Publié le Laisser un commentaire

Agathe & Hugo – Low tech lab Grenoble

C’est dans le Jardin de ville de Grenoble que nous retrouvons Agathe. On s’installe au milieu du kiosque, un lieu un peu vide en journée mais remplit de festivités la nuit. Il y a du monde dans le parc, cela fait une ambiance sonore très chargée derrière la voix pleine de douceur d’Agathe. Tant pis pour les conversations voisines, on expérimente à nouveau la prise de son avec l’ambiance de la ville et on s’engouffre rapidement dans le sujet qui nous intéresse : les toilettes.

Pour remettre en contexte, il est important de vous décrire dans un premier qui est Agathe. C’est une ingénieure qui sort tout juste de l’école ENSE 3. C’est l’une des principales écoles sur le domaine de l’eau en France. Elle est toutefois plus orientée vers l’énergie que sur les écosystèmes naturels. Assez logiquement, Agathe nous explique qu’à la base, elle travaillait sur le sujet de la précarité énergétique et en particulier durant son année de césure. Cette même année, elle a visité de nombreuses fermes à l’étranger. C’est là qu’elle a pu découvrir la toilette sèche.

Déjà très sensible aux enjeux environnementaux, elle s’engage en dernière année dans un cursus « low tech » (semestre PISTE – Pour une Ingénierie Sobre Techno et Eco-responsable) proposé par les écoles d’ingénieurs du réseau Grenoble INP. Elle fait partie de la première promotion à suivre cette formation alternative créé par ces établissements de l’enseignement supérieur historiquement « pas très verts ». Dans cette formation, elle y fait la rencontre du Low Tech Lab de Grenoble. C’est tout de suite le coup de foudre. Elle épluche tous les contenus incroyables disponibles sur leur wiki et notamment le podcast réalisé par une équipe de bénévoles dans les alentours de Bordeaux. Avec ce podcast, elle y découvre l’association « La fumainerie » et son réseau de toilettes sèches en milieu urbain (voir article précédent).

La tiny house low tech installée à Grenoble
Atelier four solaire

ça fait tilt dans sa tête ! Pourquoi ne pas mettre en place la même initiative à Grenoble ? L’idée est séduisante. Elle commence à en souffler l’idée à l’antenne Grenobloise. C’est là qu’Hugo vient la rejoindre. Ils décident de tous les deux monter le projet en :

1) demandant à leur école de réaliser un service civique pour leur stage de fin d’étude (6 mois) ;

2) et fait en sorte que l’association du Low Tech Lab Grenoble puisse les accueillir.

Depuis le début de l’article, on cite le terme de Low Tech mais qu’en est-il réellement ? Que veut-il dire ? L’association Low Tech Lab nationale est l’une des principales structures à déployer ce terme et ce concept partout en France. Leur définition est la suivante : le terme low-tech est employé pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : l’utilité, l’accessibilité et la durabilité.

Dans le cas d’une technologie, il faut donc :

  • qu’elle répondre à un besoin essentiel de l’individu ;
  • qu’elle soit appropriable par toutes et tous (fabriquée/réparée localement, avec un coût adapté, donne de l’autonomie à son utilisateur.rice, etc.) ;
  • et qu’elle soit réfléchit de manière à optimiser les impacts tant écologiques que sociaux ou sociétaux liés au recours à la technique et ce, à toutes les étapes de son cycle de vie (conception, production, usage, fin de vie).

Ainsi la toilette, suivant comment elle est conçue, peut totalement rentrer dans ce cadre. Le projet porté par Hugo et Agathe se nomme COPOPO. Il consiste à créer un service d’assainissement alternatif pour les grenoblois volontaires comprenant :

  • l’installation de toilettes sèches dans leur appartement ;
  • la fourniture de la sciure ;
  • un ramassage hebdomadaire des matières et leur transport ;
  • le compostage des matières et la fourniture du composte à des agriculteurs locaux.

Aujourd’hui, ils ont réussi à réunir tous les acteurs nécessaires pour mener à bien ce projet : l’entreprise qui fabriquera les toilettes (menuiserie locale), l’entreprise de collecte et de transport en vélo cargo, la plateforme de compostage et les débouchés agricoles. Durant leur service civique, Agathe et Hugo se sont attachés à tisser ce réseau d’acteurs, à analyser la réglementation, concevoir des premiers prototypes de toilettes et étudier l’impact de ce modèle d’assainissement.

Sur la phase conception, ils se sont lancés le défi de concevoir des toilettes en kit sans aucune vis afin de faciliter l’installation dans les appartements. Les plans seront ensuite diffusés librement pour permettre à tout un chacun de construire ses propres toilettes.

L’équipe du Low Tech Lab Grenoble avec Barnabé Chaillot, le géotrouvetout de la Low Tech

Agathe et Hugo se sont également beaucoup questionnés sur le fait de mettre en place des toilettes à séparation ou des toilettes unitaires biomaitrisées. En terme logistique, il leur a semblé plus simple de séparer les matières. C’est plus simple pour valoriser les nutriments au maximum et cela fait moins de volumes à transporter. Seule la plateforme de compostage située à la Côte Saint-André semble prête à recevoir les matières, notamment parce qu’elle recycle actuellement les boues issues des stations d’épuration des communes alentours (sauf celle de la métropole de Grenoble qui sont incinérées). L’autre opportunité serait d’envoyer les matières dans la station de compostage de biodéchets de l’agglomération. Des discussions sont actuellement engagées avec la métropole de Grenoble.

Sur l’étude d’impact, Agathe et Hugo ont réalisé une analyse de cycle de vie permettant de comparer le modèle d’assainissement actuel avec le réseau de toilettes sèches qu’ils cherchent à développer. Une fois les toilettes mises en place, ils souhaitent effectuer une étude ergonomique et sociale avec Antoine Martin et le laboratoire publique PACTE. L’autre volonté est également de mettre en place un protocole permettant de mesurer le procédé de compostage en matière d’hygiénisation et de transformation des nutriments. Sur ce dernier point, aucun partenaire n’a encore été identifié.

Dans l’idéal, Agathe et Hugo souhaiterait à terme rédiger un document synthétisant toutes les étapes par lesquelles ils sont passés et les questionnements qu’ils ont pu avoir afin de permettre à n’importe qui de créer chez lui, dans sa région, sur son territoire, son propre réseau de toilettes sèches. On ressent vraiment cet esprit de Low Tech dans la volonté d’émanciper au maximum les utilisateur.rice.s par la technique. C’est un travail extraordinaire qu’ils font là.

Le projet est aujourd’hui prêt. Il concernerait 50 foyers, soit environ 150 habitant.e.s localisés dans Grenoble intra-muros le plus concentré possible afin de simplifier la partie logistique. Le seul maillon manquant, c’est l’argent.

On espère très fortement que Copopo verra le jour et que les collectivités locales s’engageront dans cette expérimentation ! La plaine de Grenoble est un territoire très fertile pour ce type de projet à portée écologique. On lui souhaite une longue vie !

Cliquez ici pour accéder au site du Low Tech Lab.

Laisser un commentaire