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François Garnier – Compost’Tout

3 mai 2022

Hier soir, nous avons dormi à Saint-Méloir des ondes chez la tante de Victor. Nous décollons tranquillement vers 11h. 1h de vélo nous suffit pour rejoindre Dol-de-Bretagne. François nous accueille chez lui au sein de l’habitat participatif l’Ôôôberge. On s’installe sur une table près du jardin. Il a prévenu ses voisins de notre arrivée. Petit à petit, plusieurs d’entre eux nous rejoignent pour boire le café et échanger avec nous au soleil. C’est étonnant de convivialité !

L’Ôôôberge est un projet d’habitat participatif qui date de 2013. Cette cinquantaine d’habitants vient d’aménager au mois de septembre dans 23 logements répartis sur 3 bâtiments. Mais pourquoi autant de temps ? Tout simplement car il s’agit d’une initiative innovante et complexe. Tout d’abord, il a fallu trouver le terrain. Au début l’ancien collège de Dol était visé. Finalement, le maire en a décidé autrement. C’est une maison de retraite qui s’y est fait à la place. Le collectif repère un ancien restaurant routier avec une parcelle composée d’un grand parking. Cette fois-ci ça sera la bonne. 

François Garnier
François nous explique le système de toilettes sèche qu’il va installer à l’Ôôôberge

La seconde étape pour le collectif a été de trouver un bailleur social intéressé pour les suivre. En effet, depuis le début, l’Ôôôberge souhaite créer un habitat participatif dans lequel on retrouverait des logements sociaux. C’est la grand particularité de ce projet : une volonté très forte de mixité sociale. Par chance, ils identifient un bailleur motivé et qui est réellement intéressé par le projet. Ce dernier est même d’accord pour mettre en place un « Prêt Social Location Ascession » (PSLA). C’est à dire de laisser, pour certains logements la possibilité pour les habitant.e.s d’acheter l’appartement dans un délai de 3 ans après installation dans le bâtiment. Après avoir établis les principes du partenariat avec le bailleur social, s’ensuit toute la réflexion concernant la conception des bâtiments. Les architectes désignés par le bailleur n’ont finalement pas l’habitude de ce type de projet. Ils doivent apprendre à concevoir en fonction des besoins des habitant.e.s. C’est alors qu’ont lieu des heures de discussions sur les envies et besoins de chacun. Comment satisfaire tout le monde ? En effet, au début, chacun souhaitait un appartement en rez-de-chaussée avec une terrasse donnant sur le jardin partagé. Fondamentalement, c’est impossible. Débat et compromis ont finalement permis de faire avancer le projet.

Aujourd’hui, très peu d’appartements se ressemblent. Le collectif a dû essuyer quelques plâtres dans la conception avec notamment les Architectes et Bâtiments de France (ABF) qui ont interdit les toits plats et obligé la mise en place de ganivelles sur les coursives extérieures pour une meilleure intégration en centre-ville.

Et oui, centre-ville ! Car le collectif est principalement composé d’urbains qui se projetaient dans une ville plus petite mais qui souhaitaient garder certaines commodités de l’urbain. Ils sont aujourd’hui très proches du centre bourg et peuvent pratiquement tout faire à pied ou en vélo. Dol-de-Bretagne possède une gare avec des trains réguliers vers Paris ou Rennes. Nombre d’entre eux travaillent à Rennes par ailleurs.

En quoi l’Ôôôberge est un habitat participatif ? Certains habitant.e.s sont propriétaires, d’autres sont simplement locataires, aucune distinction n’est faite dans les usages des parties communes. Car oui, il y a des parties communes : le jardin, la buanderie, le poulailler, les garages, les parkings vélos, ainsi qu’un bâtiment (ancien restaurant routier). En matière de mixité sociale, le pari est plutôt réussi puisqu’il y a une partie des logements en HLM et une grande diversité de profil parmi les habitants : des enfants, des jeunes, des personnes âgées, des retraitées, des personnes en situation de handicap, des femmes, des hommes issu.e.s de différents horizons professionnels. Tous.tes les habitant.e.s sont impliqué.e.s dans la gestion de la vie commune. Pour cela, le collectif se réunit au minimum 1 samedi par mois pour échanger sur les sujets à l’ordre du jour. En plus, quelques personnes peuvent se réunir au cours de la semaine pour travailler ensemble en commission sur un sujet précis. Chaque commission rapporte ensuite en plénière le fruit de son travail.

Pourquoi sommes-nous allés les rencontrer ? Tout simplement car le collectif souhaite mettre en place des toilettes sèches dans une partie des appartements. Leur objectif : installer des toilettes à séparation à la source faisant appel à la technologie de la marque Ecodomeo, le séparateur en forme de tapis (cf article ecodomeo). Pour cela, le collectif s’est fait accompagner par l’entreprise Ecosec (cf article Ecosec) pour concevoir tout le système. En première approche, l’Ôôôberge avait imaginé positionner les toilettes des appartements sur un mur donnant sur l’extérieur de manière à faire traverser le tapis pour qu’il fasse tomber les matières fécales dans une colonne de chute. Ces matières auraient alors atterris dans un composteur situé au sous-sol des bâtiments.

Le problème ? Le terrain sur lequel sont construits les bâtiments est plutôt marécageux. Les fondations ont donc été très compliqué à réaliser. Les bâtiments sont positionnées sur pilotis enfoncés à plus de 20m de profondeur. Ils étaient donc impossibles de réaliser des caves au sous-sol. Le collectif a ainsi dû changer son fusil d’épaule. Les appartements sont tous équipés de toilettes à eau pour le moment. Petit à petit, chez les habitant.e.s les plus motivés, des toilettes sèches vont être installées. Elles comprendront un tapis séparatif qui collectera les urines à l’avant et les enverra dans un réseau séparatif d’urine. Ce réseau avait été conçu dès l’amont de la construction. Les urines rejoindront ainsi des cuves enterrées placées à proximité des bâtiments. Les cuves seront ensuite vidées par le lycée agricole de Dol-de-Bretagne et épandues directement dans les champs. Les matières fécales retomberont quant à elles à l’arrière du tapis dans un bac en plastique possédant un fond de sciure. Une fois plein, le bac sera collecté par un salarié de l’association Compost’tout et emmener en plateforme de compostage. Bien évidemment, pour ce qui concerne les eaux ménagères, l’Ôôôberge s’est raccordé au réseau d’assainissement collectif. La loi les y oblige.

Les habitant.e.s de l’Ôôôberge ont ainsi fait le choix de payer un prestataire pour la gestion de leur système d’assainissement. Ça tombe bien, François a créé compost’tout et est lui-même habitant de l’Ôôôberge. C’est donc lui qui viendra vider les bacs régulièrement et sera le gestionnaire du système dans son intégralité. Pour le moment, les habitant.e.s se sont entendu.e.s sur les prix avec l’association Compost’tout de manière à ce que chaque usager paie autant que s’il avait des toilettes à eau. Les économies financières faites sur l’économie d’eau (pas de chasse d’eau) correspondront au prix de la collecte des matières par Compost’tout. Il faut savoir ici que le prix de l’eau potable à Dol-de-Bretagne était l’un des plus chers en France.

François va donc récupérer les matières de ses voisins. Ce n’est pas évident. Il réfléchit donc actuellement à affiner la conception du caisson de la toilette sèche de manière à ce que :

– les dimensions soient les bonnes pour la pièce des toilettes ;

– le volume soit suffisamment grand pour lui éviter trop d’interventions ;

– les manipulations à réaliser soient les plus faibles ;

– l’étanchéité soit parfaite afin d’éviter les odeurs ;

– le contact visuel direct avec les matières des usagers n’existe pas lors de la manipulation des différents compartiments.

Il réfléchit également à concevoir toute la procédure d’intervention chez l’usager de manière à respecter les points cités précédemment. Il expérimente toutes les possibilités chez lui pour le moment ainsi qu’au tiers-lieu la Zuut où il possède son bureau.

Après la visite de l’habitat participatif et les échanges avec les habitant.e.s, François nous amène visiter un autre habitat collectif situé sur la commune voisine. Il s’agit du lieu « la Bigotière ». Un tout autre contexte avec de tout autres objectifs. N’hésitez pas à aller voir leur site. Ils réalisent fréquemment des chantiers participatifs si cela vous intéresse.

L’habitat participatif « la Bigotière »
Un jardin plein de vie !

Nous sommes ensuite allés découvrir le tiers-lieu la Zuut. De nombreuses structures y sont présentes :

  • Des idées pleins la terre : association de sensibilisation, d’éducation et d’accompagnement des collectivités sur les questions d’alimentation, de biodiversité et d’environnement au sens large ;
  • la petite recyclerie : un petit espace libre de don et d’échanges ;
  • l’Epok : une entreprise d’accompagnement à la création et l’installation d’habitats participatifs ;
  • des auto-entrepreneurs en tout genre tel qu’une personne qui redonne une seconde vie aux appareils numériques ;
  • Compost’tout : association de développement du compostage des déchets organiques.

Nous ne détaillerons pas chaque structure ici. Nous parlerons uniquement de Compost’tout qui est la structure de notre hôte. Créée en 2018, l’association est composée pour le moment d’un unique salarié et d’un conseil d’administration. François est maître composteur. Après avoir réalisé de nombreux boulots différents dont celui de chauffeur autoroutier dans la Meuse, il décide de se lancer dans le compostage. Pour démarrer, il créé un partenariat avec une propriétaire d’ânes. Pour marquer les esprits, il décide d’aller collecter les déchets organiques des différents restaurateurs de Dol-de-Bretagne tous les mercredis avec un âne, César. François se fait alors appeler Jules. C’est donc le duo Jules – César qui collecte et valorise la matière organique à Dol. Ce n’est évidemment pas rentable mais cela lui fait un bon coup de pub !

Visite du tiers-lieu la Zuut

Sur demande des collectivités, s’est mis en place l’installation et l’animation de composteurs de quartier. Il forme ainsi les habitant.e.s à leur utilisation. Pour chaque zone de compostage, il désigne « un.e référent.e de site » qui est responsable de la bonne gestion de la zone. Aujourd’hui plus de 34 aires de compostage ont été mises en place à l’échelle de la Communauté de Communes du Pays de Dol et de la Baie du Mont Saint-Michel. Il anime donc tout un réseau de référent.e.s de site. Il les fait se rencontrer et échanger entre eux sur leur pratique.

Nous terminons la journée par la visite de sa plateforme de compostage. En effet, le partenariat avec la communauté de communes s’étant accentué, la collectivité lui a aménagé une place au sein de la déchetterie pour qu’il puisse faire une aire de compostage. Avec les déchets organiques qu’il collecte auprès des restaurateurs, François arrive aujourd’hui à produire quelques mètres cubes de composte qu’il revend tant bien que mal. Il vient d’obtenir l’agrément ASQA lui permettant de certifier son compost. Aujourd’hui, François n’a plus le temps de réaliser à la fois la partie administrative et la partie technique des activités de l’association. Celle-ci cherche donc à recruter quelqu’un dans les mois qui viennent. Cela lui permettra de se focaliser sur ce qu’il aime, le métier de technicien. De plus, l’association a de beaux jours devant elle puisqu’au 1er janvier 2024, tous les organismes de restaurations devront obligatoirement recycler leurs déchets organiques.

Visite de la plateforme de compostage géré par François
Un bon tas de compost qui attend une dernière étape de maturation

Un grand merci à François pour ces discussions passionnantes. Une chose nous a vraiment impressionné chez tous les habitant.e.s de l’Ôôôberge, c’est qu’ils ont développer une forme de tolérance extrême ! On sent que les habitant.e.s se sont bien appropriés les outils de vie en collectif. C’est très inspirant d’avoir pu rencontrer toutes ces personnes aux compétences humaines et sociales immenses. Longue vie à l’habitat participatif ! Longue vie à l’Ôôôberge !

Cliquez ici pour accéder au site de l’Ôôôberge

Cliquez ici pour accéder au site de Compost’tout 

Cliquez ici pour accéder au site du tiers-lieux la Zuut

Cliquez ici pour accéder au site de la Bigotière

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