16 Mai 2022
Michel est la dernière personne que nous allons rencontrer sur Paris. Il a une maison dans le Berry où il y passe sa retraite désormais Toutefois, pour nous, il est revenu sur Paris. Il nous accueille dans son petit appartement à Colombes. C’est très gentil de sa part de nous ouvrir sa porte aussi facilement.
C’est Fabien Esculier qui nous a parlé de Michel. C’était son prof’ lorsqu’il étudiait à l’Ecole Polytechnique. C’est Michel qui lui a donné envie de travailler dans l’assainissement et on comprend pourquoi. L’échange était passionnant pour nous. Lors de l’interview, l’enseignant a bien repris son rôle puisque nous avons eu l’impression de revivre nos cours de traitement des eaux en beaucoup plus simple et limpide qu’autrefois. Ça nous a donné envie de replonger dans la théorie.
Michel Gousailles est ingénieur de formation. Il a fait l’école des ingénieurs de la ville de Paris. Pendant toute sa carrière, il a travaillé au Syndicat Interdépartemental d’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP). C’est un ancien collègue de Jean-Pierre Tabuchi (cf article précédent).
Il a démarré en tant que responsable des appareils électromécaniques sur la station d’épuration d’Achères (ou Seine-Aval). Ensuite, il a eu l’opportunité de prendre la place d’un de ses collègues au laboratoire de recherche du SIAAP. Il devait remplacer, à l’époque, « l’éminence grise » du SIAAP parti en retraite. Cette évolution lui a permis de pouvoir s’intéresser totalement aux procédés de traitement des eaux. A l’époque de son arrivée, le traitement de l’azote et du phosphore n’étaient pas encore au point. La station traitait uniquement la matière organique présente dans les effluents.
Michel est quelqu’un de curieux. Il s’est aussi renseigné sur l’historique du système d’assainissement parisien au 19ème et 20ème siècle. Il a pu nous raconter l’arrivée du tout-à-l’égout. Faut bien se rendre compte que les égouts de Paris sont une belle œuvre de génie civil. Certaines canalisations sont grandes comme un couloir de RER ! Son rejet direct dans la Seine sans aucun traitement a posé de nombreux problèmes à l’époque. La Seine était noire a proximité du rejet, puis verte un peu plus loin. Une bonne partie des espèces de poissons ont disparus. La population pouvait même voir des bulles de méthane remonter à la surface par certains endroits. Pour contrer ce problème, les rejets d’égouts ont été déviés. Les exutoires du réseau d’assainissement ont été positionnés en entrée de champs. Ainsi, à partir de 1895, au niveau d’Achères et de ses alentours, plus de 10 000 ha ont été réservés à l’épandage des effluents. Il s’agissait alors d’une épuration naturelle par le sol tout en restituant les nutriments contenus dans les effluents. En effet, ces parcelles étaient utilisées pour cultiver certains légumes qui nourrissaient une partie de la population parisienne. La population augmentant avec l’étalement urbain, ce type de système a totalement disparu. Sur copie de nos voisins anglais, le traitement de la matière organique par lits bactériens est ensuite arrivé à Paris après la première guerre mondiale.
S’en est suivi ensuite toute une évolution des techniques de traitement. Après avoir traité la matière organique, l’eau de la Seine n’était plus noire mais restait toutefois verte. On a petit à petit commencé à s’intéresser à l’azote et au phosphore. A force des évolutions, le milieu naturel a pu reprendre forme. Dans les années 2000, certains poissons indicateurs de la bonne qualité de l’eau tel que le Saumon ont pu être observés proche du rejet de la station d’épuration d’Achères à Puteaux.
Vous l’aurez compris, Michel est un super pédagogue. Il ferait comprendre à n’importe qui les grands principes du traitement de l’eau. Nous avons aussi pu pousser la discussion plus loin en récoltant son point de vue sur les nouvelles méthodes de l’assainissement :
– la méthanisation : « on en fait depuis les années 40 au SIAAP. Ça fonctionne très bien pour les stations d’épuration. Il faut développer ce procédé au maximum. »
– la réutilisation des eaux usées traitées : « on en faisait à l’époque à Paris. Cela semble donc assez logique de revenir à ce type d’alternative tout en maintenant de bonnes conditions sanitaires bien entendu. »
– la séparation à la source : « Cela intéresse le SIAAP dans le cadre des nouveaux projets de construction pour éviter une augmentation de la pollution en entrée de station. Toutefois, je doute que cela se généralise au-delà des nouveaux immeubles. Les investissements que nous avons fais sont trop importants pour que nous changions tout le système, surtout en ville, cela semble impossible. »
En fin d’interview, nous avons pu mettre les micros de côté. Michel nous a offert un verre. C’était très convivial. C’est quelqu’un d’extrêmement gentil que l’on serait ravis de revoir par la suite.
On reprend les vélos pour traverser Paris en passant par le quartier de la Défense. Les tours sont immenses et impressionnantes. La vue sur l’arc de triomphe est sublime ! Le reste du trajet à vélo est toutefois un enfer. Les automobilistes parisiens n’aiment décidément par les deux roues. Heureusement que nos amis nous attendent avec un dîner tout prêt. Merci à eux !
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