Publié le Laisser un commentaire

Un petit coin de paradis

16 Mars 2022

Comme dans toutes les villes où nous nous arrêtons, nous continuons à nous déplacer à vélo. C’est plus simple et comme ça, nous n’avons pas à payer les transports en commun. Avec surprise, nous découvrons la grande quantité de pistes cyclables présentes à Bordeaux, rien à voir avec Marseille, Montpellier ou Toulouse. C’est tout de suite plus agréable de prendre les vélos !

Ce matin, nous partons en direction d’Eysine, une commune limitrophe à Bordeaux. Nous y retrouvons Mathieu, un des associés de l’entreprise « Un petit coin de paradis ». Au début de l’histoire, deux copains décident de monter une activité de location de toilettes sèches autour de La Rochelle. Après quelques années de développement, Mathieu a l’occasion de travailler une saison entière dans l’entreprise et apprend que les fondateurs veulent arrêter. Il décide donc d’associer son colocataire de l’époque Fabrice et de rependre l’entreprise. Il la rapatrie à Bordeaux dans l’objectif de pouvoir rayonner plus largement. Il est important de rappeler que les toilettes sèches n’étaient pas encore si répandues dans les festivals à l’époque.

Belle pièce à vivre de l’entreprise
Interview de Mathieu

L’activité historique d’Un petit coin de paradis est donc la location de toilettes sèches pour l’événementiel. Il s’agit d’un métier saisonnier. Aujourd’hui, l’entreprise a 5 salariés tout au long de l’année et recrute plusieurs saisonniers de mars à octobre. Elle construit ses propres toilettes sèches en bois OSB facilement démontables et transportables. Généralement, elle arrive environ 1 jour avant le début de l’événement pour installer les toilettes et repart 1 jour après pour les démonter. Durant le festival, elle assure le nettoyage des cabines, la vidange des bacs et fait beaucoup de sensibilisation auprès du public. Leur secret ? La mise en place d’un bar à eau au niveau des cabines pour engager la conversation.

Les toilettes installées par Un petit Coin de Paradis sont des toilettes sèches traditionnelles où les urines et matières fécales sont stockées dans un bac situé sous l’assise dans lequel on ajoute de la sciure à chaque utilisation. Après l’événement, les matières et la sciure sont mises dans une grande benne qui part ensuite en plateforme de compostage près de Bordeaux. A côté des toilettes, des urinoirs (masculins et féminins) sont aussi installés. L’urine est dans ce cas récupérée et transférée à l’entreprise Toopi Organics (voir article précédent) pour valorisation. 

Depuis la crise sanitaire et l’absence d’événements culturels, Un petit coin de paradis a développé une seconde activité lui permettant d’avoir du travail toute l’année. Il s’agit de l’installation de toilettes sèches sur les chantiers BTP. Les ouvriers du bâtiment sont finalement assez demandeurs de ce type d’installation. Elles sont bien plus appréciées que les toilettes chimiques mises en place habituellement.

Cabines de toilettes sèches unitaires de festival
Urinoir féminin Marcelle

L’entreprise est également en charge de la gestion de plusieurs toilettes sèches publiques (type sanisphère ou Kazuba) sur le territoire de Bordeaux Métropole. Le métier est ici différent puisqu’il s’agit principalement de l’entretien et de petites réparations sur les installations. Mathieu déborde d’idée et d’imagination. Il a toujours quelque chose en tête qu’il souhaite améliorer ou développer. Depuis deux ans, ce sont les toilettes à séparation. Il a développé un caisson (BIBOK) et des contenants simples pour l’expérimentation portée par l’association La Fumainerie (voir prochain article). Il s’agit ici d’un réceptacle à urine en céramique intégré directement à la toilette. Ce travail effectué avec un céramiste permet aujourd’hui de vendre le séparateur à urine aux particuliers aujourd’hui (plus haute gamme et qui se rapproche plus de l’urinoir que l’on connaît). C’est notamment Franck qui est en charge de sa commercialisation. Cette année, les ventes de ce séparateur en céramique ont explosées. Tout le monde cherche à recycler son urine. Allez savoir pourquoi !

Depuis peu, Un petit coin de paradis installe également des toilettes sur des camps précaires. En partenariat avec le CCAS de la Ville de Bordeaux et l’association la fumainerie, l’entreprise a mis en place des toilettes sèches sur deux camps situés sur les quais de la Garonne. Nous avons eu l’occasion de pouvoir visiter ces bidonvilles. Ils sont entourés de pleins d’immeubles tout neufs ! Il s’agit d’un quartier concerné par les grands plans de la métropole dont l’objectif est d’agrandir la ville et d’accueillir toujours plus d’habitants. C’est un peu étrange de retrouver ces bidonvilles au milieu de tout ça.

Toilettes sèches dans un bidonville
Collecte des matières des bidonvilles

Dans le premier bidonville, entre 180 et 200 personnes d’origine roms bulgares vivent dans leurs caravanes sous un hangar. La collectivité y a permis un accès à l’eau et à l’électricité. Le camp est plutôt bien géré, notamment grâce à l’intervention d’une médiatrice bulgare qui facilite l’accès aux soins et l’organisation du lieu. Le jour de la visite, les toilettes sont en place depuis 1 mois. Elles sont réparties entre les différentes familles du camps. Une certaine autonomie est donnée aux usager.e.s puisque ce sont eux qui doivent sortir leur bac contenant les matières et l’amener à l’entrée du camp pour que le camion puisse les collecter. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’ils peuvent récupérer du papier toilette, de la sciure et de nouveaux bacs propres pour la semaine suivante. Aujourd’hui, ce rituel est globalement bien respecté par les habitant.e.s. En revanche, nombre d’entre eux ne mettent pas assez de sciure ce qui peut entraîner des odeurs. Comme sur le camps de Toulouse, les matières récoltées sont très liquides et traduisent de personnes en mauvaise santé.

Sur l’autre bidonville, la médiation et l’ingénierie sociale n’est pas aussi bien mise en place. Les installations sont donc moins bien gérées par les habitant.e.s. Cela rend le métier vraiment difficile et ingrat pour les salariés d’Un petit coin de paradis. Pour avoir fait la collecte avec eux, ça retourne le bide !

Interview devant la « benne à caca »
Local de stockage des installations

Après un bon petit repas dans les locaux d’Un petit coin de paradis, nous avons la chance de pouvoir participer à l’installation de leurs toilettes sèches dans le lieu Darwin. Tous les mercredi, Darwin Ecosystème organise des concerts. Il s’agit d’une ancienne caserne militaire étant restée une friche urbaine jusqu’à ce que l’équipe de Darwin décide de racheter l’ensemble. Aujourd’hui, de nombreux acteurs et activités y se partagent l’espace : micro-brasserie, café/bar, espace de coworking que se partage plusieurs entreprises dont les bureaux d’études Vertigo Lab et le Sommer Environnement, une librairie, une fripe, un atelier vélo hors de prix, un magasin de la marque de chaussure Vega, un skatepark, etc. Nous gardons une expérience mitigée de Darwin. C’est un lieu où tout le monde est globalement bien habillé et où tout est cher. On comprend vite qu’il attire plutôt les classes sociale supérieures et promeut une certaine écologie. Nous n’étions pas très à l’aise à évoluer dans ce lieu. En partie car Darwin est situé à seulement 300m des camps précaires que nous avions pu visiter la veille…

Pour conclure, Un petit coin de paradis nous a apporté une vision très intéressante du développement de l’assainissement écologique en territoire Bordelais. En effet, depuis que la collectivité est passée aux mains des verts, les projets pullulent. De plus, tout un écosystème commence à se mettre en place sur le territoire avec des acteurs comme La Fumainerie, Toopi Organics et la MAison de la Matière Organique (MAMO), dernier projet soutenu par la métropole.

Cliquez ici pour accéder au site de l’entreprise Un petit coin de paradis.

Laisser un commentaire