchent à créer une activité autour du compostage et des toilettes sèches. Merci à eux et leurs enfants pour l’accueil ! Nous avons même eu droit à une visite guidée de Sarlat-la-Canéda et à un bon rougail saucisse accompagné de son piment réunionnais.

Un super coin pique nique
Traversée de la Dordogne sur le Pont Eiffel

Merci en particulier à Olivier d’avoir passé un peu de temps sur notre site internet. Il est nettement mieux référencé sur Google grâce à lui.

C’est aussi grâce à Pauline que nous avons eu le contact d’Hélène. En effet, au cours d’une discussion, nous découvrons que Pauline connaît bien le Service Public d’Assainissement Non Collectif (SPANC) de la Communauté de Communes Sarlat-Périgord noir. Sitôt dit, sitôt fait, on l’appelle dans la matinée. Dès le premier contact, Hélène nous répond positivement. Elle nous invite à passer la rencontrer en début d’après-midi.

On arrive à l’accueil de la collectivité en cuissard et vêtements de sport. Hélène nous invite à nous installer à son bureau. Après une brève description de notre aventure, on décide de réaliser une rapide interview avant de repartir à vélo en direction du nord.

Enseigne de la mairie portant les couleurs du territoire
Cathédrale de Salart-la-Canéda

Hélène est ingénieure et responsable du SPANC de Sarlat depuis 2005. Elle connaît parfaitement le territoire. Une partie de son poste consiste également à travailler sur les eaux pluviales, l’eau potable et l’assainissement collectif pour la mairie de Sarlat. Sur l’assainissement non collectif, elle est toutefois épaulée par son collègue technicien, David.

Avec elle, nous avons pu comprendre le rôle du SPANC à l’échelle d’un territoire, découvrir les métiers qui y sont présents, aborder la réglementation nationale en ANC et l’efficacité des différentes installations existantes ainsi que la notion d’assainissement écologique. Nous avons aussi échanger sur l’importance qu’elle accorde à remplir une mission de service public.

En effet, le SPANC est l’un des services publics les moins cher en France. Tout usager a accès à ses services sous réserve d’une petite contribution financière annuelle. Quand il est bien géré, le SPANC propose une réelle expertise et un vrai conseil pour les travaux de construction de systèmes d’assainissement individuel. Il dispose notamment de la connaissance du territoire, des enjeux qui y sont liés et des contraintes qui peuvent s’appliquer sur un assainissement individuel.

Bureau de Hélène Delroc au SPANC de Sarlat-Périgord noir

Nous avons été étonnés qu’une collectivité ait bien voulu nous ouvrir ses portes si facilement. Cela tient surtout à Hélène qui a tout de suite accepté de nous recevoir entre deux réunions malgré l’énorme quantité de travail a réaliser sur ces territoires ruraux où les services sont souvent sous-dimensionnés. On espère avoir l’occasion d’interviewer d’autres services publics d’assainissement en France par la suite.

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La fumainerie

17 Mars 2022

Nous arrivons à La Rêverie vers 12h30, le temps de se prendre un truc à manger à la boulangerie au bout de la rue. On ne comprend pas très bien où l’on débarque au début. Il y a une cour d’école et des enfants partout qui font des ateliers divers et variés. À priori, c’est normal, l’association la fumainerie est basée dans un lieu à vocation mixte. Les bâtiments sont ceux d’un DITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) qui accueille (classe + hébergement) des enfants ou des adolescents présentant des difficultés psychologiques. L’institut partage ses locaux avec de nombreuses structures différentes. Tous les mardis, des temps sont organisés par les structures avec les enfants pour présenter leur activité et créer du lien. Cela permet également d’ancrer les enfants dans la réalité et de découvrir des domaines qu’ils ne soupçonnent pas.

Wassim en pleine collecte
Discussion devant le composteur Upcycle

L’association la fumainerie est unique en son genre. Elle s’est créée pour permettre l’élaboration d’un service publique de collecte et de gestion des matières issues de toilettes sèches. C’est la première fois qu’un tel service est développé en milieu urbain. A la base du projet, Ambre, une militante chevronnée qui voulait installer des toilettes sèches dans son appartement Bordelais. Pour cela, elle a rencontré Mathieu de l’entreprise Un petit coin de paradis qui loue des toilettes sèches en événementiel (cf article précédent). En rigolant, Mathieu lui avait rétorqué qu’il pourrait s’organiser de la manière suivante : quand le bac de matières de Ambre est plein, elle le met dans le tram et Mathieu le récupère au terminus ! La vraie réponse de Mathieu, était en réalité la suivante : débrouille toi pour créer un réseau de citoyen.ne.s motivé.e.s et revient me voir. C’est ce qu’Ambre a fait. Elle est allée voir de nombreux partenaires locaux et a développé La fumainerie. Son objectif principal : fédérer les acteurs de l’assainissement écologique en Gironde.

L’association porte aujourd’hui une expérimentation jamais vu en France à ce jour : installer des toilettes sèches dans des foyers volontaires et mettre en place un système de collecte des matières en vélo cargo. Gros défi ! Soutenue par la région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Gironde et la métropole de Bordeaux, l’expérimentation a démarrée en juillet 2020 pour une durée de 2 ans. Elle touche donc bientôt à sa fin. 35 foyers volontaires répartis dans différents quartiers de la ville de Bordeaux font partis de l’expérimentation. Cela représente environ 100 habitant.e.s.

Spécifiquement pour cette expérimentation, l’entreprise Un petit coin de paradis (voir article précédent) a conçu avec la fumainerie des boxes de toilettes sèches pouvant être installés dans à peu près n’importe quel appartement. Il s’agit de toilettes à séparation à la source. On s’assoit obligatoirement pour faire ses besoins. Un réceptacle à l’avant collecte les urines et les envoie dans un petit bidon situé sous l’assise dans lequel est ajouté 1 % d’acide lactique pour stabiliser l’urine. Les matières fécales vont à l’arrière et atterrissent dans un bac en plastique dans lequel on ajoute un peu de sciure à chaque passage. Un dossier en bois est ajouté à l’arrière de l’assise. Il permet de stocker la sciure sans prendre trop de place.

Pour les usagers, rien de plus simple, l’association est venue chez eux pour installer les toilettes en remplacement ou en ajout de leurs toilettes à eau. Les usagers disposent d’un compte sur une application spécialement conçue pour l’expérimentation. Sur celle-ci, les créneaux de collecte sont visibles et les particuliers peuvent s’y inscrire en fonction du niveau de remplissage de leurs bacs et bidons. Aujourd’hui, les habitants possèdent plusieurs bidons et bacs chez eux au cas où ils auraient oublié de s’inscrire. Chaque jour de collecte correspond à un ou plusieurs quartiers situés à proximité afin d’optimiser les parcours.

Toilette BIBOK installées chez les particuliers
Interview de Wassim

Du côté de la fumainerie, le salarié en charge de la collecte prend le vélo-cargo entreposé dans le local le plus proche du lieu de collecte et entame ensuite sa tournée, comme le facteur. 5 minutes avant son arrivée, il envoie un SMS à l’usager pour l’avertir de sa venue. Nous avons eu l’occasion de suivre Wassim, l’animateur du réseau, lors d’une collecte et de le voir manier avec brio le vélo-cargo. Il doit peser pas loin des 150 kg en fin de collecte. Les matières sont ensuite transportées au local le plus proche. Les urines sont stockées dans des grandes cuves avant valorisation. Pour les matières fécales et la sciure, l’association s’est dotée, depuis peu, d’un composteur électromécanique développé par la marque française Upcycle. Les matières sont donc envoyées dans ce composteur. Ce dernier en sort du magnifique compost au bout d’à peine 15 jours. Le compost est ensuite redistribué aux usagers et la boucle est bouclée !

Le lancement de l’expérimentation a été suivi par l’équipe de recherche OCAPI et fait l’objet d’études sur l’expérience utilisateur par d’autres chercheurs de l’école de commerce Kedge Business School. Les points étudiés sont le modèle économique pouvant être imaginé derrière un tel système de collecte ainsi que des enquêtes sociologiques. Nous présenterons les résultats de toute cette expérimentation dans notre podcast, on ne vous en dit pas plus pour le moment.

L’expérimentation s’arrête en septembre 2022. Après discussion avec plusieurs usagers, ces derniers souhaiteraient continuer. Ils en sont très contents. Le problème étant que sans subvention, le service publique de collecte testé tel qu’il est aujourd’hui serait trop cher. L’association est donc en pleine réflexion sur la suite de son existence.

En parallèle de l’expérimentation, la fumainerie a développé d’autres activités. Elle a accompagné 2 crèches de Bordeaux dans l’installation de toilettes sèches pour les tout petits. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’opportunité de les visiter. De plus, elle accompagne Bordeaux Métropole dans des projets de précarités sanitaires, notamment sur un camp de roms bulgares dont nous avons parlé dans un article précédent. À l’échelle du territoire, elle tisse des liens avec de nombreux acteurs en particulier pour la création de la MAison de la Matière Organique (MAMMO) dont font parties les structures suivantes : Récup’ Bokashi Aquitaine, Un petit coin de paradis, la fumainerie et Mundao. Il s’agit de créer une coopérative d’intérêt collective visant la mise en commun des outils de production pour un retour au sol efficace des nutriments issus de la collecte des matières organiques oubliées de la métropole (couches, litières végétales, bokashi).

Comme vous avez pu le voir dans les différents articles, en Gironde, il existe aujourd’hui tout un écosystème d’acteurs pouvant répondre à chacune des étapes d’un modèle d’assainissement plus écologique : la sensibilisation et la construction d’un réseau territorial (la fumainerie), la construction et l’installation (Un petit coin de paradis), la collecte (la fumainerie et Un petit coin de paradis) et la valorisation (Toopi Organics). C’est très inspirant !

Merci à la fumainerie de nous avoir accordé tout ce temps et en particulier à Wassim pour la collecte.

Cliquez ici pour accéder au site de La Fumainerie

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Lionel Jordan-Meille

16 Mars 2022

Sur la route, on nous a donné le contact d’un chercheur de l’INRAE de Bordeaux en nous disant : « tenez, allez le voir. Il est très intéressant à écouter. » Chose dite, chose faite. Un coup de téléphone et Lionel nous donne un horaire et une date. Il s’est tout de suite rendu disponible.

N’ayant pas de téléphone portable, Lionel nous donne rendez-vous au miroir d’eau sur les quais de la Garonne. Comme nous, il est à vélo. Il a une magnifique selle Brooks qui a vu du pays. Le temps est froid et la nuit est en train de tomber. Lionel connaît un bar dans lequel on pourra réaliser l’interview tranquillement. C’est la première fois que l’on enregistre dans un bar. On appréhende un peu le fond sonore et les bruits pouvant parasiter l’interview. On s’installe finalement à l’étage où il n’y a personne. Le lieu est parfait. L’interview commence assez rapidement. Il promet d’être passionnant !

Lionel Jordan-Meille est chercheur à l’Institut National de Recherche en Agronomie et Environnement (INRAE) et enseignant à Bordeaux Sciences Agro, école d’agronomie de Bordeaux. Dans ses cours, il enseigne aux étudiants les différents cycles de nutriments existants et toutes les spécificités nécessaires à la bonne alimentation d’une plante. Pour nous avoir raconté les formats de cours qu’il a développé pour rendre intelligible ces différents sujets, c’est sûrement la meilleure personne à interviewer pour vulgariser les sujets de nutrition des plantes.

Lionel Jordan-Meille – enseignant-chercheur à Bordeaux Sciences Agro

Ses premières recherches portent principalement sur les apports en phosphore et potassium chez les végétaux. Depuis, ses sujets ont légèrement évolués puisqu’ils abordent de plus en plus les liens pouvant exister entre l’agriculture et l’énergie ainsi que l’importance d’une bonne nutrition des végétaux en situation de stress hydrique. Il a notamment réussi à confirmer qu’une plante en carence de potassium résistait moins bien à une situation de stress hydrique. Ce type de résultat est très important, notamment dans la situation vers laquelle on évolue avec le réchauffement climatique et les périodes de sécheresse intense qui nous attendent.

Avec Lionel, nous avons donc pu parler de : cycles biogéochimiques, d’épuisement des réserves de phosphore, de quantités de matières organiques produites en France, de biostimulants, de méthanisation et des évolutions du modèle agricole actuel.

En plus de ces activités d’enseignement et de recherches, Lionel Jordan-Meille est président de l’association COMIFER, le Comité Français d’Etudes et de Développement de la Fertilisation Raisonnée. C’est une association qui rassemble de nombreux professionnels de la fertilisation. Elle constitue des groupes de travail se réunissant plusieurs fois par an sur des thématiques très précises telles que la fertilisation azotée, la fertilisation organique et biologique des sols, les produits résiduaires organiques, etc. Les travaux réalisés par ces groupes de travail aboutissent généralement à des publications. Le COMIFER est un peu l’organisme de référence pour produire de la documentation technique en matière de fertilisation en France. Nous avons donc frappé à la bonne porte.

Interview à l’étage du bar le Saint-Georges

Cet entretien a été assez marquant pour nous. Il nous a permis de prendre vraiment conscience de l’urgence qu’il y a à trouver de nouveaux intrants agricoles et de nouvelles méthodes pour fertiliser nos sols. Sur le phosphore, l’enjeu est immense puisque les mines de phosphore seront épuisées dans les décennies à venir et que c’est un élément minéral que l’on ne peut pas substituer. Une des phrases marquantes de cet entretien est lorsque Lionel a dis : « Vous êtes en train d’aborder LE sujet qui permettra la survie de l’humanité s’il est résolu. » Rien que ça…

Petite anecdote marrante : un moment donné, les serveurs du bar ont balancé de la musique à fond (« bande organisée ») alors qu’il n’y avait personne dans le bar. On espère que cela n’a pas trop pourri notre interview et qu’ils se sont bien amusés. C’était tellement drôle comme décalage.

Merci à Lionel de s’être rendu si disponible. On espère rester en contact avec lui et pouvoir continuer à échanger avec son équipe de recherche ainsi qu’avec le COMIFER.

Cliquez ici pour accéder au site du COMIFER.

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Un petit coin de paradis

16 Mars 2022

Comme dans toutes les villes où nous nous arrêtons, nous continuons à nous déplacer à vélo. C’est plus simple et comme ça, nous n’avons pas à payer les transports en commun. Avec surprise, nous découvrons la grande quantité de pistes cyclables présentes à Bordeaux, rien à voir avec Marseille, Montpellier ou Toulouse. C’est tout de suite plus agréable de prendre les vélos !

Ce matin, nous partons en direction d’Eysine, une commune limitrophe à Bordeaux. Nous y retrouvons Mathieu, un des associés de l’entreprise « Un petit coin de paradis ». Au début de l’histoire, deux copains décident de monter une activité de location de toilettes sèches autour de La Rochelle. Après quelques années de développement, Mathieu a l’occasion de travailler une saison entière dans l’entreprise et apprend que les fondateurs veulent arrêter. Il décide donc d’associer son colocataire de l’époque Fabrice et de rependre l’entreprise. Il la rapatrie à Bordeaux dans l’objectif de pouvoir rayonner plus largement. Il est important de rappeler que les toilettes sèches n’étaient pas encore si répandues dans les festivals à l’époque.

Belle pièce à vivre de l’entreprise
Interview de Mathieu

L’activité historique d’Un petit coin de paradis est donc la location de toilettes sèches pour l’événementiel. Il s’agit d’un métier saisonnier. Aujourd’hui, l’entreprise a 5 salariés tout au long de l’année et recrute plusieurs saisonniers de mars à octobre. Elle construit ses propres toilettes sèches en bois OSB facilement démontables et transportables. Généralement, elle arrive environ 1 jour avant le début de l’événement pour installer les toilettes et repart 1 jour après pour les démonter. Durant le festival, elle assure le nettoyage des cabines, la vidange des bacs et fait beaucoup de sensibilisation auprès du public. Leur secret ? La mise en place d’un bar à eau au niveau des cabines pour engager la conversation.

Les toilettes installées par Un petit Coin de Paradis sont des toilettes sèches traditionnelles où les urines et matières fécales sont stockées dans un bac situé sous l’assise dans lequel on ajoute de la sciure à chaque utilisation. Après l’événement, les matières et la sciure sont mises dans une grande benne qui part ensuite en plateforme de compostage près de Bordeaux. A côté des toilettes, des urinoirs (masculins et féminins) sont aussi installés. L’urine est dans ce cas récupérée et transférée à l’entreprise Toopi Organics (voir article précédent) pour valorisation. 

Depuis la crise sanitaire et l’absence d’événements culturels, Un petit coin de paradis a développé une seconde activité lui permettant d’avoir du travail toute l’année. Il s’agit de l’installation de toilettes sèches sur les chantiers BTP. Les ouvriers du bâtiment sont finalement assez demandeurs de ce type d’installation. Elles sont bien plus appréciées que les toilettes chimiques mises en place habituellement.

Cabines de toilettes sèches unitaires de festival
Urinoir féminin Marcelle

L’entreprise est également en charge de la gestion de plusieurs toilettes sèches publiques (type sanisphère ou Kazuba) sur le territoire de Bordeaux Métropole. Le métier est ici différent puisqu’il s’agit principalement de l’entretien et de petites réparations sur les installations. Mathieu déborde d’idée et d’imagination. Il a toujours quelque chose en tête qu’il souhaite améliorer ou développer. Depuis deux ans, ce sont les toilettes à séparation. Il a développé un caisson (BIBOK) et des contenants simples pour l’expérimentation portée par l’association La Fumainerie (voir prochain article). Il s’agit ici d’un réceptacle à urine en céramique intégré directement à la toilette. Ce travail effectué avec un céramiste permet aujourd’hui de vendre le séparateur à urine aux particuliers aujourd’hui (plus haute gamme et qui se rapproche plus de l’urinoir que l’on connaît). C’est notamment Franck qui est en charge de sa commercialisation. Cette année, les ventes de ce séparateur en céramique ont explosées. Tout le monde cherche à recycler son urine. Allez savoir pourquoi !

Depuis peu, Un petit coin de paradis installe également des toilettes sur des camps précaires. En partenariat avec le CCAS de la Ville de Bordeaux et l’association la fumainerie, l’entreprise a mis en place des toilettes sèches sur deux camps situés sur les quais de la Garonne. Nous avons eu l’occasion de pouvoir visiter ces bidonvilles. Ils sont entourés de pleins d’immeubles tout neufs ! Il s’agit d’un quartier concerné par les grands plans de la métropole dont l’objectif est d’agrandir la ville et d’accueillir toujours plus d’habitants. C’est un peu étrange de retrouver ces bidonvilles au milieu de tout ça.

Toilettes sèches dans un bidonville
Collecte des matières des bidonvilles

Dans le premier bidonville, entre 180 et 200 personnes d’origine roms bulgares vivent dans leurs caravanes sous un hangar. La collectivité y a permis un accès à l’eau et à l’électricité. Le camp est plutôt bien géré, notamment grâce à l’intervention d’une médiatrice bulgare qui facilite l’accès aux soins et l’organisation du lieu. Le jour de la visite, les toilettes sont en place depuis 1 mois. Elles sont réparties entre les différentes familles du camps. Une certaine autonomie est donnée aux usager.e.s puisque ce sont eux qui doivent sortir leur bac contenant les matières et l’amener à l’entrée du camp pour que le camion puisse les collecter. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’ils peuvent récupérer du papier toilette, de la sciure et de nouveaux bacs propres pour la semaine suivante. Aujourd’hui, ce rituel est globalement bien respecté par les habitant.e.s. En revanche, nombre d’entre eux ne mettent pas assez de sciure ce qui peut entraîner des odeurs. Comme sur le camps de Toulouse, les matières récoltées sont très liquides et traduisent de personnes en mauvaise santé.

Sur l’autre bidonville, la médiation et l’ingénierie sociale n’est pas aussi bien mise en place. Les installations sont donc moins bien gérées par les habitant.e.s. Cela rend le métier vraiment difficile et ingrat pour les salariés d’Un petit coin de paradis. Pour avoir fait la collecte avec eux, ça retourne le bide !

Interview devant la « benne à caca »
Local de stockage des installations

Après un bon petit repas dans les locaux d’Un petit coin de paradis, nous avons la chance de pouvoir participer à l’installation de leurs toilettes sèches dans le lieu Darwin. Tous les mercredi, Darwin Ecosystème organise des concerts. Il s’agit d’une ancienne caserne militaire étant restée une friche urbaine jusqu’à ce que l’équipe de Darwin décide de racheter l’ensemble. Aujourd’hui, de nombreux acteurs et activités y se partagent l’espace : micro-brasserie, café/bar, espace de coworking que se partage plusieurs entreprises dont les bureaux d’études Vertigo Lab et le Sommer Environnement, une librairie, une fripe, un atelier vélo hors de prix, un magasin de la marque de chaussure Vega, un skatepark, etc. Nous gardons une expérience mitigée de Darwin. C’est un lieu où tout le monde est globalement bien habillé et où tout est cher. On comprend vite qu’il attire plutôt les classes sociale supérieures et promeut une certaine écologie. Nous n’étions pas très à l’aise à évoluer dans ce lieu. En partie car Darwin est situé à seulement 300m des camps précaires que nous avions pu visiter la veille…

Pour conclure, Un petit coin de paradis nous a apporté une vision très intéressante du développement de l’assainissement écologique en territoire Bordelais. En effet, depuis que la collectivité est passée aux mains des verts, les projets pullulent. De plus, tout un écosystème commence à se mettre en place sur le territoire avec des acteurs comme La Fumainerie, Toopi Organics et la MAison de la Matière Organique (MAMO), dernier projet soutenu par la métropole.

Cliquez ici pour accéder au site de l’entreprise Un petit coin de paradis.

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Toopi Organics

14 Mars 2022

Après 3 jours de vélo intense dans les landes et le bassin d’Arcachon, nous arrivons rincés à La Réole chez Franck. Malgré la fatigue, nous sommes tellement fiers d’avoir réussi à enchaîner 350 kilomètres sur 3 jours tout en tractant chacun 45kg de matériels et vélo. On a eu la pluie et le froid. Malgré ça, nous avons eu la chance de découvrir la dune du Pilat sous un soleil de plomb.

Franck est salarié de l’entreprise « Un petit coin de paradis » dont nous reparlerons dans un prochain article. Il habite en colocation dans un lieu incroyable au sud de Bordeaux. Lui et sa bande de copain.e.s ont acheté un lieu ensemble l’année dernière. Il s’agit d’une très belle bâtisse perchée en haut d’une colline avec vue sur la vallée dessinée par la Garonne. Franck nous régale avec ses flamenkuches faites maison et son fondant au chocolat/potiron. On a même l’occasion de visiter la tiny house posée au milieu des hectares en pleine conversion pour accueillir du maraîchage bio et des vergers. 

Pourquoi avons-nous fait ce grand détour par la Réole au lieu de tracer tout droit à Bordeaux ? Tout simplement car nous sommes allés rencontrer la start-up Toopi Organics à Loupiac-la Réole.

Dès 9h, nous arrivons à vélo dans ce parc d’activité situé en bordure du village. Avec la proximité de l’axe autoroutier Bordeaux-Toulouse et la ligne de TER Bordeaux-Agen, ce territoire est en plein expansion. Il attire de plus en plus d’habitants et entreprises.

Entrée principale de Toopi Organics
Échantillons d’urine et de bactéries

Toopi Organics s’est créé en 2019 par l’association de 3 personnes : deux entrepreneurs et un chercheur. Après un peu plus de 2 ans d’existence, la start-up est aujourd’hui composée d’une vingtaine de salariés. Elle a réussi à lever des fonds jamais vu auparavant dans la domaine de l’assainissement écologique. De gros investisseurs croient aujourd’hui dans l’avenir de cette entreprise.

Que peut-elle donc développer ? En réalité, le principe est assez simple. Toopi collecte de l’urine brute en grande un peu partout en France. Elle utilise ensuite cette urine comme substrat pour cultiver différentes bactéries. Le produit final que propose l’entreprise est donc un produit à base d’urine contenant une concentration importante de bactéries pouvant être utilisées en agriculture.

La stratégie de Toopi est d’identifier des lieux où la ressource en urine est la plus importante tels que les Établissements Recevant du Public (lycées, écoles, bureaux, lieux touristiques, aires d’autoroute, etc.). Sur la partie collecte, l’entreprise met en lien les constructeurs de dispositifs de collecte avec les maîtres d’ouvrages. Une fois le bâtiment déconnecté du tout-à-l’égout et l’ouvrage à séparation installé (des urinoirs secs par exemple), Toopi y dispose une cuve de collecte contenant un petit peu d’acide lactique (1% du volume) permettant de stabiliser l’urine et ainsi d’éviter les odeurs. Petite anecdote marrante, Toopi a installé des urinoirs secs au Futuroscope de Poitiers. Et ça, pour l’assainissement écologique, c’est une sacré publicité !

Visite des locaux avec Quentin
Cuves d’urine brute stabilisée

Une fois la cuve pleine, Toopi la transporte jusque dans ses locaux. Arrivée à Loupiac, l’urine y subit une première étape de filtration simple avant d’être envoyée dans un réacteur. Un peu de sucre et une petite montée en température, et on aboutit à une milieu de culture parfait pour les bactéries. Au bout de quelques semaines, le produit est prêt à être utilisé.

Les bactéries cultivées par Toopi peuvent être utilisées en agriculture pour :

  • améliorer la fixation de l’azote par les plantes ;
  • améliorer la fixation du phosphore par les plantes ;
  • et prévenir de certaines maladies ;

Ce type de produit est appelé un biostimulant. Il s’agit d’une solution liquide contenant des bactéries ou des champignons permettant de stimuler le processus de nutrition des végétaux. Aujourd’hui, de nombreux biostimulants sont développés par l’industrie agrochimique. Toutefois, ces produits sont relativement récents, coûtent chers et ne font pas encore l’unanimité chez les agronomes. En effet, les bactéries ou champignons de ces biostimulants sont exogènes aux sols dans lesquels ils sont introduits. Ainsi, une concurrence forte se met en place entre les micro-organismes déjà présents dans le sol (endogènes) et les organismes introduits (exogènes).

Lorsqu’ils ont un impact significatif, ces produits peuvent potentiellement améliorer le rendement d’une culture. Ils sont suffisamment simple d’utilisation puisque pour certains, il suffit d’utiliser 20 litres pour 1 hectare de culture. En revanche, il s’agit encore d’un produit supplémentaire à acheter chaque année par l’agriculteur. Ce qui peut représenter un coût important pour l’exploitant. En sachant que ce produit n’enlève en rien la nécessité d’apporter des nutriments (engrais) à la culture.

Cuves d’ensemencement des urines
Culture de bactéries

Sur ce point, l’innovation de Toopi serait de réduire drastiquement le coût de tels produits s’ils sont fabriqués à base d’urine collectée gratuitement. Les tests agronomiques effectués par l’entreprise montrent aujourd’hui des résultats encourageant, en particulier sur la culture du maïs, un enjeu important dans le sud-ouest. A ce jour, Toopi n’a pas encore obtenu d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en France. L’entreprise ne peut donc pas encore vendre ses produits. Toutefois, la démarche est en cours et devrait aboutir dans les mois qui viennent.

Vous l’aurez compris, Toopi prend une place unique en France dans le domaine de l’assainissement. En effet, c’est la première fois qu’un acteur se positionne comme valorisateur direct de nos excrétions. Pour le moment, dans le modèle économique de Toopi, l’urine reste perçue comme un déchet puisqu’elle est collectée gratuitement. En revanche, à terme, peut-on espérer la considérer comme une ressource et que celle-ci soit achetée par des valorisateurs ? Une belle réflexion en perspective…

Nous avons très bien été reçu par Toopi durant cette matinée. Nous avons eu droit à une visite complète de leurs locaux et de longs échanges avec Mickaël et Quentin. Après le repas, une partie de foot s’improvise avec l’équipe. C’était très convivial et ça nous a bien mis en jambe pour le vélo ! Malheureusement, quand la partie se termine, l’après-midi est déjà bien avancée. Nous n’aurons pas le temps de rejoindre Bordeaux à vélo. Nous décidons de nous faciliter l’entrée de la métropole en prenant le train à partir de Langon. A nous les cannelets gavés bons !

Cliquez ici pour accéder au site de Toopi Organics

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Ecocentre Pierre & Terre

8 Mars 2022

Comment résumer l’accueil formidable que nous a fait l’équipe de Pierre & Terre ? C’est une mission délicate que je vais essayer d’accomplir dans les lignes qui suivent.

Un jour avant notre arrivée, nous quittions l’Ariège par le col de Portet d’Aspet (1069m d’altitude). Après une étape à Burg dans la famille Nousse à quelques kilomètres de Lannemezan, nous pédalons en direction du Gers. Le bassin relativement plat de l’Adour remplace le relief des Pyrénées. Nous découvrons un paysage très agricole composé de petites collines dont les crêtes constituent des points de vue incroyables sur la barre pyrénéennes. Par temps clair, il est possible d’apercevoir à l’est la vallée d’Aspe, et à l’ouest la vallée d’Ossau.

Nous arrivons à l’écocentre vers 17h30. Christophe, son directeur, nous accueille avec joie. Il se trouve que nous débarquons en même temps que deux nouvelles personnes en service civique. Tous ensemble, nous faisons donc une rapide visite du site. Tout le temps de notre séjour, nous aurons ainsi chacun notre caravane et serons en colocation avec Elie, en stage à l’écocentre, Noémie et Clarisse, les deux services civiques. On sent vite à quel point nous pourrons être autonomes durant notre séjour. C’est très agréable pour nous.

Visite de la maison de Claude
Face nord de l’écocentre au coucher de soleil

L’écocentre Pierre & Terre est situé à Riscle dans le département du Gers en plein pays Gascon, en bordure des départements des Landes et des Hautes-Pyrénées. Née en 1997 d’une volonté de mettre en valeur et de préserver le terroir du pays Gascon, l’association aborde tout un tas de sujet du territoire allant de la biodiversité à l’alimentation, en passant par l’éco-construction et la gestion de l’eau. Aujourd’hui composée d’une dizaine de salariés et services civiques, l’association réalise des activités :

  • de sensibilisation du grand public ;
  • d’accompagnement technique à la construction ;
  • d’aide aux plus démunis ;
  • d’animations scolaires.

Au-delà des parties techniques, l’écocentre considère le volet social comme faisant partie intégrante de l’écologie. C’est pourquoi, il est également un centre social. Il emploie ainsi une assistante sociale qui accompagne les plus démunis. De plus, une partie des accompagnements techniques concernent des situations de précarité énergétique.

Texture et enduits
Visite mensuelle de l’écocentre

La grande force de Pierre & Terre ? Son ancrage territorial et sa volonté de « faire avec ce qui nous entoure ». Cela se retrouve notamment dans le bâtiment principal de l’écocentre réalisé à partir de matériaux locaux tels que la paille porteuse, la terre crue et du bois local. Cette infrastructure est incroyable. En plus, elle possède un bilan énergétique positif grâce à :

  • un agencement des pièces défini par usage ;
  • une bonne orientation du bâtiment et de ses ouvertures ;
  • un angle de toit pensé en fonction de la luminosité ;
  • 70 cm d’isolation extérieure ;
  • un chauffage de l’eau par des panneaux thermiques et passage de l’eau chaude dans un mur en pisé situé au centre du bâtiment ;
  • et une production d’électricité par une mini-éolienne et des panneaux photovoltaïques (revente en direct) ;

Quand nous y étions, il faisait chaud dans le bâtiment alors que le poêle à bois (en appoint si nécessaire) n’avait jamais été utilisé cette année. De plus, le ressenti au sein d’un bâtiment en paille et terre crue n’est pas le même qu’ailleurs. C’est très chaleureux. On s’y sent bien.

Côté gestion de l’eau, l’écocentre récupère, stocke et traite son eau de pluie. Les eaux ménagères sont renvoyées actuellement dans un système de filtres plantés et des toilettes sèches sont installées à l’extérieur.

Le théâtre Spirale sous un arc-en-ciel
Infusion de mimosa lors de l’atelier plantes sauvages comestibles

Ce bâtiment attise d’ailleurs la curiosité d’un grand nombre de personnes. En effet, 1 fois par mois, l’écocentre ouvre ses portes au grand public. Par chance, nous avons pu participer à l’une de ces visites. Le jour d’avant, Anaïs (technicienne habitat à l’écocentre) proposait aux particuliers du territoire d’aller visiter deux maisons éco-construites. Merci à Claude, Didier et Christine de nous avoir ouvert la porte de leurs maisons. C’était de beaux moments d’échanges et de partage d’expériences. Pour nous, c’était aussi l’occasion de découvrir le filtre à broyat de bois, un des meilleurs moyens qui existe aujourd’hui pour traiter les eaux ménagères.

Le week-end qui suivit, nous avons continué dans cette dynamique en participant à deux ateliers menés par Marc : la nuit de la chouette et une cueillette de plantes sauvages comestibles. Dans le premier, nous avons eu la chance d’entendre une chouette hulotte et une effraie. Dans le second, nous avons appris à reconnaître certaines plantes et à cuisiner collectivement un plat phénoménal à partir des plantes sauvages cueillies.

Vous l’aurez compris, l’écocentre Pierre & Terre a une approche qui se veut systémique et transdisciplinaire. Concernant l’assainissement écologique, c’est l’un des acteurs majeurs du territoire national. Il participe grandement à l’évolution de la réglementation en matière d’assainissement non collectif (ANC) et accompagne de nombreux acteurs à l’installation de toilettes sèches  (publics et privés). C’est pourquoi, durant notre séjour, nous avons souhaité interviewer Christophe et Perrine. Leurs magnifiques accents viendront rythmer les épisodes du podcast. Nous en sommes ravis.

Interview de Christophe Merotto
Interview de Perrine Vrielynck

Pour finir, si les sujets de l’éco-contruction et de la biodiversité vous attirent, nous vous conseillons d’aller fouiller le site internet de l’écocentre. Vous y trouverez un nombre important de documentation et plans en open source vous permettant de construire votre projet vous-mêmes.

A quelques mètres de l’écocentre, est également implantée l’association Spirale. Elle possède une salle de spectacle ainsi que des espaces pour accueillir des artistes en résidence et une cuisine professionnelle. Spirale est l’un des principaux lieux culturels de cette partie du Gers. Des conférences, ciné-débats, spectacles et concerts y sont programmés toute l’année. Au mois de juillet, un festival est organisé par Spirale. Il rassemble plus de 1000 personnes sur 3 jours. C’est l’événement à ne pas manquer !

Finalement, les quelques jours prévus initialement se sont transformés en 1 semaine. Cela nous a permis de prendre du temps pour donner un petit coup de neuf à notre site internet et finaliser les quelques trucs que nous avions mis de côté par manque de temps.

Un grand merci à toute l’équipe de l’écocentre pour son accueil et sa générosité.

Cliquez ici pour aller sur le site de l’éco-centre

Cliquez ici pour aller sur le site de Spirale

Coucher de soleil sur la face sud de l’écocentre

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Association Terr’Eau

26 Février 2022

Quelques jours avant notre départ de Toulouse en direction de l’Ariège, j’appelle Didier au téléphone. Il avait complètement oublié que nous débarquions ce week-end chez lui. Il avait même d’autres choses de prévu dans un département voisin. L’espace d’une journée, nous avons donc remis en question notre passage en Ariège. C’était un petit ascenseur émotionnel, nous devons l’avouer.

Finalement, Didier a réussi à s’organiser autrement et nous, à arriver 1 jour plus tôt. Nous sommes ravis d’avoir pu rencontrer cet homme à l’écoute, calme et très dynamique. Après 110 km le long de la Garonne, puis du Salat, nous arrivons à Saint-Girons. La maison de Didier est le siège social de l’association Terr’Eau. Une pièce au rez-de-chaussée est réservée à des activités associatives et artistiques. Au-delà d’être un des membres fondateurs de cette association, Didier fait partie d’un groupe de musique traditionnelle, de deux groupes de chant, de la coordination vélo Couserans, de la Tontinette (Terre de Lien local) et d’autres dynamiques de lutte contre le rouleau compresseur capitaliste comme il aime le décrire.

Interview de Didier
Marché de Saint-Girons

D’ailleurs, à peine les vélos posés, nous partons à Castelnau Durban pour participer à une soirée de soutien à une famille géorgienne arrivée dans la région deux ans auparavant. Le père, fonctionnaire de l’état géorgien, fût obligé de fuir son régime suite à de nombreuses menaces sur sa famille. Aujourd’hui, la famille vit dans une maison abandonnée au sein d’un hameau, qui a été ouverte pour elle par des paysans du coin. Un collectif s’est créé pour acheter la maison en question. L’objectif à terme, est de créer un espace pour accueillir des personnes en détresse et de pouvoir ainsi leur proposer un logement. Le projet se nomme la Maison des Solidarités. N’hésitez pas à soutenir leur campagne de financement participatif (lien à la fin de l’article). La soirée fût rythmée par les chants, les danses et un repas géorgien succulent.

Le samedi matin, nous avons pu profiter du marché de Saint-Girons. C’est un événement très animé dans le pays couserans car il s’agit du seul moment de la semaine où tous les habitants descendent de leurs vallées pour se retrouver. Même en plein hiver, le marché est très grand. On y retrouve des musiciens et artisans en tout genre. C’est dans cette ambiance festive que l’on a vraiment pu sentir le caractère dynamique et militant de l’Ariège.

Après toutes ces découvertes, nous avons pu nous installer tranquillement dans l’espace qu’occupe Didier dans des jardins ouvriers. Il faisait beau. Pas un nuage. Nous étions entouré des montagnes enneigées tout en étant en petit pull en fond de vallée. Là, nous avons posé les micros et discuté pendant une paire d’heures.

L’histoire débute avec l’explosion de l’usine d’AZF (fabriquant d’engrais azotés) en 2001. Pour le 2° anniversaire de cet accident majeur, un petit groupe d’ARESO (Association Régionale d’Éco-construction du Sud Ouest) a installé des toilettes sèches à la Prairie des filtres, en plein centre de Toulouse. Une belle manière de rappeler que nous n’avons pas besoin de ce type d’usine en recyclant nos nutriments en agriculture. Cette action militante a remporté un grand intérêt de la part du public. Cela a donné envie à ce groupe de mettre  en place une activité de location de toilettes sèches pour des manifestations publiques sous le nom de « Justin Cagadou ». Cette activité a ensuite été portée par « L’atelier blanc » et, en février 2007, ce groupe informel a donné naissance à l’association Terr’Eau. Celle-ci a pour objectif de sensibiliser le grand public aux enjeux de l’assainissement écologique. Avec le temps, l’association a déménagé en Ariège et a suspendu la location de toilettes sèches qui ne lui paraissait plus un outil de sensibilisation efficace.  Elle s’est tournée vers la formation et l’accompagnement de particuliers et de collectifs à la réflexion et à l’auto-construction de systèmes d’assainissement non-collectif simples, adaptés à chaque situation, efficaces et sobres en matériaux.

Coucher de soleil sur les Pyrénées
Interview dans le jardin de Didier

En parallèle, Terr’Eau a réalisé plusieurs actions sur la précarité sanitaire. Avec l’association « Toilettes Du Monde », elles faisaient partie des organismes référents sur le sujet. Ces deux structures ont d’ailleurs mis en valeur leurs expériences en rédigeant le Guide d’Accompagnement participatif sur la Précarité Sanitaire en France (GAPS). Il s’agit d’un document très complet qu’il faut absolument s’approprier avant la réalisation d’un projet de précarité sanitaire. Une méthode claire et précise y est développée. Si l’on grille l’une des étapes décrites dans ce document et en particulier celle du diagnostic, il y a de grandes chances pour que le projet n’aboutisse pas. La précarité sanitaire est un sujet complexe. L’accompagnement de ces populations prend du temps et il n’y a pas de solution unique.

En matière de sensibilisation, au-delà des différents événements et outils de communication réalisés par l’association Terr’Eau, celle-ci a développé un jeu de société autour des thématiques de l’eau et de l’assainissement. Ce jeu s’appelle « In Excremis, le quizz de Terr’Eau ». Il s’agit d’une sorte de trivial pursuit qui peut se jouer en mode coopération ou compétition. Nous avons pu l’expérimenter. Malgré notre connaissance du sujet, nous y avons appris plein de choses. Le jeu est très bien sourcé et permet à tout un chacun d’aller facilement chercher l’information si on le souhaite.

Nous quittons Didier avec tristesse pour nous enfoncer plus loin dans les montagnes à Castillon-en-Couserans. Nous y retrouvons des copains en colocation qui, comme tous les gens de ces vallées, vivent de pas grand chose si ce n’est de l’entraide et de la débrouille.

Le lendemain, nous ferons le col de Portet-d’Aspet. Il faudra pousser fort sur les pédales pour arriver à passer les pentes à plus de 10% avec les sacoches !

Cliquez ici pour accéder au site de l’association Terr’eau.

Cliquez ici pour accéder au Guide d’Accompagnement participatif sur la précarité sanitaire (GAPS)

Participez à la campagne de crowdfunding de la maison des solidarités

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Maaneo

22 Février 2022

C’est par la réception d’un mail que nous entendons parler de François Cornet et de son entreprise Maaneo. En effet, notre communication sur les réseaux sociaux et associatifs commencent à porter ses fruits. Nous recevons de plus en plus de noms et coordonnées de personnes à contacter qui pourraient nous intéresser. Parmi tous ces contacts, Maaneo a toutefois attiré notre attention. Cette entreprise développe un procédé d’extraction du phosphore sur les systèmes de traitement actuel.

Nous avons donc pris contact avec François et convenu d’un rendez-vous lors de notre passage à Toulouse. Par le plus grand des hasards, il se trouve que François est aussi un passionné de vélo. Il a notamment voyagé à vélo dans toute l’Amérique latine durant quelques années et par la suite en famille avec ses enfants dans la carriole ou sur leur vélo suivant l’âge. Nous avons même eu l’opportunité de découvrir le vélo avec lequel il a effectué tous ses voyages et qui lui permet aujourd’hui d’aller au travail en 20min.

Interview de François Cornet

En réalité, c’est à Montrabé, en banlieue de Toulouse, dans les nouveaux locaux de Maaneo qu’a lieu notre rencontre. François Cornet est à la base ingénieur de l’Office National des Forêts (ONF) et spécialiste en microbiologie des sols. La politique et les pratiques de l’ONF évoluant et n’étant plus en accords avec ses valeurs, il fait le choix de quitter la fonction publique pour se reconvertir dans le domaine de l’assainissement. Il intègre plusieurs entreprises qui construisent des filtres plantés de roseaux à destination des petites collectivités.

A la suite de cette expérience, il se rend compte d’une chose. Les filtres plantés de roseaux traitent très bien la pollution carbonnée et azotée alors que le phosphore est  généralement pas du tout épuré alors qu’il s’agit d’un élément chimique accentuant le phénomène d’eutrophisation des cours d’eau. Imaginant la réglementation se resserrer à l’avenir sur ces petites installations, il commence à réfléchir à une manière d’extraire le phosphore des effluents d’eaux usées afin d’éviter d’impacter le milieu.

Il monte ainsi un programme de recherche avec l’Institut Français du Pétrole (IFP) et l’Agence de l’Eau Adour-Garonne (AEAG) pour développer un procédé d’adsorption de l’alumine activée pour retirer passivement le phosphore des eaux usées. Il se nomme PHOS-4. Les premiers essais étant concluant, il décide de créer l’entreprise Maaneo.

Sac d’alumine utilisé dans le procédé de Maaneo
Discussion autour d’un café dans les locaux de Maaneo

A ce  jour, Maaneo est un bureau d’étude travaux qui réalise principalement des filtres plantés de roseaux. Toutefois, une thèse en partenariat avec l’école des mines d’Albi est en cours de réalisation. Aujourd’hui, le principal matériau utilisé dans le procédé d’adsorption est l’alumine. Il s’agit d’un matériau dont la fabrication est très impactante pour l’environnement et qu’il faut renouveler régulièrement pour que le procédé fonctionne correctement. Cela induit un coût total d’extraction du phosphore nettement supérieur au phosphate que l’on peut extraire des mines (principalement marocaines). Cette technologie ne peut donc en aucun cas s’aligner sur les prix appliqués aujourd’hui sur les engrais phosphatés. On espère que la thèse en cours apportera de nouvelles pistes ! A ce jour, Maaneo a mis en place sa première installation sur la commune de Baillargues sur un lac artificiel en partenariat avec la métropole de Montpellier.

Bien conscient que son procédé s’inscrit dans le modèle d’assainissement actuel,  François estime que celui-ci pourrait résoudre à court terme les problèmes de pollution des cours d’eaux par les petits systèmes d’assainissement collectif et de recycler ainsi une partie du phosphore en agriculture. Toutes ces pistes de recherche nous semblent vraiment intéressantes à étudier au regard de l’épuisement des mines de phosphate à l’échelle du globe. Toutefois, ce procédé s’inscrit dans un modèle d’assainissement dont la logique nous semble aujourd’hui révolue. Il s’agit désormais de penser « réduction de la pollution à la source ». C’est ce que nous allons continuer à creuser tout au long de notre aventure !

Un grand merci à François d’avoir répondu à notre sollicitation. Nous étions ravis de pouvoir rencontrer une personne qui partage les mêmes passions que nous : l’assainissement et le vélo !

Cliquez ici pour accéder au site de Maaneo.

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Le Réseau Compost Citoyen & collectif EDENN

22 février 2022

Nos rencontres dans le Tarn nous ont parlé du lieu EDENN créé en mars 2021. Cet espace d’expérimentation dédié à l’agriculture urbaine est situé en bordure de la ville de Toulouse dans le quartier des Izards-Trois Cocus. Historiquement, tous les maraichers de la ville étaient implantés le long de cet axe et fournissaient l’agglomération en fruits et légumes. Aujourd’hui, entre les immeubles et surfaces bitumées, ne sont visibles que les grandes longères qui nous rappellent cette ancienne ceinture agricole.

Longère restaurée par le collectif EDENN
Serre du pépiniériste Milpa

Dans ce nouvel espace, grand d’environ 3 hectares, de nombreux organismes aux activités différentes coopèrent et interragissent. On peut y retrouver :

  • A Croquer : association de livraison de paniers de fruits de saison dans les entreprises ;
  • Réseau Compost Citoyen (RCC) : réseau national rassemblant différents acteurs autour de la prévention et de la gestion de proximité des biodéchets et du compost citoyen sous toutes ses formes ;
  • SCOP Terreauciel : bureau d’étude spécialisé en agriculture urbaine et paysagisme ainsi qu’animateur des carrés maraichers de l’espace EDENN ;
  • Milpa : pépiniériste travaillant avec des personnes en réinsertion et gestionnaire d’espace en agriculture urbaine au sein de la métropole de Toulouse ;
  • Humus et associés : association spécialisée dans la formation, la sensibilisation et l’animation autour des thématiques liées au jardin et au compost ;
  • Ultramarinos : traiteur et épicerie revendeur de produits issues du terroir espagnol ;
  • Récup’Occitanie : association qui développe la pratique du Bokashi à Toulouse ;
  • Association Vrac Toulouse : association soutenue par la métropole de Toulouse qui effectue des achats groupés de produits issues de l’agriculture biologique à destination des quartiers prioritaires.

Vous l’aurez compris, notre venue n’est pas anodine. Dans un monde où les matières sont revalorisées localement, des interactions sont nécessaires entre le monde de l’assainissement et celui de l’agriculture. En contexte urbain, cela peut paraître plus délicat. C’est pourquoi nous avons voulu rencontrer des professionnels de l’agriculture urbaine et en particulier du compostage.

Après une visite du lieu et une rencontre des différentes personnes évoluant dans cet espace, nous avons partagé un repas avec Stéphanie et Antony. L’une est salariée du Réseau Compost Citoyen (RCC), l’autre est co-directeur de l’association Humus & associés.

Pour la petite anecdote, malgré le fait que Nathan n’aime pas ça, nous avions préparé une tarte à la carotte qui a remporté un petit succès auprès de nos interlocuteurs. Cette fois-ci, pas d’interview en face à face avec les micros dynamiques. Nous avons fait le choix de laisser tourner le micro zoom au milieu de la table pendant le repas. Entre les bruits de couteaux et de fourchettes, vous pourrez donc entendre des échanges sur la gestion des biodéchets en ville, les différentes manières de composter, la formation qualifiante de maître composteur, la gestion différenciée du compostage des matières issues de toilettes sèches, la législation du biodéchets, etc.

Bureau du siège national du Réseau Compost Citoyen
Jardin partagé géré par la SCOP Terreauciel

L’approche du RCC nous a vraiment séduite :

  • rester dans une gestion de proximité de nos biodéchets sans avoir recours systématiquement à des services de collecte et de traitement ;
  • ne pas s’armer de procédés technologiques complexes d’accélération du processus de compostage afin de diminuer l’impact environnemental de cette pratique.

Cette rencontre nous a conforté dans l’idée que des liens doivent être créés entre l’assainissement, les déchets et le monde agricole. Les méthodes et techniques des uns peuvent impacter la manière de gérer des autres. Si l’on souhaite reboucler les cycles alimentation/excrétion, nous devons absolument arriver à communiquer entre professionnels.

Pour finir, nous avons la chance de pouvoir découvrir l’étendue de cet incroyable réseau. En effet, le RCC a diffusé notre initiative auprès de tous ces membres. Nous avons reçu de nombreux mails et messages nous invitant à la rencontre et à l’hébergement. Un grand merci à toutes ces personnes motivées qui agissent au quotidien sur la gestion de proximité de nos biodéchets !

Cliquez ici pour accéder au site du Réseau Compost Citoyen

Cliquez ici pour accéder au site d’Humus & Associés

Suivez la page facebook de l’espace EDENN

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Epurscop

18 février 2022

Nous avons entendu parler de Bernard Boussard grâce à la SCOP Les mains sur terre. Dès que nous l’avons contacté, il était enthousiaste à l’idée de nous recevoir. Le problème ? Ça grimpe un peu avant d’arriver chez lui. En effet, Bernard habite entre Albi et Toulouse au-dessus de Rabastens en haut d’une colline.

Après une étape courte et agréable en bord de Tarn, Bernard nous reçoit dans sa petite maison très chaleureuse qui lui sert également de lieu d’expérimentation et de travail. Tout de suite nous comprenons que nous sommes au bon endroit. Bernard est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience en traitement des eaux usées (réseaux collectifs et installations individuelles). Il a plein de choses à nous apprendre.

Bernard Boussard lors de la visite d’une installation

Comme la majorité des personnes que l’on rencontre dans cette aventure, Bernard a eu plusieurs vies avant de se lancer dans l’assainissement. Il a été assistant social, maçon, graphiste, paysagiste et conducteur de travaux sur des petits dispositifs d’assainissement collectif. Sa dernière expérience lui a permis d’implanter, pour les collectivités rurales,  un système nouveau à l’époque, le filtre planté de roseaux. Depuis 15 ans, il a créé avec d’autres personnes la société Epurscop. L’objectif de cette entreprise est de dépolluer l’eau des particuliers par des systèmes d’assainissement utilisant au maximum le vivant. L’idée initiale était de reproduire le filtre planté de roseaux à la plus petite échelle possible, celle de la maison individuelle.

La particularité d’Epurscop est que les salariés réalisent toutes les étapes de la mise en place d’une installation : l’étude préalable, la construction des différents équipements de la filière de traitement, la conduite du chantier et le suivi du dispositif sur plusieurs années, seul le terrassement est co-traité. L’autre originalité est qu’Epurscop réalise des installations sur-mesure en intégration avec l’environnement et le contexte parcellaire. Vous l’aurez compris, une grande partie des chantiers est réalisée en accompagnement des auto-constructeurs. Les végétaux implantés dans le système (canne de provence, roseaux, phacélie, etc.) sont également cultivés sur le site d’Epurscop. Et tout ça, dans la fourchette basse des prix du marché, ce qui rend les installations abordables pour n’importe qui. 

A la différence de la majorité des acteurs que nous rencontrons, Epurscop ne travaille pas sur la manière d’enlever l’eau de notre système d’assainissement (cf toilettes sèches). C’est toutefois intéressant pour nous de découvrir ces petits systèmes de dépollution vivants car, à terme, il y aura toujours de l’eau à dépolluer, même dans un nouveau modèle d’assainissement basé sur des toilettes sèches. En effet, les eaux ménagères, issues de la cuisine, de la salle de bain et de la machine à laver devront toujours être traitées avant leur rejet au milieu naturel.

Levé de soleil à Grazac
Repas du midi au soleil avec Bernard

Bernard nous a emmené à vélo visiter plusieurs ouvrages qu’il a pu réaliser chez des particuliers autour de chez lui. Même si les installations sont moins fleuries et moins belles en hiver qu’en été, c’était l’occasion pour nous de voir très concrètement à quoi pouvaient ressembler les dispositifs d’Epurscop. Merci d’ailleurs aux particuliers qui ont accepté de nous ouvrir leur porte.

Au-delà de la technique, Bernard nous a régalé avec ces plats délicieux durant tout notre séjour. C’est quelqu’un de très attentif et de touchant. Il y a eu beaucoup d’émotions durant l’interview. C’était pour lui l’occasion de transmettre un savoir accumulé depuis plusieurs années à des jeunes comme nous qui avons soif d’apprendre et de comprendre.

Visite chez l’habitant avec Bernard
Arrivée d’eaux usées dans un filtre planté vertical

Ce fût une magnifique rencontre ! On garde un peu de frustration de ne pas être resté plus longtemps chez lui mais notre chemin continue déjà. On nous attend à Toulouse.

Cliquez ici pour accéder au site d’Epurscop

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La SCOP Les mains sur terre

16/02/2022

Arrivée à Albi le soir tard après le vent et la pluie dans une grande maison dans laquelle nous avons pu faire sécher nos affaires et prendre une bonne douche. Nous avons été accueilli à bras ouverts par Pascale, son mari (Pascal aussi) et leurs deux enfants (Octave et Mathilde). La maison était tellement grande que nous avons même eu le droit à une chambre chacun. Quel luxe !

Nous avons eu besoin d’un peu de temps pour nous remettre de nos péripéties de cyclistes. En effet, avec la météo ces 3 derniers jours furent dur physiquement et mentalement. On a donc pris notre matinée avant de rejoindre toute l’équipe dans les locaux de Les mains sur terre situés derrière l’école des mines d’Albi.

La SCOP Les mains sur terre est l’émanation de l’association l’Envers. En effet, 3 femmes (Pascale, Marion et Inès) se sont rencontrées dans cette association étudiante qui louait des toilettes sèches. Toutes les trois ont fait le choix de créer cette magnifique entreprise à multi-activités. En effet, la SCOP a repris l’activité de location de toilettes sèches de l’association l’Envers. Cela concerne environ un tiers de leur activité. Il s’agit ici de toilettes sèches traditionnelles avec sciure dont les matières sont compostées en andain. Comme Ecosec, Les mains sur terre se sont aujourd’hui dotées d’une magnifique cacaravane contenant 4 cabines, 1 cabine PMR et 1 urinoir masculin 5 places. Les salariés étaient également en cours de construction d’une petite carriole constituée d’une unique cabine avec accès PMR que n’importe qui pourra louer pour son mariage ou tout autre événement privé.

Interview de Pascale
Visite de la cacaravane avec Inès

En parallèle, la SCOP a développé une champignonnière où poussent des pleurotes sur du marc de café récolté auprès des commerçants du centre-ville d’Albi ainsi qu’une expertise en matière d’accompagnement au compostage de proximité et d’animation de jardins partagés.

Depuis très récemment, la SCOP a recruté Florian afin qu’il développe à plus large échelle l’activité de compostage des déchets organiques issus des restaurations collectives. Les mains sur terre a de nombreuses corde à son arc, c’est ce qui lui permet de garder une certaine stabilité et de pouvoir maintenir 4 emplois à temps pleins.

La pluie nous empêchant d’aller retourner la fumière, nous avons mis la main à la patte et aidé Inès à concevoir un urinoir féminin à destination de l’événementiel. Quelque chose de pratique pour les femmes et qui donne envie ainsi que facilement démontable pour les loueurs. Challenge délicat mais accepté ! C’était super d’avoir pu bricoler un peu. ça change du vélo et ça fait moins mal aux fesses.

Le soir, nous avons pu profiter de la magnifique ville d’Albi. Nous vous conseillons d’ailleurs de visiter la cathédrale pour y découvrir sa décoration intérieure. C’est splendide et très bien entretenu !

Plafond de la Cathédrale d’Albi
Centre d’Albi de nuit

Après un petit temps de réparation et de réglage des vélos, nous repartons au bout de 2 jours pour rejoindre Grazac et partir à la rencontre de Bernard.

Quelques jours plus tard, un tout autre contexte, nous retrouvons Inès à Toulouse. Une partie de son travail consiste à réaliser l’entretien de toilettes sèches mises en place par la mairie de Toulouse sur un terrain où vivent environ 250 personnes d’origine Roms. Cette visite fût rapide afin de ne pas être trop intrusif. Nous avons pu parler avec quelques habitant.e.s du camps qui ont un regard assez critique sur les installations. En effet, malgré l’entretien, les installations sont dans un état déplorable et mérite réparation. L’évacuation des urines fonctionne mal. De plus, l’assise ne semble pas adaptée aux habitudes des usagers. A tel point que certain.e.s préfèrent réaliser leurs besoins à l’extérieur un peu partout autour des toilettes plutôt que dedans. Ces personnes sont en réelle précarité sanitaire ! On le voit notamment avec les containers à poubelle pleins à craquer qui ne sont pas vidés et qui font augmenter le nombre de rats présents sur le camps. On le remarque également lors des vidanges des toilettes sèches. Les selles font état de personnes malades. Et tout cela, juste derrière une immense grande surface et un quartier plutôt chic de Toulouse. Cette situation est un bon exemple d’une installation qui a été mise en place pour répondre à une situation d’urgence. Malheureusement, comme bien souvent pour ce type d’initiative, le processus n’a pas utilisé suffisamment d’ingénierie social. La solution ainsi retenue ne correspond pas aux besoins des habitant.e.s.

Échange sur les installations mises en place
Décharge à ciel ouvert à l’entrée du camps

Cette visite nous a profondément marquée. Même en France où nous nous vantons d’être le pays précurseur des technologies de l’eau et de l’assainissement, nous ne sommes pas capables de donner des conditions sanitaires correctes à des familles et à leurs enfants. Dans un pays riche comme le notre, cette situation nous désole. Deux rues plus loin, la majorité des gens font leurs besoins dans de l’eau potable… Sans commentaire…

Cliquez ici pour accéder au site de la SCOP les mains sur terre

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Ecosec et le tiers-lieu Macondo

11/02/2022

Benjamin nous a donné rendez-vous chez lui à Montpellier au petit matin. Nous enfourchons ensuite nos vélos pendant 45min pour rejoindre tous ensemble la commune de Montarnaud sur laquelle est implanté le tiers-lieu productif de Macondo.

Ce lieu se veut être un Laboratoire de recherche social et technique sur la transition écologique. A la frontière de la métropole de Montpellier, ce tiers-lieu rassemble des entreprises et associations qui expérimentent de nouveaux modèles de production tout en échangeant leur savoir-faire. Tout cela, dans l’objectif de créer un pôle sur la construction écologique et les basses technologies. Le lieu a notamment été identifié par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) comme une plateforme du ré-emploi en région Occitanie.

Ombrières posées par les collectivités locales
Repas partagé avec les membres de Macondo

Nous sommes venus à Macondo dans l’objectif de découvrir les activités de l’entreprise Ecosec, constructeur et installateur de toilettes sèches. Ecosec a été fondé par l’énergie bouillonnante de Benjamin Clouet et de Bernard Caille en 2014.

La force d’Ecosec est de porter des projets à même de modifier les perceptions que nous avons des toilettes sèches. Par exemple, lors de notre passage, les salariés étaient en train de concevoir pour la première fois des urinoirs féminins. Les prototypes en avant-première ! Mais l’exemple le plus parlant est celui de leur remorque « PICA » (4 cabines de toilettes à séparation à la source / 4 urinoirs / 1 cabine PMR) loué pour des festivités. En effet, les assises des toilettes disposent toutes de LED pouvant changer de couleur, ce qui donne un côté futuriste à ces toilettes mobiles. Ecosec sait rendre les toilettes sèches sexy et modernes et ça personne ne pourra leur enlever !

Découpe bois pour la construction d’urinoir féminin
Remorque PICA conçue par Ecosec

Nous avons aussi pu observer les différentes expérimentations menées par l’équipe sur l’alimentation de murs végétalisés par des eaux ménagères. Ils cherchent notamment à analyser la capacité épuratrice de certaines plantes pouvant pousser sur un mur végétalisé. Une partie des urines récoltés dans les installations d’Ecosec est également revalorisée au champ par un viticulteur situé sur une commune voisine. La cuvée s’appelle « j’irai pisser sur vos vignes ». Encore une marque de modernité et d’humour comme ingrédient pour rendre la revalorisation des matières acceptables.

Interview de Benjamin
Interview de Bernard

Merci aussi à Anna d’avoir pris le temps de nous expliquer la genèse et le fonctionnement global de ce tiers-lieu. Nous avons également eu la chance de rencontrer les jeunes en formation sur le lieu au sein l’école l’Être. Il s’agit de jeunes venant suivre 3 mois de formation multi-disciplinaire aux métiers de la transition écologique.

Au-delà d’Ecosec, nous avons pu y faire la connaissance de Mathilde qui vient de créer l’entreprise Les Zutts. En s’inspirant du premier travail effectué par le Low Tech Lab, Mathilde se lance dans la construction de Tiny House basse technologie. Il s’agit d’habitats autonomes et résilients pour ceux dans le besoin et ceux désireux d’habiter autrement. Toilettes sèches, réutilisation des eaux ménagères pour alimenter un mur végétalisé, forte isolation thermique, chauffage au poêle bouilleur, panneaux solaires, tout y est. Une très bonne solution pour celles et ceux qui envisagent la vie en habitat léger.

Exemple de Tiny House Low Tech

Site d’Ecosec : https://ecosec.fr/

Site du tiers-lieu de Macondo : https://www.macondo.coop/

Site des Zuts : https://leszuts.coop/

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Philippe Roux

10/02/2022

A notre arrivée à Montpellier, Philippe Roux est la première personne que nous avons pu rencontrer. Il est ingénieur de recherche à l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE). Depuis de nombreuses années désormais, il travaille sur l’outil qu’est l’Analyse de Cycle de Vie ou ACV pour les intimes.

Il s’agit d’un outil permettant d’analyser finement les impacts environnementaux d’une fonction suivant différents critères. C’est une méthode normalisée (ISO 14040 à 14043). L’objectif de celle-ci est de recenser et quantifier, tout au long de la vie d’un produit ou lors de la réalisation d’un service, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines. Elle en évalue les impacts potentiels puis interprète les résultats obtenus en fonction de ses objectifs initiaux.

Au travers de son expertise dans le domaine, Philippe a co-fondé le pôle de recherche ELSA (Environmental Life cycle and Sustainability Assessment). Ce groupe associant plusieurs scientifiques issuent de domaines différents focalise ses recherches sur l’ACV appliquées aux agro-bio procédés. C’est dans ce cadre que Philippe a effectué des ACV sur différents systèmes d’assainissement. C’est ce qui nous a particulièrement intéressé pendant cette interview. Nous voulions comprendre quels étaient les résultats de ces recherches et quels sont, selon eux, les systèmes d’assainissement les moins impactant.

Pour travailler sur les procédés de dépollution des eaux, Philippe s’est notamment associé à l’équipe de recherche REVERSAAL d’INRAE Lyon (Réduire, réutiliser, valoriser les ressources des eaux résiduaires). Cette dernière réalise de nombreuses mesures sur les différents systèmes de traitement depuis plusieurs années. Les résultats de leurs recherches ont ainsi pu alimenter l’analyse de Philippe.

Les locaux du pôle ELSA sont situés au sein de l’école d’ingénieur SupAgro dans le quartier des Arceaux de la Ville de Montpellier. Philippe nous y a reçu pendant 1h30 malgré son emploi du temps bien chargé. Sans nous connaitre, celui-ci a bien voulu nous exprimer clairement son point de vue sur le modèle d’assainissement actuel. Sans parler de revalorisation, nous avons pu échanger sur l’impact réel des différents systèmes en place aujourd’hui. Cette discussion nous a également permis de déconstruire certaines idées reçues (exemple la réutilisation des eaux usées n’est pas systèmatiquement une bonne idée et ne génère pas systèmatiquement des économies d’eau) et qu’il faut se méfier du green washing de certaines alégations “commerciales“. A savoir que l’équipe de Philippe a créé un logiciel (acv4E) mis à disposition de n’importe qui et en particulier à destination des collectivités territoriales afin qu’elles puissent disposer d’un outil d’aide à la décision lors du choix d’un nouveau système d’assainissement.

Philippe nous a notamment confirmé dans l’idée qu’il est temps de changer de nombreux paradigmes en raison des enjeux planétaires sur le climat et la biodiversité et que malheureusement, c’est à notre génération de s’y coller. Nous sommes donc sur la bonne piste en questionnant le modèle actuel d’assainissement. Nous ressortons de cette interview avec pleins de questions et de sujets à explorer.

Travaux de recherche de Philippe Roux et son équipe :

https://acv4e.inrae.fr/fr/documentation/
Empreinte eau & ACV : le MEMENT-EAU
Logiciel ACV4E
Logiciel WASABI

Vidéo pédagogiques :
ACV & systèmes d’eau territoriaux
L’ACV en 3 minutes

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Emmanuel Morin

04/02/2022

Emmanuel Morin habite et travaille à Marseille. Nous avons profité des 2-3 jours de préparation qu’il nous restait avant le grand départ pour aller le rencontrer dans son atelier. Il s’est installé dans l’incroyable lieu participatif « Share-wood » situé dans le quartier de la belle de mai.

Ce lieu est en réalité principalement constitué d’une menuiserie participative dans laquelle peuvent venir professionnels, particuliers et associations pour utiliser le matériel mis à disposition. Dans ces grands hangars industriels, Emmanuel dispose d’un espace consacré à son entreprise Ecodomeo.

Ingénieur de formation, il a travaillé dans l’industrie avant de refuser un poste important dans les usines de Channel. Ce job, il l’a refusé pour partir travailler dans une entreprise de toilettes sèches située dans la Drôme qui se nomme Sanisphère. Après plusieurs années au sein de Sanisphère, Emmanuel quitte le bâteau pour monter sa propre activité. Démarrant dans un premier temps à Nyons, il a rejoint aujourd’hui Marseille où il dispose de plus d’espace.

Son entreprise Ecodomeo confectionne des tapis mécaniques de séparation à la source des matières. En effet, au lieu d’avoir deux parties distinctes au sein de la cuvette des toilettes, le tapis permet d’avoir un unique exutoire donnant sur un système de séparation sophistiqué. En réalité, les matières fécales et urines tombent sur un tapis légèrement incliné. Les urines s’écoulent de façon gravitaire et les matières fécales sont envoyées dans un local de stockage à l’arrière de la toilette par un système mécanique à pédale. Après avoir fait ses besoins, l’usager n’a plus qu’à actionner la pédale située à ses pieds pour faire disparaitre ses matières fécales tout comme une chasse d’eau mais sans eau ! Ces tapis possèdent une durée de vie de plus de 20 ans et nécessitent un entretien annuel relativement rudimentaire.

Ecodomeo reçoit aujourd’hui les pièces du tapis de ses fournisseurs et les assemble dans son atelier avant de les distribuer auprès de ces clients. La majorité de ceux-ci sont des entreprises qui construisent ou posent des toilettes sèches en France et dans le monde. Emmanuel est aujourd’hui seul salarié de son entreprise avec une personne supplémentaire qui travaille à mi-temps. Jusqu’ici l’activité d’Ecodomeo marche très bien. Toutefois, les différentes ruptures d’approvisionnement en matières premières et l’augmentation des coûts de transport des marchandises liés à la crise sanitaire du Covid risquent de lui compliquer les choses prochainement. On espère que tout ira bien pour lui !

Après avoir visité son atelier et le lieu de Share-wood, Emmanuel nous a invité à manger avec lui à la « cantine du midi » dans le quartier de la belle de mai. La cuisine y est excellente et le service impeccable. Nous conseillons vraiment ce lieu alternatif !

Merci à Emmanuel pour cette visite.

Site d’Ecodomeo : https://www.ecodomeo.com/

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Sabine Barles

02/02/2022

Avant le voyage, nous avons effectué de nombreuses recherches sur les différents sujets que l’on souhaitait aborder dans l’aventure En Selles. Dès que l’on indiquait à quelqu’un notre volonté de raconter l’histoire de l’assainissement, un nom ressortait systématiquement, celui de Sabine Barles.

Sabine est historienne des sciences à l’Université Paris-Sorbonne au sein de l’institut de géographie. Elle nous a gentiment reçu le 2 février dernier dans son bureau à la suite d’une première conversation avec Etienne, son doctorant.

Celle-ci a écris en 2005 un livre qui sert de référence à bon nombre de profesionnels du domaine : l’invention des déchets urbains, France, 1790-1970. Cet ouvrage est l’aboutissement de longues années de recherches sur l’analyse de la gestion des déchets de toute nature en contexte urbain. Autant vous dire que la discussion que nous avons pu avoir fût riche en apprentissage. Nous qui ne sommes pas historiens, nous avons dû retourner piocher dans nos cours de collège et de lycée pour arriver à bien cerner les événements qui ont fait bousculer les manières de vivre à ces différentes époques.

Nous avons donc discuté d’épidémies, du vocabulaire employé lors de ces périodes historiques pour décrire l’assainissement, de révolution industrielle, du mouvement hygiéniste, du marché des matières et des différentes formes de valorisation, de l’arrivée des engrais chimiques et des métiers qui ont disparus.

Nous aurions pu continuer ces échanges pendant longtemps tellement nous apprenions des choses que l’on ne nous avait jamais enseigné. Nous remercions donc Sabine de nous avoir accordé ce temps. Après l’entretien, nous filons en direction de la gare de Lyon en chassant les Invaders parisiens.

Sur le chemin, nous avons d’ailleurs la chance de passer par les quais de Seine sur lesquels sont installés les urinoirs féminins de l’entreprise « Madame Pee » et les « Uritrottoirs » du cabinet Faltazi. C’était pour nous, la meilleure manière de comprendre l’intégration de ces installations dans l’espace public.

Livre de Sabine Barles : L’invention des déchets urbains, France, 1790-1970

Entretien de Sabine Barles dans le journal Millenium3

Vidéo de Sabine Barles dans le podcast Metabolism of Cities

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Étienne Dufour

02/02/2022

Grand et frisé, Etienne est une personne très calme. Nous l’avons retrouvé à l’Institut de Géographie avec un sac de rando comme s’il partait en voyage. En effet, il a réussi à nous accorder 1h30 d’échanges et de discussions peu avant de prendre le train pour aller au séminaire annuel de l’équipe d’OCAPI et de ses partenaires.

Etienne vient du département du Lot. Il a rejoint la capitale pour ses études en sciences sociales et, plus récemment, en écologie territoriale. Au cours de celles-ci, il a notamment réalisé un master en « Urbanisme et Aménagement » à l’Université Paris-1. Dans ce cadre, il a pu effectuer un stage de recherche en 2017 avec l’association Terre & Cité sur le plateau de Saclay au sud de Paris. Il y a étudié la question de la désolidarisation du monde urbain au territoire rural de proximité. Son mémoire de recherche se concentre principalement sur l’étude du système alimentaire de ce territoire encore agricole par la reconstitution et l’analyse des flux qui y sont liés.

Depuis 2019, il réalise une thèse à la Sorbonne en partenariat avec la Ville de Paris et sous la direction de Sabine Barles. Le titre de sa thèse est : Une histoire des politiques biogéochimiques de l’agglomération parisienne de 1945 aux années 1990. Vous l’aurez compris : Etienne, dans sa recherche, continue le travail engagé par Sabine sur l’analyse des filières parisiennes de gestion des excrétions et plus généralement des déchets organiques. Il se concentre sur la seconde moitié du XXème siècle en analysant l’alternance des modes de gestion observée entre l’après-guerre, les pics pétroliers et les dernières décennies. Etienne s’attache à comprendre les mécanismes qui ont pu causer la marginalisation et parfois la disparition totale des filières de valorisation agricole des résidus urbains. En ce sens, il apportera des clés de compréhension que les professionnels de l’assainissement écologique pourront saisir afin de faire émerger de nouveaux modèles, ou de réinventer les anciens !

Nous avons donc hâte de lire les conclusions du travail de recherche d’Etienne ! Avant de conclure, une dernière chose : Etienne a une voix faite pour le podcast. J’espère que vous pourrez très bientôt la découvrir dans vos oreilles.

Trois articles rédigés par Étienne :

Trajectoire sociotechnique et politiques biogéochimiques. Aperçu de l’histoire du traitement des ordures ménagères en région parisienne de 1945 aux années 1990

L’éviction du compostage des ordures ménagères et la fin de leur recyclage agricole en France et en Ile-de-France (1940-1990)

Entre le regain et l’incendie : l’étape oubliée du compostage industriel, voie médiane abandonnée du traitement des ordures ménagères (Île de France : années 1940 – années 1990)

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Louise Raguet

01/01/2022

Louise est une indépendante. Elle vient du design. Son projet de fin d’études s’est composé de deux travaux en lien avec les toilettes : d’une part un mémoire sur le tout-à-l’égout au regard du confort qu’il apporte ; d’autre part un projet sur la valorisation de l’urine en agriculture, avec notamment la conception d’un urinoir féminin pour favoriser sa collecte.

Son mémoire sur les égouts a abouti à l’écriture d’un roman. Il s’agît d’un fiction dystopique qui prend place dans un futur où le système des égouts est devenu totalement invisible et automatique. Plus personne ne s’en préoccupe, jusqu’au jour où il dysfonctionne totalement, chacun redécouvrant alors la question de la gestion des excrétas.

Son projet sur l’utilisation de l’urine humaine en agriculture a consisté à mettre en place une filière expérimentale de collecte et valorisation dans Paris (aux toilettes du tiers-lieu les Grands Voisins, 14ème arrondissement) . Toujours pour ce projet de fin d’étude, Louise a également conçu un urinoir féminin, Marcelle. Cet urinoir a été conçu à partir d’une enquête qu’elle a mené sur l’usage des toilettes publiques par les femmes, de différents entretiens et de nombreux essais. Ce type d’installation est encore très peu développé en France. Elle permet pourtant de résoudre les problèmes d’attentes aux toilettes publiques pour les femmes. Elle lui donne le nom de Marcelle, en hommage à Marcel Duchamp, cet artiste d’origine Rouennaise qui a « transformé » un urinoir masculin en œuvre d’art. Marcelle est aujourd’hui commercialisé et installé dans de plus en plus de lieux publics ou festival. Deux autres modèles d’urinoirs féminins pour festival ont d’ailleurs vu le jour la même année.Louise ne s’arrêtant jamais à un projet, elle s’est également intéressée à la partie collecte et aux infrastructures nécessaires pour mettre en place une bonne séparation à la source des urines et matières fécales. Son approche par le design lui permet aujourd’hui de questionner les usages et de développer des systèmes Low Tech et simples pour les gestionnaires. Elle est membre du groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour Paris & Métropole Aménagement sur la réhabilitation du quartier de Saint-Vincent de Paul. Celui-ci comprendra un système de collecte séparative des urines, avec une centrale de traitement pour produire sur place un engrais, à destination des espaces verts de la Ville de Paris.

Vous aurez également saisi l’importance qu’accorde Louise à l’art sous toutes ces formes. Nous avons pu échanger sur son engagement à sensibiliser le grand public sur les enjeux de la séparation à la source mais aussi à créer de nouveaux imaginaires et récits permettant de se projeter dans un nouveau monde. Après son roman, son urinoir, et les nombreuses planches, fresques, panneaux et interpellations graphiques dans l’espace public, Louise a également participé à la création d’une pièce de théâtre se dénommant « Humus Humains ». Nous aurons, je l’espère, l’occasion de la découvrir lors des rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique (RAE), notre partenaire.

Partenaire du programme OCAPI depuis plusieurs années, elle a rejoint officiellement l’équipe pour développer le projet Enville de valorisation de l’urine en circuit-court. Cette nouvelle mission s’accorde totalement avec les projets que Louise porte également en agriculture avec le collectif de designers l’Assemblée des Noues. Malheureusement, le temps était trop court pour que l’on puisse aborder ensemble ces sujets. Nous nous retrouverons peut être à un autre moment de l’aventure En Selles afin qu’elle puisse nous exposer ce formidable projet démonstrateur.

Roman dystopique de Louise Raguet : https://www.ensci.com/galerie-des-ateliers/un-projet?tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Bnews%5D=33637&cHash=fca1b0b2b215bba744ce2fafd78f429e

Expérimentation aux Grands voisins : https://www.parisetmetropole-amenagement.fr/fr/la-collecte-des-urines-prefiguration-du-futur-quartier-319)

L’urinoir Marcelle de Louise Raguet : https://urinoirmarcelle.fr/

Passage de Louise Raguet sur Konbini : https://news.konbini.com/societe/video-ce-pain-a-ete-en-partie-fabrique-grace-a-de-lurine-humaine/

Passage de Louise Raguet sur ArteRadio : https://audioblog.arteradio.com/blog/144900/podcast/159812/les-eaux-noires-entretien-avec-louise-raguet

Projet Enville : https://www.leesu.fr/ocapi/2021/12/06/enville-outils-low-tech-pour-citadins-producteurs-de-fertilisants/

Collecte des urines à Saint-Vincent-de-Paul : https://www.parisetmetropole-amenagement.fr/fr/economie-circulaire-382

Collecte des urines aux Grands Voisins (projet temporaire de préfiguration de Saint-Vincent-de-Paul) : https://lesgrandsvoisins.org/2019/11/19/des-urinoirs-feminins-secs-aux-grands-voisins/
Ou : https://www.parisetmetropole-amenagement.fr/fr/la-collecte-des-urines-prefiguration-du-futur-quartier-319

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Paul Minier

01/01/2022

Paul vient du Jura. C’est avec tristesse qu’il a dû quitter ses montagnes pour effectuer un master en hydrobiologie durant lequel il a réalisé un stage en assainissement des eaux ménagères au sein de l’entreprise Aquatiris. A l’issue de ce stage, il a croisé le chemin de Fabien Esculier, alors directeur du programme de recherche OCAPI. De cette rencontre, est ressortie la volonté de travailler sur la valorisation des matières fécales humaines et en particulier l’étude de leur intérêt agronomique.

Malheureusement, les financeurs n’ont pas souhaité développer cet aspect. De plus, contrairement à la valorisation des urines, les matières fécales présentent un risque sanitaire du fait de la présence d’organismes pathogènes. C’est pourquoi la recherche qu’il mène aujourd’hui s’est orienté sur la transmission des pathogènes. Son sujet de thèse est : Étude des conséquences sanitaires des modes de gestion des matières fécales : analyse de filières de séparation à la source.

L’objectif de ces travaux est d’analyser les voies de transmission des pathogènes fécaux au sein de la population française et d’évaluer quelles pourraient être les conséquences de l’utilisation de filières de séparation à la source des fèces.

Nous avons donc pu parler de matières fécales humaines (MFH), de l’action de déféquer, des systèmes de gestions existants, des systèmes de gestion émergeant, de microbiote, de pathogènes, de maladies, des différentes usages et formes de revalorisation de la MFH.

Paul travaille, comme Tristan, au sein de LEESU (Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains) situé à Champs-sur-Marne à côté de Paris. Il lui reste aujourd’hui deux ans pour approfondir tous ces sujets et terminer sa thèse.

En dehors de son activité de recherche, Paul est engagé au sein de l’association Les Petits Débrouillards dans laquelle il sensibilise les enfants aux enjeux associé à l’activité de déféquer et à la composition riche de nos excrétions. Cette volonté de vulgarisation est d’ailleurs une partie de son activité qu’il souhaite développer à l’avenir. De nombreuses idées et formes d’ateliers de sensibilisation lui trotte dans la tête. Nous avons hâte de voir à quoi cela va ressembler.

C’est également quelqu’un qui a beaucoup d’humour. Nous avons beaucoup rigolé durant l’interview. Un grand merci à lui ! On sera sûrement amené à se recroiser pendant notre voyage voire même à partager un bout du trajet vélo ensemble, qui sait ?

Travaux et recherches réalisés par Paul Minier : https://www.leesu.fr/ocapi/

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Sarah Bourcier

01/01/2022

Sarah est socio-anthropologue et Marseillaise. Et oui, c’est possible !

Elle a effectué un master de recherche en sciences sociales à l’EHESS de Marseille. Son passage en 2019 dans l’équipe de recherche OCAPI lui a permis d’étudier le phénomène du « pipi sauvage » dans l’espace public parisien. Pour cela, elle a passé 3 mois à arpenter les rues de la capitale ainsi qu’à interroger des passant.e.s et des habitant.e.s sur cette pratique. Elle a également pu suivre ce qu’elle appelle les brigades d’incivilité (agent.es de sécurité de la ville de Paris), échanger avec les services propreté, assainissement et égalité hommes/femmes de la Ville de Paris ainsi que participer à différents comités de quartiers.

Dans notre interview, nous avons pu aborder la question de l’aménagement de l’espace public, les inégalités que celui-ci produit, le pipi sauvage, les nuisances qu’il provoque, les réactions des habitants et des pouvoirs publics.

Sarah est passionnante ! Elle nous a ouvert les yeux sur les inégalités qu’il peut y avoir entre les genres et en particulier les mécanismes de dominations genrés que l’on peut retrouver dans le monde de l’assainissement.

Elle a aujourd’hui mis de côté ces sujets là pour s’intéresser à l’analyse de la pratique du vélo au sein de la ville de Bruxelles en y questionnant toujours les rapports de genre. C’est une vraie habituée des ateliers vélos. Elle est notamment impliquée dans les nombreux collectifs cyclo-féministes existants un peu partout en France et en Belgique. Au-delà de sa passion pour le vélo, elle a réalisé un service civique au sein de Radio Grenouille, la super radio marseillaise. Elle a pu nous donner quelques conseils sur les captations sonores et la manière de réaliser nos entretiens pour notre podcast.

Cette rencontre nous a vraiment conforté dans l’idée que les travaux effectués en sciences humaines sont indispensables pour comprendre les verrous organisationnels et culturels qui empêchent le développement d’un autre modèle d’assainissement ainsi que les enjeux sociaux auxquels il est confronté. En effet, l’état actuel de notre société et l’ensemble des défis auxquels elle doit faire face se reflète également dans le monde de l’assainissement.

Si vous souhaitez jeter un coup d’œil à ses analyses sur le « pipi sauvage » voici une synthèse de son mémoire de recherche: https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2021/01/Bourcier_2020_synth%C3%A8se_le-pipi-sauvage-en-ville.pdf

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Tristan Martin

01/02/2022

Le 1er février, nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec Tristan Martin. Au lendemain du colloque universitaire qu’il organisait, il a pu nous accueillir à l’école des Ponts et Chaussées.

Tristan a fait un master en sciences de l’environnement à l’école des Ponts et Chaussées et l’Université Paris-Diderot. Il est désormais chercheur au sein de l’équipe OCAPI rattachée au Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains (LEESU). Il a soutenu sa thèse en 2020 sur L’urine humaine en agriculture : des filières variées pour contribuer à une fertilisation azotée durable (Université Paris-Saclay).

Nous avons donc parlé avec lui d’urine, d’engrais et de fertilisation, de valorisation agricole, de stabilisation de l’azote, de lisiers, des besoins primaires d’une plante, des urino-fertilisants et de leur utilisation, de l’impact environnemental de ces engrais humains et de bien d’autres choses encore.

Vous l’aurez compris, ces principales réalisations concernent aujourd’hui le contenu de sa thèse et notamment les expérimentations agricoles qu’il a pu faire avec la Chambre d’Agriculture d’île de France en partenariat avec l’INRAE. Il a également travaillé en Suède pendant 3 mois afin de profiter de l’expertise des chercheurs suédois qui expérimente la séparation à la source depuis plus de 20 ans déjà. 

Nous avons passé la matinée avec lui. Il nous a fait découvrir le système de collecte des urines que son équipe a installé au niveau du bâtiment CORIOLIS de l’école des Ponts. Sur ce nouveau bâtiment, un urinoir masculin a été déconnecté du tout à l’égout pour permettre le stockage des urines dans une cuve située au sous-sol du bâtiment. Cette urine est ensuite principalement réutilisée dans les expérimentations agricoles menées par OCAPI. Une partie est également valorisée au niveau du jardin partagé géré par les étudiants de l’école. Elles permettent ainsi de faire pousser des légumes et plantes aromatiques. En parallèle, nous avons pu observer les nombreux panneaux d’informations et messages laissés sur les murs de l’école par Louise Raguet (membre d’OCAPI) afin de sensibiliser les collègues chercheurs et les étudiants au caractère précieux des urines.

Après 5 ans de travail soutenu, Tristan a fait le choix de faire une pause de quelques mois. Nous étions surpris de découvrir son projet de voyage à vélo en Asie et Amérique latine. Car oui, c’est aussi un passionné de voyage à vélo. Nous sommes ravis d’avoir pu échanger avec lui avant qu’il parte et nous lui souhaitons de vivre une aventure riche et incroyable.

Bons coups de pédale !

Travaux et recherches réalisés par Tristan Martin : https://www.leesu.fr/ocapi/bibliotheque/les-productions-docapi/publications-agrocapi/

Thèse de Tristan Martin : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03189185