14 Mars 2022
Après 3 jours de vélo intense dans les landes et le bassin d’Arcachon, nous arrivons rincés à La Réole chez Franck. Malgré la fatigue, nous sommes tellement fiers d’avoir réussi à enchaîner 350 kilomètres sur 3 jours tout en tractant chacun 45kg de matériels et vélo. On a eu la pluie et le froid. Malgré ça, nous avons eu la chance de découvrir la dune du Pilat sous un soleil de plomb.
Franck est salarié de l’entreprise « Un petit coin de paradis » dont nous reparlerons dans un prochain article. Il habite en colocation dans un lieu incroyable au sud de Bordeaux. Lui et sa bande de copain.e.s ont acheté un lieu ensemble l’année dernière. Il s’agit d’une très belle bâtisse perchée en haut d’une colline avec vue sur la vallée dessinée par la Garonne. Franck nous régale avec ses flamenkuches faites maison et son fondant au chocolat/potiron. On a même l’occasion de visiter la tiny house posée au milieu des hectares en pleine conversion pour accueillir du maraîchage bio et des vergers.
Pourquoi avons-nous fait ce grand détour par la Réole au lieu de tracer tout droit à Bordeaux ? Tout simplement car nous sommes allés rencontrer la start-up Toopi Organics à Loupiac-la Réole.
Dès 9h, nous arrivons à vélo dans ce parc d’activité situé en bordure du village. Avec la proximité de l’axe autoroutier Bordeaux-Toulouse et la ligne de TER Bordeaux-Agen, ce territoire est en plein expansion. Il attire de plus en plus d’habitants et entreprises.
Toopi Organics s’est créé en 2019 par l’association de 3 personnes : deux entrepreneurs et un chercheur. Après un peu plus de 2 ans d’existence, la start-up est aujourd’hui composée d’une vingtaine de salariés. Elle a réussi à lever des fonds jamais vu auparavant dans la domaine de l’assainissement écologique. De gros investisseurs croient aujourd’hui dans l’avenir de cette entreprise.
Que peut-elle donc développer ? En réalité, le principe est assez simple. Toopi collecte de l’urine brute en grande un peu partout en France. Elle utilise ensuite cette urine comme substrat pour cultiver différentes bactéries. Le produit final que propose l’entreprise est donc un produit à base d’urine contenant une concentration importante de bactéries pouvant être utilisées en agriculture.
La stratégie de Toopi est d’identifier des lieux où la ressource en urine est la plus importante tels que les Établissements Recevant du Public (lycées, écoles, bureaux, lieux touristiques, aires d’autoroute, etc.). Sur la partie collecte, l’entreprise met en lien les constructeurs de dispositifs de collecte avec les maîtres d’ouvrages. Une fois le bâtiment déconnecté du tout-à-l’égout et l’ouvrage à séparation installé (des urinoirs secs par exemple), Toopi y dispose une cuve de collecte contenant un petit peu d’acide lactique (1% du volume) permettant de stabiliser l’urine et ainsi d’éviter les odeurs. Petite anecdote marrante, Toopi a installé des urinoirs secs au Futuroscope de Poitiers. Et ça, pour l’assainissement écologique, c’est une sacré publicité !
Une fois la cuve pleine, Toopi la transporte jusque dans ses locaux. Arrivée à Loupiac, l’urine y subit une première étape de filtration simple avant d’être envoyée dans un réacteur. Un peu de sucre et une petite montée en température, et on aboutit à une milieu de culture parfait pour les bactéries. Au bout de quelques semaines, le produit est prêt à être utilisé.
Les bactéries cultivées par Toopi peuvent être utilisées en agriculture pour :
- améliorer la fixation de l’azote par les plantes ;
- améliorer la fixation du phosphore par les plantes ;
- et prévenir de certaines maladies ;
Ce type de produit est appelé un biostimulant. Il s’agit d’une solution liquide contenant des bactéries ou des champignons permettant de stimuler le processus de nutrition des végétaux. Aujourd’hui, de nombreux biostimulants sont développés par l’industrie agrochimique. Toutefois, ces produits sont relativement récents, coûtent chers et ne font pas encore l’unanimité chez les agronomes. En effet, les bactéries ou champignons de ces biostimulants sont exogènes aux sols dans lesquels ils sont introduits. Ainsi, une concurrence forte se met en place entre les micro-organismes déjà présents dans le sol (endogènes) et les organismes introduits (exogènes).
Lorsqu’ils ont un impact significatif, ces produits peuvent potentiellement améliorer le rendement d’une culture. Ils sont suffisamment simple d’utilisation puisque pour certains, il suffit d’utiliser 20 litres pour 1 hectare de culture. En revanche, il s’agit encore d’un produit supplémentaire à acheter chaque année par l’agriculteur. Ce qui peut représenter un coût important pour l’exploitant. En sachant que ce produit n’enlève en rien la nécessité d’apporter des nutriments (engrais) à la culture.
Sur ce point, l’innovation de Toopi serait de réduire drastiquement le coût de tels produits s’ils sont fabriqués à base d’urine collectée gratuitement. Les tests agronomiques effectués par l’entreprise montrent aujourd’hui des résultats encourageant, en particulier sur la culture du maïs, un enjeu important dans le sud-ouest. A ce jour, Toopi n’a pas encore obtenu d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en France. L’entreprise ne peut donc pas encore vendre ses produits. Toutefois, la démarche est en cours et devrait aboutir dans les mois qui viennent.
Vous l’aurez compris, Toopi prend une place unique en France dans le domaine de l’assainissement. En effet, c’est la première fois qu’un acteur se positionne comme valorisateur direct de nos excrétions. Pour le moment, dans le modèle économique de Toopi, l’urine reste perçue comme un déchet puisqu’elle est collectée gratuitement. En revanche, à terme, peut-on espérer la considérer comme une ressource et que celle-ci soit achetée par des valorisateurs ? Une belle réflexion en perspective…
Nous avons très bien été reçu par Toopi durant cette matinée. Nous avons eu droit à une visite complète de leurs locaux et de longs échanges avec Mickaël et Quentin. Après le repas, une partie de foot s’improvise avec l’équipe. C’était très convivial et ça nous a bien mis en jambe pour le vélo ! Malheureusement, quand la partie se termine, l’après-midi est déjà bien avancée. Nous n’aurons pas le temps de rejoindre Bordeaux à vélo. Nous décidons de nous faciliter l’entrée de la métropole en prenant le train à partir de Langon. A nous les cannelets gavés bons !
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