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Bastian Etter – Institut Eawag & Vuna

18 Mai 2022

Nous avons pris le train de Paris à Zurich. On est arrivé 1h30 avant le départ pour démonter  nos vélos au maximum. Après analyse du marché, les housses de transport recommandées par les compagnies ferroviaires coûtent a minima 70euros. Même sur leboncoin c’est compliqué de trouver quelque chose en-dessous de 40euros. On essaie d’appeler la SNCF afin de connaître leur niveau d’exigence sur le démontage des vélos. La personne que nous avons au téléphone a du mal à nous répondre. On décide de tenter un truc à l’arrache. On va empaqueter nos vélos comme de grands paquets cadeaux. Pour cela, nous avons acheté des housses de matelas en plastique à 5euros trouvées à Leroy Merlin. Ce n’est pas hyper solide mais en renforçant le tout avec du carton, ça devrait le faire. Tous ces préparatifs nous prennent un peu de temps.

Un peu de bricolage pour prendre le TGV avec nos mules
Et voilà le travail !

Pour être encore plus crédible, il faut que l’on arrive à porter chacun de notre côté : toutes nos sacoches + le vélo démonté. Pour Nathan, ça se fait assez bien car il a un vélo plutôt léger et toutes ses sacoches ont des sangles pour se porter en bandoulière. Pour Victor, c’est plus complexe, une seule bandoulière et un vélo seul, qui est déjà bien lourd. Il galère à passer le portique d’accès au quai. Il se fait aider par les employés de la SNCF sans avoir de remarques particulières sur son chargement.

Il reste suffisamment de places dans notre wagon pour mettre les sacoches dans les rangements réservés aux valises. Les vélos restent dans le couloir. Durant tout le trajet, les contrôleurs ne nous ont jamais rien dit. Bref, nous avons finalement cumulé beaucoup de chances tout au long de cette journée sur les rails !

Après coup, on nous raconte une histoire similaire qui s’est déroulée en Allemagne. Dans cette histoire, le contrôleur a empêché la personne de monter dans le train. Elle a dû se débrouiller en prenant pleins de petits lignes TER qui avaient des emplacements pour les vélos. Faut croire que les Suisses sont plus tolérants que les allemands finalement.

A la gare, Bastian vient nous chercher. Il nous aide à remonter les vélos. C’est lui qui nous accueillera tout au long de notre séjour à Zurich. On dépose les bagages chez lui avant de se dégourdir les bras lors d’une séance d’escalade urbaine au-dessus d’une rivière. A cette instant, nous ne regrettons pas les chaussons d’escalade que nous baladons depuis le début du voyage ! Comme un goût d’été et de vacances dans la ville des banquiers.

Le lendemain matin, on rejoint l’institut Eawag en vélo, à 35min de Zurich. Pour l’anecdote, l’Eawag était au commencement un petit groupe de recherche affilié à l’Ecole Polytechnique Fédérale (EPF) de Zurich. Leur travail a petit à petit été reconnu par l’état Suisse. Aujourd’hui, il s’agit du principal institut qui travaille sur les thématiques de l’eau potable et de l’assainissement. C’est également une référence à l’échelle mondiale. Beaucoup de personnes ont déjà pu nous en parler au cours de notre périple.

Arrivé en vélo à l’institut de recherche Eawag
Dans le bâtiment, une représentation grand format d’une molécule d’eau (H2O)

A peine arrivés, Bastian nous fait visiter le bâtiment principal. Il a 15 ans désormais. A l’époque, c’était vraiment précurseur car le bâtiment est entièrement en énergie passive. Le système d’aération est extrêmement bien pensé. En dehors de l’ensoleillement, la chaleur des cuisines et des serveurs chauffent l’intégralité des autres pièces. Bien sûr, avec la chaleur humaine aussi. Pour l’exposition, des panneaux présents sur les façades les plus orientées se déplacent automatiquement en fonction des heures de la journée et des saisons. C’est tout un système de capteurs qui est en place. Sur le toit, on retrouvera quelques panneaux photovoltaïques. Toutefois, ces derniers ne suffisent pas à fournir toute l’électricité du bâtiment. Les machines et appareils de mesure des laboratoires consomment beaucoup ! Des panneaux solaires thermiques ont aussi été installés pour chauffer l’eau des cuisines. Un toit végétalisé permet également de récupérer l’eau de pluie pour l’envoyer dans toutes les toilettes du bâtiment. Bien évidemment, avec Bastian, on visite aussi les toilettes. Il s‘agit de toilettes à chasse d’eau. Les chasses d’eau sont alimentées par de l’eau de pluie collectées sur le toit du bâtiment. Cependant, celles-ci permettent tout de même de séparer les urines pour les envoyer dans un réseau annexe. Bastian nous amène ensuite en sous-sol. C’est là que les urines arrivent, dans de grosses cuves de stockage.

Chauffe-eau solaire sur le toit de l’Eawag
Bastian Etter nous présente les différentes toilettes à séparation développés grâce aux travaux du centre de recherche

C’est le moment de vous présenter Bastian. Il a réalisé ses études à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Il a pendant longtemps été ingénieur de recherche au sein de l’Eawag. Il a notamment travaillé au sein de l’équipe de recherche SANDEC qui aborde les questions d’assainissement dans les pays du sud. Dans ce cadre, il a vécu 2 ans au Népal. Bien que ses collègues l’aient longtemps poussé à faire une thèse, il a préféré développer un procédé de valorisation des urines. De cela, a émergé Vuna.

Aujourd’hui, Vuna est une start-up issue de l’institut Eawag. Pendant 5 ans, elle est partenaire de l’institut. Pour simplifier les choses, elle peut être hébergée dans ses locaux et bénéficier des appareils de mesure. C’est une manière de l’aider à se développer et à prendre son autonomie. C’est donc ici que Vuna développe et améliore son procédé. Nous le découvrons sous nos yeux puisqu’il est mis en place au sous-sol du bâtiment principal. En premier lieu, les urines brutes arrivent dans une cuve de nitrification. Les bactéries mises dans de bonnes conditions de températures vont ainsi transformer l’urée en nitrates. Ensuite, l’urine nitrifiée va passer dans un filtre à charbon actif. Cela permet de supprimer la majorité des micropolluants que l’on retrouve dans les urines : hormones, résidus médicamenteux, caféine, etc. Le troisième et dernier traitement est le passage de l’effluent dans un distillateur. Les nutriments peuvent ainsi être extraits et concentrés dans une liquide final appelé Aurin.

Le 1er urinoduc au monde !
Plusieurs panneaux expliquent le processus de fabrication de l’Aurin
La chaîne de production de l’Aurin
En entrée de l’urine, en sortie du fertilisant concentré

Vuna peut aujourd’hui vendre l’Aurin comme engrais en Suisse. Elle vient tout récemment d’obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en Autriche. Cela devrait leur ouvrir les portes de l’Union Européenne. L’Aurin se vend à un prix similaire à l’engrais de jardin vendu aux particuliers. Les engrais utilisés par les agriculteurs, principaux utilisateurs, sont très subventionnés et donc peu chers. C’est aujourd’hui impossible pour Vuna d’essayer de vendre l’Aurin au monde agricole. D’autant plus que cela impliquerait de pouvoir fournir d’immense volumes, ce qui n’est pas réalisable pour eux à ce stade.

La start-up comprend aujourd’hui 5 salariés. Elle a partagé ses activités en deux : le développement du système de traitement et de valorisation des urines via « VunaNexus » d’un côté et le conseil à l’installation de systèmes d’assainissement écologique de l’autre. En effet, au-delà de son procédé de valorisation des urines, Vuna accompagne de nombreux clients partout en Suisse à la construction d’assainissement écologique. C’est une sorte de bureau d’études spécialisé qui travaille aussi bien avec des particuliers, des entreprises ou des collectivités. Ils sont devenus la référence pour toutes les installations de refuges de montagne en Suisse. Deux de leurs plus gros projets en cours sont la mise en place d’un réseau de collecte des urines suivi de leur unité de traitement au sein du quartier de Saint-Vincent de Paul à Paris et à l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), tout un symbole ! Lorsqu’ils installent leur procédé, celui-ci appartient ensuite au maître d’ouvrage. Toutefois, VunaNexus s’engage à prendre tout l’engrais, le revendre et à rendre une partie des recettes au client pour qu’il puisse faire un retour sur investissement.

Nous avons finalement passé notre journée à visiter les différents bâtiments de l’Eawag. Nous avons rencontré Céline. Elle a fait la même école d’ingénieur que nous à Montpellier et a réalisé sa thèse avec un ancien enseignant à nous. Il y a 3 ans, elle a été prise en post-doc à l’Eawag. Elle est aujourd’hui cheffe de groupe. C’est une belle réussite quand on voit le nombre de demandes que reçoit l’institut chaque année. Elle travaille aujourd’hui sur de nouveaux procédés de purification de l’eau potable. Elle a pu nous faire visiter tous ses laboratoires. Nous sommes même rentrés chez les voisins de l’Eawag, dans le Nest. C’est un bâtiment tout récent constitué d’un noyau central en béton duquel part de grandes dalles en bétons sur 3 étages. Ces dalles permettent d’accueillir différents modules. Il s’agit d’un immense terrain de jeu pour les architectes et ingénieurs en génie civil qui expérimentent tout un tas de techniques du bâtiment. Giuseppe a pris plus d’une heure avec nous pour tout nous expliquer. Merci à lui. Encore une fois, nous sommes allés au sous-sol. Le bâtiment sépare toutes ses eaux : les eaux noires (matières fécales), les urines, les eaux grises légères (douches, lavabos) et les eaux ménagères lourdes (cuisine). Chaque eau reçoit un traitement différent. C’est un bel endroit pour expérimenter pleins de méthodes d’épuration différentes. C’est le terrain de jeu de Guiseppe.

Visite des pilotes de l’Eawag avec Céline
Visite du NEST avec Giuseppe
Vue de l’extérieur, le NEST est un immense bâtiment constitué de différents modules
Les différents eaux usées sont séparées à la source pour tester des traitements spécifiques

Pour la petite anecdote, un autre bâtiment, le FLUX, est connecté au bâtiment principal par une canalisation pour y renvoyer ses urines.  Selon Bastian, il s’agit du premier urinoduc au monde !! Ils ont prévu de faire une fête avec tous les chercheurs pour célébrer cette installation.

On termine notre excursion à l’Eawag avec Bastian. Nous nous installons sur une table avec une carte en relief de la Suisse. Nous organisons notre trajet pour les jours à venir. Comme de nombreux salariés de l’institut, Bastian est féru de montagne. Il a aussi réalisé plusieurs voyages à vélo. Il nous indique la meilleure route à suivre et des points de chutes pour la nuit.

On termine la journée par une visite du centre-ville de Zurich avec les vélos. Nous garderons un très bon souvenir de cette ville.

L’équipe de Vuna
Balade au jardin chinois de Zurich

Merci à Bastian d’avoir organisé notre séjour à Zurich et accueilli comme des rois avec de délicieuses découvertes culinaires, ainsi qu’à ses colocataires de nous avoir hébergé !

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