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Jean-Pierre Tabuchi

13 Mai 2022

Depuis hier, Nathan a un petit rhume. Ce matin au réveil ça s’est bien aggravé. Il a attrapé une bonne crève. Victor ira seul faire l’interview.

Jean-Pierre habite dans une commune proche de Massy-Palaiseau. Il a bien voulu que l‘on se retrouve dans un café proche de la gare de Massy. On s’installe tranquillement à une table et on commande deux expressos. Entre les clients et la cuisine, il y a un peu de bruit autour. Victor a oublié ses écouteurs. Ils étaient dans la sacoche de Nathan. Il a donc enregistré l’interview par simple analyse des décibels captés par l’enregistreur. Normalement, avec les micros-dynamiques ça devrait aller. Ils devront parler bien proche des micros.

Comment présenter Jean-Pierre ? C’est avant tout un ingénieur. Il a fait ces études dans le domaine de la géologie. A la suite d’un stage, il est embauché à l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN). Dans cet organisme, il était d’abord chargé de la mise en œuvre de la politique d’intervention dans le domaine des eaux pluviales avant de prendre en charge le service des aides à l’investissement des grands services publics d’eau potable et d’assainissement au niveau du centre de l’agglomération parisienne. Après avoir beaucoup travaillé avec le SIAAP, il a eu l’opportunité de rejoindre cette collectivité. Le Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP) est aujourd’hui la plus grande collectivité en charge de l’assainissement en France. Historiquement, à Paris, c’était l’ancien département de la Seine qui était en charge de l’assainissement. Puis, la population croissant, ce département a été découpé en 4 départements que l’on connaît aujourd’hui.

Le SIAAP aujourd’hui c’est 9 millions d’habitants, 400 km de réseaux de transport et 6 stations d’épurations. La plus grande étant la station d’épuration d’Achères que l’on nomme aujourd’hui Seine-aval. C’est l’une des plus grandes stations d’Europe avec celle de la ville de Londres.

Station d’épuration Seine-Aval / crédit photo : SIAAP

La particularité de cette situation est la densité de population de ce territoire rapporté au débit du fleuve qui est censé absorber ses excrétas. En effet, en comparaison avec le Rhône, la Seine a un débit 5 fois plus petit. Ce n’est pas un si grand fleuve que cela. La capacité de dilution des effluents traités qui y sont rejetés est donc faible. Les différentes stations d’épuration doivent alors fonctionner le mieux possible. Elles n’ont pas le droit à l’erreur car le moindre dysfonctionnement peut avoir des impacts importants sur le milieu aquatique.

Jean-Pierre est aujourd’hui en charge des questions de prospective au SIAAP. Il a donc une vision globale des enjeux auxquels est confronté cette collectivité. En premier lieu, on y trouve l’accroissement de la population sur le territoire. L’agglomération parisienne ne cesse de grossir et de s’élargir, notamment dans le cadre du Grand Paris. Cela veut donc dire, plus de pollution et de volumes d’eau à traiter sur des stations d’épuration qui sont déjà à la limite de leurs capacités. La crise sanitaire soulève une question : aura-t-elle un impact sur cette évolution démographique ?

A cela s’ajoute le changement climatique qui va avoir pour effet de diminuer le débit de la Seine, en particulier en période estivale. Les effluents rejetés par les stations vont donc avoir un impact encore plus important à l’avenir.

Et puis, comme pour tous les domaines, le SIAAP engage depuis longtemps une réflexion sur l’empreinte carbonée de ses activités. Certains procédés de traitement rejettent du N2O, un gaz à l’effet de serre important. De plus, l’ensemble du système d’assainissement consomme de l’énergie en particulier pour les procédés d’aération et les pompes de relevage. Ces dépenses énergétiques ont également un impact en matière de climat. Aujourd’hui, grâce à sa production biogaz, le SIAAP dispose d’une autonomie énergétique importante : plus de la moitié de ses besoins énergétiques sont ainsi couverts. Le SIAAP est en train de revoir le modèle énergétique du traitement des boues sur ces stations afin de valoriser son biogaz en biométhane.

Avec Jean-Pierre, nous avons eu une discussion très technique que l’on tâchera de vulgariser dans le podcast. Nous avons pu échanger sur les principaux impacts de l’assainissement sur le milieu naturel, l’histoire du SIAAP et le développement des différents traitements, la séparation à la source, le principe de neutralité carbone et d’autonomie énergétique, les installations présentes dans un système d’assainissement, etc.

C’est l’une des rares collectivités en France à être intéressé par la séparation à la source des urines et des matières fécales. A terme, la réflexion du SIAAP serait de développer ce type d’assainissement sur les nouvelles habitations. Cela leur permettrait de soulager leurs stations d’épuration et de ne pas avoir à les agrandir. En effet, en commençant à séparer les urines, les quantités d’azote et de phosphore arrivant en station seront d’abord stabilisées avant de décroître. Les procédés n’auront donc pas à être adaptés.

A notre grand étonnement, à la question « Quel est pour vous le système d’assainissement le plus écologique ? », Jean-Pierre a répondu : « si je vous donne une réponse facile, ça serait la toilette sèche évidemment. ».

C’est assez intéressant pour nous de découvrir que des professionnels de l’assainissement considèrent avec intérêt des systèmes alternatifs comme la toilette sèche. Toutefois, ces collectivités ont réalisé des investissements immenses dans le tout-à-l’égout.. C’est difficile d’imaginer changer rapidement un système qui a tout de même permis l’assainissement des villes et la reconquête de la qualité de la Seine et de ses affluents. Le temps du renouvellement urbain est le temps d’évolution de ces infrastructures.

En fin d‘interview, Jean-Pierre nous conforte dans l’idée que notre démarche est pertinente. Il souhaiterait que l’on rédige un rapport ou un document de synthèse sur les différents sujets que l’on traite dans notre voyage. Selon lui, on aurait tout intérêt à l’écrire en anglais. Ça lui permettrait de le diffuser aux partenaires européens avec lesquels il travaille.

Ce n’était pas prévu dans notre programme. Nous avions simplement prévu de réaliser un podcast mais l’idée est séduisante. Nous allons y réfléchir.

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