2 Mai 2022
5 jours de pause à Coëtieux dans la famille bretonne de Victor. Un accueil en musique à Loudéac, une soirée galette pour apprendre à manier le billig et des retrouvailles avec les cousines et le petit frère.
Nous voilà reparti en direction de Saint-Brieuc afin de rejoindre la côte nord de la Bretagne. Nous traversons le magnifique village médiéval de Moncontour. Une course de vélo de descente y est organisée. Les spectateurs nous encouragent à passer et sauter les structures avec nos vélos. Nous déclinons poliment en répondant qu’avec nos vélos chargés, nous risquerions de battre les records de vitesse.
On se fait un peu surprendre par l’aspect vallonné de la Bretagne. On se retrouve rapidement à faire du dénivelé. ça nous fait les cuissots ! En fin d’après-midi, nous arrivons à Hillion chez Elise et Alex ou plutôt dans la maison de leurs amis. Ils y ont habité tout l’hiver le temps que leur maison en rénovation soit vivable. Comme par hasard, nous débarquons chez des passionnés du voyage à vélo. Elise et Alex sont partis de Bretagne pour faire une tour d’Europe en vélo sur 1 année entière. Comme nous, ils avaient en tête de partir à la découverte des différentes formes d’assainissement écologique. Vous trouverez le lien de leur blog en bas de l’article. Aujourd’hui, ils se déplacent toujours autant à vélo. Elise est même bénévole dans un forum du voyage à vélo (Osez partir à vélo!) qui est organisé à Saint-Brieuc tous les 2 ans. Les amis qui leur ont prêté la maison sont en ce moment même en vélo au Maroc, dans l’Atlas. Pas de doute, quand on observe la décoration de leur maison, ce sont bien des fans absolus de cyclotourisme.
Elise est technicienne de la fonction publique territoriale. Elle a travaillé pendant longtemps au SATESE (Service d’Assistance Technique à l’Exploitation des Stations d’Epuration) du Conseil Départemental des Côtes-d’Armor (CD22). Son rôle ? Conseiller et accompagner les collectivités sur la gestion de leurs systèmes d’assainissement collectif et en particulier sur le fonctionnement de leurs stations d’épuration. Elle a pu donc pu nous partager sa vision de l’assainissement collectif dans un territoire sous pression où l’assainissement est un enjeu important. En effet, les cours d’eau et littoraux des Côtes d’Armor sont déjà largement saturés en azote du fait de l’élevage intensif et de l’agriculture industrielle, ce qui entraîne notamment pour la partie très visible, la prolifération d’algues vertes. En se développant, les algues vertes vont appauvrir les milieux aquatiques et déséquilibrer les écosystèmes, menant à la disparition de nombreuses espèces. De plus, en se décomposant, ces algues libèrent de l’hydroxyde de soufre (plus connu sous le nom d’hydrogène sulfuré), dangereux pour les animaux et les humains. Cette substance gazeuse a déjà fait plusieurs victimes en Bretagne. Sur ce sujet, nous vous recommandons de lire la bande dessinée « Algues vertes ». C’est un formidable travail de journalisme d’investigation réalisé par Inès Léraud.
Dans ce contexte, les installations d’assainissement n’ont pas trop le droit à l’erreur et ne peuvent pas se permettre de relâcher de l’azote en grande quantité dans le milieu naturel. Les discussions avec Elise furent passionnantes ! Elle nous explique également son positionnement quotidien : « en assainissement, plus un système est simple et rustique comme j’aime le présenter aux élus, plus il facile de le faire fonctionner. ».
Nous avons fait la connaissance d’Elise et Alex grâce à Annie. Le soir de notre arrivée, elle nous a d’ailleurs rejoints avec son compagnon pour manger. Elle a apporté avec elle des maquereaux à l’huile d’olive tout droit venus du Finistère, du cidre et des galettes bien sûr. Tandis qu’Alex a cuisiné les derniers poireaux et carottes de son potager. Annie nous a même offert un pot de maquereaux pour notre pique-nique du lendemain. C’est vraiment adorable.
Après une soirée bien sympathique, nous nous couchons enivrés de cidre et convaincus que l’accueil breton est décidément formidable.
Le lendemain, Mewen, un ami brestois nous rejoint. Il nous accompagnera en vélo sur les deux prochains jours. Nous partons de chez Elise et Alex pour rejoindre Annie à son atelier. C’est le siège de son entreprise Humusséo.
Comme bon nombre des personnes que l’on rencontre, Annie ne vient pas du tout du domaine de l’assainissement. C’est à partir du moment où elle a commencé à restaurer sa maison qu’est venue la question de la gestion de ses eaux usées. A l’époque, elle entend parler des toilettes sèches, et ensuite de la phytoépuration. Elle réalise notamment une formation auprès de l’association Eau Vivante, en 2007. Cette association fut l’une des premières en France à faire la promotion des toilettes sèches et de la phytoépuration en assainissement individuel. Eau vivante, qui n’est malheureusement plus active aujourd’hui, défendait notamment le fait de réaliser des installations adaptées au contexte de chaque parcelle (cf article sur l’entreprise Epurscop). Elle proposait dans ses formations d’installer des systèmes non agréés et fut à l’origine du principe de convention tri-partite avec le SPANC et le maire dans laquelle le propriétaire s’engage à réaliser une mesure de la qualité de l’eau traitée chaque année pendant les 3 premières années. Il s’agit de répondre à l’obligation de résultat défini dans la réglementation nationale sur l’Assainissement Non Collectif (ANC).
Après avoir ouvert cette première porte, Annie découvre les toilettes sèches. Elle décide d’en installer chez elle. En parallèle, elle a trouvé un travail administratif à mi-temps dans un cabinet d’avocats, un tout autre style de cabinet ! Pour compléter ses revenus, elle décide donc de monter une activité de location de toilette sèches. Il s’agit ici de toilettes à litière traditionnelle avec sciure. La particularité d’Annie ? Elle ne couvre que des petits événements. Elle ne souhaite pas gérer plus de 5 cabines à la fois.
Annie est bricoleuse. Elle construit elle-même ou en famille une partie de ses installations. Lors de notre passage, elle était notamment en pleine conception d’une cabine pouvant accueillir l’urinoir féminin Marcelle (cf article Louise Raguet). Elle construit certaines de ces installations avec un artiste constructeur de cabanes originales. Un autre collègue devenu ami est à l’origine de ses « toilettes sèches à chasse » (ticket gagnant à celui qui sait le prononcer correctement!). Il s’agit d’un réservoir à sciure situé à l’arrière de la cabine et relié à l’assise par une goulotte. Un petit système mécanique avec ressort permet à l’utilisateur d’ajouter de la sciure dans le composteur en appuyant sur un bouton. L’imitation parfaite de la chasse d’eau ! C’est une belle manière de faire accepter la toilette sèche étant donné que l’expérience utilisateur, comme disent les informaticiens, est la même. Les seuls problèmes techniques à régler : faire en sorte que la sciure ne se tasse pas dans le réservoir extérieur et envoyer la bonne quantité de sciure dans le composteur. Sur des missions plus ponctuelles, Annie accompagne notamment le département des Côtes d’Armor à l’installation saisonnière de toilettes sèches publiques au Château du Guildo et cap d’Erquy.
Nous avons beaucoup rigolé avec Annie. Elle a pleins d’histoires et de situations loufoques de festival à raconter. Elle arbore un sourire radieux. Elle a à cœur de nous transmettre l’amour qu’elle a pour son territoire. En effet, ses parents avaient un petit élevage de cochons à Hillion. Elle a toujours vécu en Bretagne. Ado, elle allait sur la plage juste en bas, avec ses copains. Ils s’amusaient à se balancer des algues vertes tout en se baignant. On ne parlait pas de leur dangerosité à l’époque. C’est d’ailleurs ici dans l’estuaire du Gouessant que sont apparus les premiers cas d’animaux morts (cf hydroxyde de soufre). Aujourd’hui, c’est son frère qui a repris la ferme et possède un élevage de vaches laitières en agriculture biologique. Pour rien au monde, elle ne quittera la baie de Saint-Brieuc et ses alentours. Annie a d’ailleurs pris le temps de nous faire visiter la côte jusqu’au cap Fréhel. Les vélos dans son fourgon et nous voilà partis en quête de la Côte d’Emeraude, la côte de grès rose.
Les paysages sont magnifiques et le ciel arbore un soleil grandiose. Il y fait presque la bonne température pour se baigner. Nous pique-niquons tous ensemble sur la plage de la Fosse Monnaie, puis reprenons notre route à vélo en direction de Saint-Malo.
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