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Christophe Mandereau – Aristot

Dans la même journée, on prend le RER A deux fois. Mais cette fois-ci, ça sera dans l’autre sens, direction Rueil-Malmaison. C’est la première fois que l’on y va. Le centre de cette banlieue parisienne ne nous fait pas délirer plus que ça. Il faut dire que c’est dimanche, il n’y a pas grand monde dans les rues. Puis, on tombe sur les bords de Seine. Ils sont aménagés. C’est très agréable. On commence par s’installer en terrasse mais en regardant la carte on change vite d’avis. Les prix sont vraiment excessifs. La vie parisienne n’est vraiment pas faite pour des voyageurs aux ressources financières limitées comme nous. On se pose sur un banc, devant les enfants qui jouent à 1, 2, 3, soleil. On écrit et on prépare nos interviews du lendemain.

On est venu ici pour poser des questions à Christophe sur la méthanisation. Cela fait désormais 15 ans qu’il travaille au sein du bureau d’étude Aristot. Il s’agit d’une entreprise qui conseille les collectivités territoriales et les entreprises en matière d’ingénierie écologique. Christophe est pris pendant la journée. Il est en plein tractage car il se présente aux élections législatives. On espère le croiser dans l’après-midi.

Il arrive finalement à 18h et nous paie un coup pour s’excuser de son retard. Merci à lui. On choisit la formule « on pose l’enregistreur au milieu de la table et on discute autour d’un verre sans se préoccuper des bruits parasites ». On le regrettera peut être par la suite.

Christophe a pris conscience que l’on fonçait droit dans le mur en matière de soutenabilité depuis plus de 30 ans maintenant. Il était parmi les premiers ingénieurs à comprendre que notre société n’allait pas dans le bon sens. Depuis plus de 10 ans, il a développé au sein d’Aristot une expertise sur les procédés de méthanisation et de sobriété énergétique des stations d’épuration.

La méthanisation est un procédé utilisé depuis la nuit des temps. En effet, on retrouve des concepts similaires à des époques très anciennes dans certaines civilisations asiatiques et arabes. Le principe ? Mettre de la matière organique sous cloche en l’absence d’oxygène et les porter à une certaine température. L’idée est de créer des conditions favorables à l’activité de certaines bactéries présentes dans la matière organique. On peut distinguer alors deux types de méthanisation : celle qui monte jusqu’à 37°C (mésophile) et celle qui va jusqu’à 55°C (thermophile). Dans ces conditions, les bactéries vont « digérer le carbone » de la matière organique et le transformer en gaz : méthane (CH4) et dioxyde de carbone (CO2). Ces deux gaz sont des gaz à effet de serre. Toutefois, leur utilisation dans le cadre de la méthanisation permet d’avoir un « cycle court du carbone ». Au lieu de consommer du pétrole (carbone décomposé sur des milliers d’années) et de le rejeter dans l’atmosphère, on utilise du carbone présent dans la matière organique (carbone non décomposé). Bien sûr, il ne faut pas que le digesteur ait des fuites et relâche ces gaz directement dans l’atmosphère, sinon, le gain apporté par le procédé est moindre.

Le méthane ainsi produit peut être utilisé pour faire du biogaz et/ou alimenter le gaz de ville. Le dioxyde de carbone, quant à lui, commence à trouver des intéressés dans le monde de l’industrie. En effet, de nombreux procédés industriels utilisent du dioxyde de carbone. De plus, la chaleur produite par le procédé peut être utilisée pour chauffer des bâtiments.

La matière récupérée en sortie du procédé s’appelle le digestat. Elle est riche en azote et peut être réutilisée en agriculture. Toutefois, il faut y appliquer un plan d’épandage très précis afin d’éviter toute dégradation de l’environnement lors de son utilisation.

La matière organique pouvant être utilisée en méthanisation est variée. On peut tout aussi bien utiliser des boues de station d’épuration (partie solide restant en fin de traitement), des déchets de cuisine, que des déchets verts, des cultures spécifiques ou des lisiers et fumiers.

Nous avons beaucoup parlé avec Christophe de l’intérêt de la méthanisation à une échelle plus large. Selon lui, c’est un enjeu majeur qui permettrait à la France de réduire sa dépendance au gaz d’origine fossile (russe, algérien, américain, etc.). Il faut toutefois bien concevoir les filières et ne pas faire n’importe quoi. En effet, de son point de vue, il faut développer les projets de méthanisation de manière à ce que la matière organique utilisée soit originaire du territoire dans un rayon de 30km autour de l’installation. Pour lui, c’est un non-sens de construire de gros digesteurs qui vont faire parcourir beaucoup de kilomètres aux matières ! Et puis, plus l’installation est grosse, plus les risques d’accidents technologiques sont gros. Car le méthane, ça explose donc il y a tout un système de gestion des risques à mettre en place pour ce type d’installation.

De plus, pour Christophe, dans le cas d’exploitation agricole, il ne faut pas que l’intégralité de la production des cultures soit pensée pour la méthanisation. L’installation est simplement un outil que l’agriculteur peut utiliser pour se maintenir un certain revenu. En effet, l’année où la récolte est mauvaise, l’exploitant a simplement à mettre ses récoltes perdus dans le méthaniseur. Il en tirera un petit profit. Avec le changement climatique, les récoltes seront de plus en plus aléatoires. La méthanisation peut être alors une bonne option.

Les populations locales ont aujourd’hui dû mal à accepter de tels projets proches de chez eux. Ce sont des installations qui font peur, qui peuvent impacter le paysage et qu’on accuse généralement de relarguer une odeur nauséabonde.

La notion de proximité est très importante pour Christophe. Pour lui, il faut repenser toute notre société de manière à ce que l’on puisse quasiment tout produire au niveau local. Dans un monde idéal, les stations d’épuration deviennent un lieu de valorisation situé en périphérie des villes. Tout ce qu’il y a de recyclable, il faut le recycler ! C’est aussi pour ça que, de son point de vue, la méthanisation n’est pas incompatible avec le compostage de proximité. Pour lui, il faut absolument développer un maximum de compostage en pied d’immeuble pour les déchets organiques de cuisine tel que cela se met en place un peu partout en France. Le compostage centralisé peut être également une autre solution dans certains cas et la méthanisation dans d’autres. Mais le principal levier d’action aujourd’hui reste, selon Christophe, celui des déchets verts (jardins, espaces verts, etc.) qui ne sont pas assez valorisés aujourd’hui.

Sur les stations d’épuration, il a notamment accompagné la métropole de Strasbourg et l’agglomération de Cagnes-sur-Mer dans la réhabilitation de leurs stations d’épuration. Avec les systèmes mis en place, ces stations seraient neutres en carbone.

L’échange avec Christophe fut très convivial. C’est quelqu’un de très abordable. Sous son engagement politique, c’est un citoyen avant tout. On sent qu’il a de l’expérience dans le domaine et qu’il brûle d’envie de faire avancer les choses. C’est pour ça qu’il veut passer à une autre échelle et se présenter en tant que député. Pour lui, les technologies et les savoirs-faire sont suffisamment développés. Il ne manque plus qu’un portage politique.

En fin d’interview, il nous a également indiqué qu’il était très intéressé par le sujet de la séparation à la source. Si nous décidions de créer notre structure d’accompagnement ou de conseil par la suite, il serait ravi de pouvoir travailler avec nous sur ces sujets. L’avenir nous le dira…

Bonne chance à lui dans sa candidature apartisane et citoyenne !

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