23 Mai 2022
Lors des Intestinales (rencontres annuelles du Réseau d’Assainissement Ecologique), nous avions pu faire la rencontre de Vincent et Fanny de l’entreprise Piss&love basée à Lausanne. Avant d’aller à Genève, nous étions donc obligés de leur rendre visite.
En descendant des pré-alpes et du « Pays d’Enhaut » où nous avions passé une nuit chez Philippe Morier-Genoud, nous nous arrêtons à Paléziaux-Gare dans une magnifique colocation suisse où nous dormons. Les colocataires font partis d’une association de théâtre d’improvisation. Par chance, le soir même où nous arrivons, il y a un spectacle. Ni une, ni deux, nous fonçons assister à la représentation. Une bulle culturelle dans cette aventure sportive nous fait le plus grand bien.
Le lendemain, nous passons par Lausanne et retrouvons nos amis de Piss & Love. Avant d’arriver dans cette ville, nous vous conseillons de bien repérer votre chemin auquel cas vous regretterez vite vos erreurs de parcours. C’est une cité juchée sur une colline au bord du Lac Léman dans laquelle il est facile de se retrouver avec des pentes supérieures à 15 %. Cette découverte faite et nos jambes mises à l’épreuve, nous déposons nos vélos dans leur garage. Nos hôtes nous ont préparé un magnifique repas que nous pourrions décrire sur plusieurs paragraphes tellement il est délicat et délicieux. Nous en retiendrons surtout son pesto maison à l’ail des ours, une vraie dinguerie !
Durant ce déjeuner, nous explorons le passé afin de comprendre leur rencontre et la création de l’entreprise.
Au démarrage, Vincent et Fanny étaient tous deux étudiant.e.s à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). L’un est ingénieur en environnement quand l’autre est architecte. Ils se sont rencontrés lors d’un projet étudiant commun à leurs deux formations: le Solar Decathlon. C’est un grand concours d’innovation entre étudiant.e.s du monde entier qui dure 2 ans. Le but ? Construire une maison la plus écologique possible. Leur équipe constituée d’une cinquantaine d’étudiant.e.s aux compétences diverses s’est alors attelée à la conception d’une maison de quartier fabriquée à partir de matériaux écologiques. Le nom donné à ce projet est « NeighborHub » ou « cœur du voisinage » car il s’agit en réalité d’une maison de quartier pouvant accueillir des ateliers, formations, évènements, etc. Elle contient également de grands espaces multi-fonctionnels dans l’objectif d’en faire un lieu de partage et d’échange. Le bâtiment est pensé de manière à réduire au maximum son impact sur l’environnement. Vincent et Fanny ont pu nous en décrire précisément son fonctionnement. Si ce projet vous intéresse, n’hésitez pas à aller consulter le site web du projet (Swiss Living Challenge: https://archiveweb.epfl.ch/www.swiss-living-challenge.ch/index.html). Ce n’est pas pour rien s’ils ont gagné ce concours !
Ce projet, finalisé en 2017, aura fait travailler plus de 200 étudiants aux compétences diverses pour sa conception et sa fabrication. En effet, les étudiants ont également dû construire le bâtiment en chair et en os afin qu’il puisse servir de démonstrateur. Le concours se déroulant aux États-Unis, l’ensemble des modules conçus ont été acheminés par containers et assemblés sur place. C’est donc toute une logistique, gestion administrative et financière qu’on dû porter les étudiant.e.s. Ce projet au long court en a justement inspiré certain.e.s qui ont par la suite lancé leur entreprise. Ainsi, un petit groupe s’est constitué pour créer l’entreprise Enoki qui vise à perpétuer et commercialiser ce type d’habitat en Suisse.
Pour Vincent et Fanny, la suite est tout autre. Vincent, comme tout Suisse, avait ensuite le choix entre réaliser son service militaire ou effectuer un service civique. Il a pris cette seconde option avec laquelle il a pu intégrer l’institut EAWAG. Durant cette mission, il a travaillé notamment sur l’optimisation du procédé VUNA servant à recycler l’urine en engrais en bouteille (cf article sur Vuna). Fort de cette expérience, il est ensuite recruté chez l’un des principaux loueurs de toilettes sèches Suisse : l’entreprise Kompotoï. Locations dans les festivals, sur les chantiers, en montagne, réparations et entretiens de toilettes publiques, ses missions sont multiples, d’abord dans la région de Zürich puis Berne et Fribourg. En parallèle, il continue de développer sa passion, le mix. En effet, Vincent fait de la musique et mix dans des soirées et sur des festivals. Ce milieu lui est donc déjà familiers. Son contrat se terminant chez Kompotoï, il décide donc de rentrer chez lui à Lausanne et de lancer sa propre activité. Son objectif ? Se créer un métier qui lui permette d’être proche du monde de l’événementiel afin de lui ouvrir, à terme, des portes pour sa passion, la musique.
Fanny quand à elle a travaillé dans plusieurs agences d’architecture Suisse pendant quelques années avant de se mettre à son compte. Comme Vincent, elle s’est écartée de la logique technologique qui guidait le projet « Neighborhub ». Mettre des capteurs partout pour mesurer les flux et les consommations, ce n’est plus leur idéal. Ils développent, au travers de Piss&love, une approche plus Low Tech. C’est d’ailleurs Fanny qui a conçu les premières cabines de Piss&love.
De loin, elles ressemblent à de petits chalets de montagnes. Cette préoccupation pour l’esthétique que l’on retrouve chez de nombreux architectes permet à ces cabines de se démarquer. En effet, on s’y sent bien à l’intérieur. Tout y est précisément réfléchit, du porte savon, au positionnement de l’assise jusqu’à la nature des copeaux ajoutés. Il s’agit de broyat de bois de type « BRF » plutôt que de la sciure de scierie que l’on retrouve habituellement dans les toilettes sèches unitaires. C’est peut être un détail mais pour eux cela change tout. Le compostage est plus facile et l’odeur n’est pas la même, elle rappelle les sous-bois. Cette ambiance favorise l’usager à prendre conscience qu’il rend à la terre ce qu’il a pu lui prendre. L’autre particularité de ces toilettes réside dans leur installation. En effet, chaque cabine est constituée de modules en bois pouvant être assemblés un peu comme des légos. Cela facilite grandement l’installation et le transport, tout en permettant d’avoir des parois solides en bois de grande épaisseur. Leur inconvénient ? Le prix. Chaque toilette coûte un joli billet en investissement pour une petite entreprise locale comme Piss&love. Heureusement, Vincent est bien entouré. Ses amis et sa famille lui ont fait confiance et ont permis de lever des fonds pour démarrer l’activité.
Cela fait seulement quelques mois qu’il a commencé et la demande est grande. La raison de cette réussite ? On peut certainement en accorder une partie au nom trouvé à l’entreprise, Piss&love, mais pas que. Comme expliqué précédemment, Vincent connaît bien le milieu de l’événementiel. Il a su convaincre rapidement certains festivals. De plus, aucun loueur n’existait jusqu’à présent à Lausanne. Il répond également aux besoins des bars de rue installés l’été dans la ville. Il s’agit alors de toilettes semi-publics puisqu’elles sont entretenues et gérées par le bar mais disposées sur l’espace publique et accessibles ainsi à tout un chacun.
Notre passage fût éclair mais nous sommes ravis d’avoir pu découvrir cette nouvelle forme de cabine de toilette sèche qui ajoute de la diversité dans l’ensemble des toilettes que l’on a pu visiter !
Merci à Vincent et Fanny pour leur accueil. Longue vie à Piss&love !
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