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INRAE REVERSAAL Lyon

3 Juin 2022

Lors de notre virée Lyonnaise, nous avions prévu de rencontrer Catherine Boutin afin qu’elle nous parle d’assainissement non-collectif (ANC). Elle vient de partir à la retraite mais a quand même accepté de nous recevoir. C’est donc chez elle à Mionnay, en périphérie de Lyon, que nous avons pu la rencontrer. Nous faisons d’une pierre trois coups durant cette visite, car Vivien Dubois et Rémi Lombard-Latune de l’INRAE Lyon- Villeurbanne nous ont également rejoint pour discuter avec nous.

Discussion avec Catherine Boutin

Nous sommes sûres d’être à la bonne adresse lorsque Catherine nous lance un « Bonjour les cyclistes ! » avec un grand sourire depuis une des fenêtres de la maison. Elle nous reçoit dans son havre de paix, un ancien corps de ferme réaménagé avec goût. Nous prenons un café et discutons un certain moment, avant de sortir les micros. Victor rencontre Catherine pour la première fois tandis que Nathan avait pu travailler à ses côtés lors d’un stage sur l’assainissement d’un refuge Pyrénéen en 2018.

Quand on parle d’assainissement non collectif (ANC), on parle des personnes qui ne sont pas raccordés au tout à l’égout et doivent donc faire installer un système de traitement des eaux usées sur leur parcelle. En France, on compte 5,8 millions d’abonnés en assainissement non collectif (environ 12,4 millions d’habitants desservis). Cependant, en commençant l’interview, Catherine nous avertie « Aujourd’hui, personne ne connaît la situation de l’ANC en France ». Elle en a une vision assez éclairée car à partir de 2010, elle a participé à un programme de recherche sur les filières françaises.

Catherine Boutin a travaillé au CEMAGREF, devenu IRSTEA et enfin INRAE en tant que chef de mission traitement des eaux usées dans le cadre de l’équipe épuration de Lyon (unité de recherche REVERSALL pour REduire Réutiliser Valoriser les Ressources des Eaux Résiduaires). Elle a travaillé principalement pour les systèmes à destination des petites collectivités et sur les dispositifs d’assainissement dits extensifs (avec une maintenance simple et fonctionnant parfois sans électricité).

En première partie de notre échange, elle nous a parlé de histoire de l’ANC, comment cela a été encadré par la réglementation depuis les années 1980 ainsi que la différence fondamentale entre la normalisation de filières (marquage CE) et la réglementation fixant les règles d’abattement des pollutions. La différence étant que la normalisation de filière a permis l’arrivée sur le marché de systèmes de traitement homologués mais non performants.

Dans une seconde partie de notre rencontre, nous avons échangé sur le travail de suivi in situ de filières de traitement d’assainissement non collectif (ANC) par l’IRSTEA. Cette étude, financée par le conseil général du Rhône puis par l’agence de l’eau Loire Bretagne et l’Office Français de la Biodiversité (OFB) a permis de suivre les capacités épuratoires de 246 installations sur 22 départements entre 2011 et 2016 sur 18 dispositifs différents. Les résultats de cette étude ont fait beaucoup de bruits à leur sortie étant donné qu’ils mettaient en avant que seulement 3 dispositifs (sable, végétaux et fibres de coco) répondaient aux seuils d’acceptabilité de l’étude (en matière de qualité des eaux usées traitées et de facilité d’entretien). Autrement dit, cela a mis en avant l’inefficacité de traitement de la majorité des systèmes de traitement en assainissement non collectif en France. Catherine nous a raconté le climat tendu lors de la présentation de ces résultats ainsi que des pressions qu’elle a pu subir.

Dans un dernier temps, Catherine nous a partagé sa vision des voies d’amélioration de l’ANC. Par exemple, la mutualisation de l’ANC à l’échelle de quartiers avec des filières de traitement robustes et extensives prenant en compte une évacuation correcte des eaux usées traitées.

Vivien Dubois nous a rejoint chez Catherine Boutin au cours de la matinée. Ils se connaissent bien étant donné qu’ils ont été collègues à l’INRAE pendant plus de quinze ans. Vivien a travaillé durant 8 ans sur la thématique ANC (assainissement non collectif). Cependant, les financements concernant la recherche en ANC ont été récemment suspendus. Et oui, aujourd’hui, il n’y a plus aucune recherche publique sur l’assainissement on collectif, sous le tapis !

Discussion avec Vivien Dubois

Vivien travaille désormais sur les sols et leur capacité épuratoire. Il nous a parlé de comment caractériser, ou encore estimer les capacités d’infiltration d’un sol, et quels sont les paramètres qui jouent sur les capacités épuratoires d’un sol. Car si aujourd’hui, l’agriculture s’est fortement intéressé à ces outils là, notamment pour optimiser l’irrigation, le monde de l’assainissement se les ait peu accaparés.

Le sol est un milieu vivant. Ce sont d’ailleurs les mêmes phénomènes bactériens que l’on retrouve dans les station d’épuration qui opèrent dans les sols. Le carbone est consommé par les bactéries, l’azote est nitrifié puis dénitrifié. Ce sont principalement des phénomènes chimiques qui permettent d’absorber le phosphore, mais également tout le spectre des micro-polluants : produits pharmaceutiques, hormones, pesticides. C’est sur ces dernières molécules qu’une partie des recherches se concentrent actuellement. Car si on veut utiliser la capacité épuratoire des sols pour améliorer les traitements en sortie de STEP (station d’épuration), il est important de savoir comment va réagir le sol, comment il dégrade ou non ses molécules et quelles quantités peut-il accepter sans que cela devienne une source de pollution.

Nous avons également discuté de l’infiltration des eaux au travers des tranchés remplies de broyat de bois (FBB : Filtre à Broyat de Bois). Dans la littérature scientifique, cette méthode est connue en agriculture pour traiter d’éventuelles eaux chargées qui s’écouleraient des champs et risqueraient de polluer le milieu. Cette méthode semble prometteuse pour traiter des eaux peu chargées en polluants organiques, et les recherches actuelles de INRAE mettent en avant la capacité de ces systèmes à améliorer la perméabilité d’un sol (via l’activité des vers de terre qui forment des galeries entre le sol et le FBB). Un effet qui pourrait être recherché dans le cas de sol avec de faibles capacités d’infiltration, mais peu intéressant pour des sols reliés directement à des nappes souterraines.

Concernant les sols, un autre domaine de recherche mené par l’unité REVERSALL se concentre sur la réutilisation des eaux usées traitées (REUT ou encore REUSE en anglais). Nous avons abordé cette thématique avec Rémi Lombard-Latune, lui aussi chercheur à l’INRAE de Villeurbanne. Il est arrivé dans cette unité de recherche pour travailler dans un premier temps sur l’adaptation des filtres plantés aux zones tropicales avant d’accéder à un poste sur la thématique de la REUSE.

Discussion avec Rémi Lombard-Latune

Rémi nous a expliqué que la pratique de réutilisation des eaux de vidanges en agriculture est une pratique ancestrale. Aujourd’hui, on estime que dans le monde, les eaux usées réutilisées en agriculture sont traitées dans seulement 15 % des cas. Autrement, les eaux brutes sont directement épandues dans les champs.

En France, certains projets de REUSE on vu le jour dans les années 80-90, avec des projets emblématiques comme à Clermont-Ferrand, Noirmoutier ou l’île de Ré. Aujourd’hui, cette méthode est de plus en plus étudiée dans certains contextes comme une possibilité pour lutter contre les effets du changement climatique (diminution des ressources accessibles en eau douce).

Si la REUSE semble à première vue une excellente solution, sa mise en place est assez complexe et doit être étudiée au cas par cas. En effet réutiliser les eaux usées d’une station d’épuration directement en agriculture n’est aujourd’hui pas possible au vu de la réglementation. Voici plusieurs points qu’il faut prendre en considération dans un tel projet :

  • Rajouter des procédés de traitement : l’assainissement conventionnel se concentre principalement sur le traitement de paramètres physico-chimique (azote, phosphore, matière organique,…). Alors que pour la REUSE, un ou plusieurs traitements supplémentaires sont nécessaire pour également détruire les micro-organismes pathogènes.
  • L’amortissement des coûts d’installation de nouveaux procédés de traitement est compliqué : les besoins étant discontinus (4,1 mois/an en moyenne d’après les retours de terrain), le retour sur investissement est long …
  • La REUSE ne doit pas se faire au détriment de l’environnement. D’une part, les volumes d’eau sortant des station d’épuration viennent en soutien aux débits des cours d’eau et au bon fonctionnement écologique des rivières : les prélèvements pour la reuse se font malheureusement au moment ou les rivières ont le plus besoin de ces eaux. D’autre part, on estime qu’aujourd’hui au niveau mondial la part des émissions de GES pour le traitement de l’eau (6%) est le double de celle de l’aviation. Les étapes de traitement supplémentaires à mettre en œuvres sont très gourmandes en énergies et viennent alourdir une note déjà salée …
  • Une solution serait de repenser notre mode de gestion du risque associés aux pathogènes, en optant pour une gestion intégrée (« multi-barrières »), qui, en considérant le type de culture, les modes d’irrigation, les traitements post-récoltes, permet d’abaisser le niveau de traitement nécessaire et ainsi le bilan économique et environnemental de la REUSE.
  • Le caractère fertilisant de la REUSE (dans le cas où ces eaux seraient chargées en nutriments) n’est souvent pas recherché car il soulève de nombreux autres problèmes techniques (le traitement poussé à mettre en œuvre pour éliminer les pathogènes élimine par ricochet les nutriments, il y a également une problématique de colmatage de l’irrigation en aval ).

Rémi nous a cependant expliqué que la REUSE pourrait se développer, en articulation avec les eaux de pluies, pour de nouveaux usages de l’eau, liés au changement climatique. Cela pourrait être le cas  pour de l’irrigation d’Îlots de fraîcheur en ville ou encore l’irrigation des vignes.

Nous repartons de chez Catherine en début d’après-midi, cette fois-ci avec Rémi qui nous accompagne à vélo. Merci encore à elle pour son accueil et ses temps d’échange de qualité. Merci aussi à Vivien et Rémi pour leur temps et leur bienveillance.

Cliquez ici pour accéder à l’étude de Catherine sur les dispositifs de traitement en assainissement non collectif.

Cliquez ici pour accéder au site de l’unité REVERSAAL.

Cliquez ici pour accéder aux travaux sur le Filtre à Broyat de Bois.

2 réflexions au sujet de « INRAE REVERSAAL Lyon »

  1. Bonjour à tous. Un grand merci pour cet échange qui est très encourageant en cette période qui devient critique. Est il possible d’échanger ?

    1. Bonjour,
      Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à directement nous contacter par mail : enselles@protonmail.com

      Merci à vous,
      Victor

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